Militaires libanais pris en otage : Ali Bazzal contre Joumana Hmayyed ?

Depuis l’enlèvement au mois d’août d’une trentaine de soldats et d’agents des Forces de sécurité intérieure par les jihadistes d’Al Nosra et les hommes de Daech suite aux combats qui se sont déroulés dans le Jurd d’Ersal, localité à l’est du Liban, le dossier en question continue de piétiner. Trois otages ont déjà perdu la vie. De sit-in en blocage de route, les proches des victimes ne chôment plus. 

Envers et contre tous, le Hezbollah a réussi quant à lui un coup de maître en troquant la libération du soldat Ibrahim Mghayt contre celle de deux syriens. Al Nosra a par ailleurs menacé le gouvernement libanais d’exécuter Ali Bazzal si une des leurs, Joumana Hmayyed, nest pas libérée dans les heures qui restent avant la fin d’un certain ultimatum. La colère des proches des victimes est montée hier encore d’un cran : blocages de routes, appels à la la démission du ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk. Echauffourées avec les Forces de l’ordre pour les déloger. 

Puis ont suivi des informations contradictoires au grand désespoir des familles des otages : certaines faisant état de promesses d’Al Nosra de prolonger l’ultimatum ont aussitôt été démenties. En tout cas, si le délai a été bel et bien repoussé, les ravisseurs jurent de mettre à exécution leurs menaces si leurs exigences ne sont pas respectées. 

De conciliabule en conciliabule, les négociateurs eux s’avèrent impuissants à traiter l’épineuse question. Confrontés au dilemme assassin entre décapitation ou rançon, il leur est manifestement difficile de trancher. Des simulacres de négociations dont les dessous sont d’une opacité totale pour leur soi-disant bon déroulement ou peut-être pour mieux berner les parents. 

Si l’initiative en solo du  Hezbollah au mépris de bien de principes est condamnable comme l’a rappelé le 14 Mars, elle a pour mérite de montrer une issue à double tranchant. Au mieux, elle épargne la décapitation à des innocents qui n’aspirent qu’à vivre en paix. Au pire elle incite ces terroristes à faire monter encore plus les enchères. 

Vu l’ampleur de la tragédie, on n’est plus à quelques détenus près de Roumieh pour renverser  la donne. On a vu pire, notamment de hauts responsables escortés par BHL affublés de l’appellation, "Amis de la Syrie" nous faire des shows sans que personne ne s’attarde sur leurs conséquences autrement plus graves. Que des politiques payent le prix de leurs magouilles peut passer comme lettre à la poste. Là où le bât blesse c’est qu’en temps de guerres la facture salée est toujours honorée par des innocents. 

Aujourd’hui un sit-in de grande ampleur est prévue sur la Place Riad el-Solh.

Le Qatar s’empare de l’affaire des otages syro-libanais…

Pris en étau entre les deux géants que sont l’Arabie Saoudite et l’Iran, le royaume du Qatar loti sur une colossale poche de gaz se plaît à exhiber à tout va la puissance compensatrice que lui confère sa  géographie. Ayant déjà adopté une diplomatie d‘influence qui le rend présent sur tous les fronts de la scène internationale, le Qatar se veut plus conciliant depuis l‘arrivée au pouvoir en juin 2013 du cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani. 

Par la seule et inénarrable  voix d’Al Jazeera, Doha exerce une propagande politique de grande envergure. Quant à ses reluisantes acquisitions tous azimuts et de tous genres, elles nous sont égrenées quotidiennement  et se déclinent en une large palette de biens prestigieux touchant à divers domaines. En plus de l’exploitation de tous les vecteurs de rayonnement dont celui majeur du sport faisant de cet ancien désert l‘incontournable plaque tournante du monde arabe, le petit émirat semble mettre un point d’honneur à développer son rôle de médiateur au profit des dits règlements des problèmes régionaux. 

Le dernier en date remonte à celui du dossier des otages libanais d’Aazaz lequel était fomenté à des fins de discorde sunnito-chiite : la capture des pèlerins chiites par la brigade de la tempête du Nord afférente à l’ASL au nord de la Syrie lors de leur retour d’un voyage religieux en Iran a enfin pris fin après 17 mois de détention. Au terme d’un troc astucieux sous l’égide de  Doha en collaboration avec Ankara,  l‘opposition syrienne et le directeur libanais de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, les pèlerins, les deux pilotes turcs et nombreuses Syriennes ont recouvré la liberté. 

Une avancée qui a eu pour effet de relancer le dossier épineux de l’enlèvement à Alep en avril dernier de deux évêques, grec orthodoxe et syriaque orthodoxe. Sans revendication aucune de la part des ravisseurs et sans éléments nouveaux, le dossier peine à se dénouer d‘autant qu’en fonction de l’évolution de la crise, la zone du rapt a vu changer sa tutelle. D’après les observateurs, la zone du rapt serait sous l’influence de Tchétchènes plus enclins à des pourparlers avec la Russie qu’avec la Syrie ou qu’avec les acteurs arabes régionaux d‘où sa complexité. 

Sous l’impulsion du patriarche maronite Bechara Raï, le Qatar  soucieux de préserver  la chrétienté du Moyen-Orient a promis de mettre tout son poids au profit du dénouement de ce problème. D’ailleurs pour montrer son attachement à la cohabitation de ces deux communautés, l’émir a fait savoir qu’une église maronite devra bientôt voir le jour à Doha. Le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim s’active à cet égard tout comme il l’a fait pour les pèlerins chiites, multipliant sans compter les contacts. 

Sous ces cieux où la défense de victimes ne s’exerce qu‘à la tête du client, heureuses sont celles qui peuvent s’adosser sur des poids lourds de l’univers politique. Sinon devant l’indifférence des géants, leur cause a de fortes chances de tomber dans l’oubli : nombreux sont ces Libanais disparus en Syrie depuis la guerre, depuis plus de deux décennies ; ignorant tout d’eux, à savoir s’ils sont morts ou vivants, leurs proches ne peuvent que se languir . Samir Kassab un cameraman de Sky News s’est volatilisé récemment en Syrie avec son équipe. Sa disparition ne semble pas perturber outre mesure les Autorités. A moins que ce ne soit là qu’une stratégie pour mener à bien l‘enquête…