Les mayas, des professionnels de la fin du monde

Depuis des mois, l’échéance du 21 décembre avançant à grand pas, on nous bassine sur la fin du monde. On ne connait pas encore le déroulement des festivités, mais des mouvements sectaires en sont persuadées, dans quelques jours, nous sommes tous morts. Les mayas font l’actualité de cette fin d’année, pas seulement pour leur prophétie dont on ignore réellement le sens car interprétées sur des glyphes incomplètes, mais parce que des scientifiques, travaillant de pair avec des historiens, ont mis en avant la raison de leur disparition. 

 

Ce peuple amérindien dont on prête de façon injustifiée des dons occultes de prédictions, aurait été victime des conditions climatiques auxquelles il n’aurait pas pu s’adapter. Bien que maîtrisant des technologies très développées pour l’époque, ils n’ont pas pu empêcher le déclin de leur civilisation. La réponse est venue des stalagmites de la grotte de Yok Balum, au Béliez, à proximité de l’ancienne cité d’Uxbenka. De ces amas rocheux, les 17 chercheurs, emmenés par Douglas Kennet de l’université de Pennsylvanie, ont réussi à dater les isotopes d’oxygène 18 grâce à l’Uranium Thorium. Un élément dateur bien plus performant que le fameux carbone 14, ce dernier à une marge d’erreur de 17 ans comparé à, plus ou moins un siècle pour le carbone. 

 

Les résultats de ces études, publiés dans la Revue des Sciences, ont permis de retracer l’histoire pluviométrique de la région sur plus de 2000 ans, soit de -40 av J.C à 2006.  On en retire que de 450 à 650, la pluie n’a pas arrêté de tomber, les sols ont pu se gorger d’eau, les mayas ont connu la joie d’être trempé jusqu’aux os. A partir de 650, une longue période de 4 siècles de sécheresse s’amorce. 400 années où les nuages se sont montrés radins, une pingreté renforcée dès le IXème siècle, occasionnant des sols craquelés, des champs morts et des rivières taries. Bref, les mayas vivaient désormais dans un monde stérile, propice à un fin certaine. 

 

Une fois ces informations environnementales recueillies, elles ont été calquées sur ce que l’on sait de l’histoire maya grâce aux vestiges encore visibles de nos jours. Monuments, fresques et objets en tout genre sont de véritables agents de renseignements sur les guerres, les cérémonies religieuses, la vie quotidienne, les successions au trône ou bien encore les naissances des héritiers. Dans les années de fortes pluies, entre le Vème et le VIIème siècle, la population maya augmente fortement, les différents royaumes font montre d’une incroyable richesse et d’une agriculture florissante. Les précipitations étaient recueillies et stockées dans des réserves naturelles. La civilisation maya classique était à son apogée, en pleine croissance, en plein développement, à laquelle on doit des calendriers basés sur des calculs complexes, des temples pyramidaux sensationnels et une gestion ardue de la société. 

 

Dès la moitié du VIIème siècle, les guerres fratricides font leur apparition, elles sont motivées par le désir des roitelets de mettre la main sur des terres où la clémence des cieux continuent de se manifester. Le pouvoir central se délite et cela se voit dans le paysage, les seigneurs érigent des sculptures et sépultures à leur propre gloire, ils se démarquent et prennent leur autonomie. La base de l’économie maya, l’agriculture, est touchée de plein fouet par ces revers climatiques. La sécheresse gagne du terrain, sur le sol, le sang qui tombe a remplacé la pluie. Le coup de grâce se situe aux horizons de 1020 à 1100, quand les gouttes déjà rares, se font complètement absentes et que les conflits repartent de plus belle malgré la famine. 

 

La fin de la période classique ne s’est pas faite brutalement, mais dans la longue durée, sur plus de 100 ans. Les petits bourgs en marge de l’empire sont les seuls qui ont subsisté, tous les autres ont périclité. Quand les espagnols ont posé le pied sur le Nouveau Monde et qu’ils ont rencontré les mayas, ils n’étaient plus que l’ombre d’eux-même, continuellement minés par la sécheresse et la famine, les reliquats d’une glorieuse civilisation. De ce fait, les européens n’ont pas eu de mal à mettre au pas les autochtones. 

 

Cette épisode laisse songeur quant à la capacité des sociétés, censées maîtriser la technologie, à s’adapter à un environnement hostile. On peut facilement faire la transition à notre époque, alors que les catastrophes naturelles n’ont jamais été aussi nombreuses dans un laps de temps aussi court, ne sommes nous pas en train de creuser notre propre tombe et de la refermer en continuant sur la même voie, en nous asseyant sur l’écologie et le minimum de respect que nous devons à notre maison commune ?