UK : Le gouvernement de Theresa May – c’est la fête à Bojo

Seule certitude, Philip Hammond, nouveau ministre des Finances de Theresa May, a confirmé l’intention de la Première ministre de ne pas précipiter la sortie de l’Union européenne. Le nouveau gouvernement tentera de trouver sa cohésion cet été, et de la renforcer pour étudier les conditions du Brexit cet automne. BoJo (Boris Johnson) le farceur jouera sans doute la même partition.

Ce mercredi après-midi à 14 heures locales (de Londres), tous les postes ministériels n’étaient pas encore attribués. Mais les principaux rôles avaient été distribués la veille au soir, et l’esquisse de leur signification, que j’avais, à chaud, tracée sur BlastinNews (« Theresa May forme un gouvernement composite », reste, à grands traits, valide.

Mais on peut déjà approfondir. En ne manquant pas d’appuyer sur la surprise de la soirée d’hier. Soit l’attribution de la « pochette » du ministère des affaires étrangères à Boris Johnson. Nominalement, il s’agit d’un portefeuille à part entière. Et cela fait l’effet, un peu partout aussi dans le monde, comme l’a titré le Daily Mirror, d’une bombe… Aussi à retardement ? Tout dépendra de la cohésion ministérielle.

La une du Mirror, le seul quotidien, avec The Guardian, proche des travaillistes, reprend l’une des photos de BoJo faisant le pitre à l’occasion de l’ouverture des derniers Jeux olympiques avec cette légende assassine : Dear World, Sorry (chère planète, désolé). Libération, au lendemain du référendum sur le Brexit, avait choisi une photo similaire mais moins féroce en souhaitant « bonne chance » (avec BoJo, alors donné potentiel futur Premier ministre, au Royaume-Uni.

Pourquoi tant de consternation mêlée d’hilarité ? Cela tient tant aux outrances de BoJo lors de la campagne du Brexit qu’antérieurement à sa longue série d’articles eurosceptiques dans The Telegraph. Il s’y révélait caustique, baratineur, exagérateur, tel un Thierry Roland en verve transcrivant sur le papier ses chroniques.

Toute la presse britannique, mais aussi internationale, a publié des florilèges de ses articles ou saillies verbales. The Independent a publié une mappemonde : la carte de tous les pays qu’il a insulté. Cela divise le monde à peu près en deux, la majorité de l’Amérique centrale et du Sud est épargnée, tout comme l’Afrique du Nord et sahélienne ainsi que l’Asie centrale.

Sa nomination correspond à deux hypothèses. La première : qu’il se calme, se montre aussi longtemps que possible solidaire, et se contente d’un rôle de fait secondaire. Car les choses sérieuses, en politique extérieure, seront traitées par Theresa May, Philip Hammond, aux Finances, David Davis, nommé Brexit secretary (ministre chargé de la sortie de l’UE), Liam Fox (commerce extérieur) …  BoJo sera soigneusement bordé. La seconde est encore plus hypothétique : que Trump remporte les élections aux États-Unis. Certes, il l’avait décrit « étonnamment ignorant » mais les deux hommes s’étaient rapprochés (BoJo, né à New-York, a renoncé à sa citoyenneté étasunienne pour des raisons fiscales). Mais entre autres aménités qu’il a réservé à Hillary Clinton (ou aussi à Obama), figure ce difficilement oubliable « une sadique infirmière d’hôpital psychiatrique ». BoJo saura aussi s’appuyer sur les parlementaires américains les plus favorables à Israël.

L’autre surprise tient à la reconduite de Jeremy Hunt à la santé publique. Il s’était fortement aliéné tous les personnels du NHS (l’Assistance publique élargie à tout le territoire britannique). Moindre étonnement, Andrea Leadsom, la dernière rivale de Theresa May à s’être désistée, et fervente pro-Brexit, est nommée à l’Environnement et l’Agriculture (elle était auparavant chargée de l’énergie).

La presse britannique répartit les ministres et secrétaires d’État de premier ou second plan entre Brexiters et Remainers. C’est jusqu’à présent vraiment déséquilibré, avec dix pro-maintien et seulement quatre pro-sortie (mais à des postes importants : Davis, Johnson, Fox, Leadsom). L’autre fait marquant est que, contrairement à l’usage, le renouvellement est important. La liste des remerciés, avec George Osborne en tête, dès tôt hier soir, montre que David Cameron n’a pas pu ou su replacer ses proches, dont trois femmes : Nicky Morgan (éducation), Theresa Villiers (Irlande du nord), et Tina Stowell (relation avec la chambre haute, les Lords). Peu avant 15 heures (à Big Ben), cinq postes ministériels n’étaient pas encore pourvus de même que celui de Leader of the Commons (lequel assiste au conseil des ministres). Donc, le décompte de la proportion féminine ne pouvait être établi.

Mais sur les 17 portefeuilles attribués, on remarquait que six vont à des femmes (huit, celui de Premier ministre inclus, étaient attendus). Prévision vérifiée avec la nomination de Priti Patel au Développement international (elle était auparavant chargée de l’Emploi). Creg Clark, aux Entreprises, voit ses fonctions élargies à l’Énergie et au changement climatique. La proportion entre Remainers et Bretixers s’est creusée (14 contre 7).

La nomination de Karen Bradley à la Culture, peu avant 16 heures (17 à Paris), accroît la présence des femmes. Contrairement à Margaret Thatcher, Theresa May a vraiment nommé ou promu des femmes.

Il avait été un moment envisagé que Iain Duncan Smith revienne au gouvernement. Il avait démissionné en raison des mesures fiscales de George Osborne, faites, selon lui (et les faits) au détriment des « plus vulnérables ». Il avait fait campagne pour Andrea Leadsom. Il est possible qu’il ait décliné un portefeuille. L’ancien ministre du Travail, un Écossais eurosceptique, pourrait retrouver un rôle plus important au sein du parti conservateur…

Le poste de l’Agriculture n’est pas vraiment un cadeau pour Andrea Leadsom : l’Union européenne accorde des subventions aux agriculteurs et éleveurs et pêcheurs britanniques… Ces subventions peuvent représenter plus de la moitié de leurs revenus. Elle s’était prononcée pour leur suppression. Elle s’est aussi déclarée favorable à la chasse aux renards (sujet très controversé), à la cession du domaine forestier, et s’était montrée réticente à l’adoption de mesures environnementales.

Le Cabinet Secretary tardait, ce soir, a être désigné. Il s’agit d’un rôle similaire à celui de directeur et secrétaire général de la présidence française. Le bureau du cabinet a la haute main sur la fonction publique. Le ou la Leader of the Commons (responsable des relations avec la chambre des Communes) n’était pas non plus nommé. Mais finalement, à la fin de l’heure du thé, le Cabinet a été complété. Il compte, Première ministre incluse, huit femmes (autant que sous Tony Blair, une de plus que sous Cameron), et sept Bretixers.

Theresa May est issue d’une grammar school et la proportion d’anciens élèves des écoles publiques s’accroît. Mais en dépit des déclarations de la Première ministre sur les inégalités, ce gouvernement semble malgré tout, en dépit de la non-reconduction d’Osborne, plus marqué à droite. Pour The Independent, elle conservera sans doute le surnom de Theresa Slay (pour n’avoir pas reconduit la garde rapprochée de son prédécesseur).