Mohamed Merah, presque toujours en vie…

Voilà une semaine que l’ennemi public français numéro 1 n’est plus de ce monde. En effet, jeudi 22 mars, alors bloqué dans son bâtiment par les forces du RAID, Mohamed Merah subissait, lors d’un ultime assaut, le prix du meurtre, la riposte de la République: la mort. Cependant, même mort, le tueur de Toulouse parvient à faire parler de lui et à attirer les médias, lesquels semblent se sentir dépendants du sort du meurtrier. 

L’origine: TABOU!

Avouons que nous ressentions tous un immense besoin d’être instruit de l’origine de Mohamed Merah, allons, allons. D’où pouvait bien venir cette incarnation du mal? D’Algérie. Etait-ce primordial de le mentionner? Alger a aussi fait savoir son mécontentement quant à cette insistance des médias sur la nationalité du tueur. Déjà en très mauvais termes depuis la guerre d’Algérie, la relation entre le pays maghrébin et la France ne devrait pas s’arranger suite à cette affaire, dont toute la population a eu vent. Nous sommes là confronté à une faiblesse de la démocratie. Comme le dénonce Tzvetan Todorov, dans un entretien accordé à "Philosophie magazine", nous souffrons de la pression médiatique, qui a remplacé le despotisme. En ce sens, la liberté d’expression, dont chacun de nous jouit chaque jour, est un danger pour la démocratie elle-même: qui a la parole a le pouvoir, et nuit ainsi à la liberté de ceux qui sont visés. Or, en l’occurrence, ce n’est plus Mohamed Merah seul qui est la cible des médias, mais toute une nation, voire tout une religion ( car l’esprit humain est si futé qu’il associe automatiquement Algérie à islam), qui récolte les crimes d’un seul homme. Un coup du sort. Comme si Ben Laden, Al-Qaïda et toutes les minorités extrémistes musulmanes n’avaient pas assez enfoncé l’image de l’islam dans le monde…

L’enterrement

Ainsi qu’on ne peut oublier Hitler, Mao ou Staline, qui meurtrirent l’humanité entière, durant leur vivant, on ne peut oublier un criminel comme celui-ci. La comparaison est exagérée, j’en conviens. Une analogie apparaît cependant: l’homme ne peut oublier celui qui a fait le mal, bien que le mépris et l’indifférence soient les meilleures peines qu’on puisse lui infliger. La haine perdure chez ceux qui restent. Inconsciemment, ceci dit. Aussi, l’on s’occupe de savoir ce dont il advient, même lorsqu’il s’agit de la chose la plus banale que subit un défunt: l’enterrement. Est-ce un scoop? Le lieu où se situera sa tombe changera-t-elle nos vies? Si l’on en suit le raisonnement des informations, sans aucun doute. Allons, rentrons dans la grande valse… C’est au pays natal que le corps du meurtrier devrait reposer pour l’éternité. Alger aurait tout de même souhaité plus de discrétion quant à ce sujet; le contraire survenant, le gouvernement a opté pour un refus catégorique: Merah ne sera officiellement (officieusement, on n’en sait trop rien) pas enterré sur le sol algérien. L’image prime, avant la loi. Car celle-ci stipule pourtant que le corps du meurtrier doit y être transféré. Quel chemin choisir entre l’opinion publique (qui s’identifie de plus en plus à la morale), et la loi? Décidément, l’auteur de la tuerie de Toulouse n’a pas fini d’embêter le monde…

L’argument politique

Nicolas Sarkozy, en tant que chef de l’Etat, s’était rendu sur les lieux, pendant et après la recherche du criminel, afin d’exprimer son soutien aux familles des victimes, et sa détermination quant à l’arrestation de Mohamed Merah. L’opinion publique semble avoir été satisfaite de ce geste, car on considère que le président a rempli son rôle. Seulement, le facteur élection est là, et l’on ne peut s’empêcher de penser à l’argument électoral dans les moindres faits et gestes du président-candidat. C’est certainement chez François Hollande que cet argument saute aux yeux. Car la couche apparente de compassion est trop fine pour ne pas dévoiler l’intérieur, pas toujours très noble. Les réactions politiques suites à cette affaire ont essentiellement tourné autour du manque d’efficacité des services de renseignements, lesquels suspectaient Mohamed Merah dès son tout premier meurtre, mais qui ont tardé à le faire savoir. François Bayrou a été le premier à les blâmer, et à dénoncer la cruelle faille de la France dans le secteur de la sécurité. Marine Le Pen, elle, en bonne nationaliste, pointe du doigt l’immigration non contrôlée, qui serait, selon elle, la cause première des sept vies enlevées injustement: "Regardez ces bateaux chargés de Mohamed Merah, qui chaque jour, envahissent nos côtes!" s’exclame-t-elle lors de l’un de ses récents meetings. Encore une fois, la situation profite à l’extrême droite.  

 

En tout cas, une chose est sûre: si l’auteur de la tuerie de Toulouse et de Montauban avait pour objectif de faire parler de lui, c’est réussi. Et cela promet de durer quelques temps encore…