Syrie, la diversion diplomatique de Poutine,

permettra-t-elle de donner au couple Hollande-Obama du souffle pour mieux s’affirmer ?

 

Le coup diplomatique de Poutine a changé la donne, après le sommet du G20 à Saint-Pétersbourg le 05 septembre, ou tous les participants se sont quittés sans accord sur la Syrie. Les positions russes et chinoises malgré les lobbyings n’ont pas variées. Pour Poutine ce sont les rebelles qui ont gazés les enfants ! Le couple Hollande-Obama en était, pour Hollande, à attendre la décision d’Obama après le vote du Congrès américain et le rapport des experts mandatés par l’ONU sur le gazage du 21 août, et pour Obama, à convaincre ses concitoyens ainsi que des membres influents du Sénat et de la Chambre des représentants au Congrès qui devaient se réunir le 9 septembre.

Ce que l’on peut dire c’est que la diversion de Poutine reprenant une boutade de John Kerry à un journaliste britannique, qualifiée de bourde par Paris et Washington de mettre l’arsenal chimique syrien sous contrôle de l’ONU, afin de le détruire, leur a coupé l’herbe sous les pieds tout en leur donnant du temps pour affirmer leur position. Mais cette boutade de John Kerry n’est pas venue par hasard, l’administration américaine étudiait depuis des mois l’idée de placer ces armes chimiques sous contrôle international. En d’autres termes, cette diversion de Poutine n’a fait que d’aller dans le sens de la réflexion des américains. D’après Le Monde.fr, «les commentateurs se demandaient s’il s’agissait d’une gaffe de John Kerry ou d’une manœuvre délibérée de l’administration Obama pour éviter un vote potentiellement difficile au Congrès».

Ce fut un coup de théâtre lorsque l’on apprit que Damas accepta de placer son arsenal chimique sous contrôle de l’ONU. Bien sûr de l’esbroufe pour beaucoup d’autant plus que si l’on regarde un peu ce que cela demande comme conditions, on se rend compte de suite de l’énormité de la proposition. Contrôler et détruire plus de 1.000 tonnes de composants chimiques plus toxiques les uns que les autres dans un pays en guerre civile tient de la gageure, ce qui ne pourrait être fait qu’après la fin de cette guerre puisqu’il faudrait au moins trois années pour mener à bien cette destruction !

Mais, Obama et Hollande qui ne sont pas dupes ne peuvent faire autrement que d’aller dans le sens de cette esbroufe.

La force de cette proposition par le ministre des affaires étrangères russe tient au fait qu’elle fut exprimée quelques heures avant le débat au Congrès américain. Après quelques flottements, le président Obama légèrement déstabilisé se résigna à demander au Congrès de laisser le temps à la voie diplomatique. Mais, pour Obama et Hollande, qui ont des preuves de la culpabilité de Bachar, c’était une nouvelle fois la confirmation que Bachar avait bien gazés des enfants. De plus, tout le monde sait qu’il détient un important arsenal qui fut approvisionné principalement par les russes et que ceux-ci sont implicitement impliqués, d’où le mensonge de Poutine qui ne cesse de déclarer que se sont les rebelles qui ont gazés les enfants. Mais aussi, la fermeté du couple Obama Hollande à des frappes de punition. Il est bien évident que cette menace, avec la boutade de John Kerry, donnèrent au couple Bachar-Poutine cette porte de sortie dans le but brouiller les cartes et de prendre du temps. Obama et Hollande, d’après les infos du Monde, ne cachaient, pas en coulisse, l’esbroufe de la proposition russe et de son acceptation par Damas, mais piégés, ils n’eurent pas d’autre choix que de la déclarer intéressante. Un vrai jeu d’hypocrisie avec Moscou et Damas !

Le problème dans ce jeu de dupes est qu’Obama et Hollande se trouvent bridés dans leur désir de punir Damas. De plus, c’est pour Poutine un succès diplomatique qui va dans le sens de l’opinion publique internationale. Mais ce succès peut se retourner en donnant plus de poids aux frappes ciblées, par suite de l’esbroufe qui l’a motivé.

À Londres David Cameron déclara «être un grand pas» mais se montra «très vigilant, au risque d’une tactique de diversion. Il ne peut en aucun cas s’agir d’un processus sans fin. Accepter cela fait partie intégrante des éléments qui nous permettront de déterminer s’il s’agit ou non d’une offre sérieuse et véritable».

Quant à la France, Laurent Fabius déclara qu’elle accepte la proposition russe «avec intérêt et précaution» et annonça le dépôt d’un projet de résolution devant l’ONU, visant à condamner le massacre du 21 août commis par le régime et exiger la lumière sur le programme syrien d’armes chimiques. Or, à l’occasion du conseil restreint de défense qui s’est tenu à l’Élysée, François Hollande maintint sa ligne dure vis-à-vis de la Syrie. Il fit savoir, via un communiqué, que la France «resterait en contact permanent avec ses partenaires, et mobilisée pour sanctionner l’usage d’armes chimiques par le régime syrien et le dissuader de recommencer».

Là dessus la porte-parole, Najat Vallaud-Belkacem, rappela que «la France restait déterminée à sanctionner l’usage des armes chimiques par Bachar al-Assad», ajoutant que «l’option militaire est bel et bien envisagée», si les démarches diplomatiques en cours échouent, et qu’il ne s’agit en rien d’une menace hypothétique ! Or, la France déterminée à tester la fourberie annonça son intention de soumettre au Conseil de sécurité le projet qui prévoyait l’adoption de mesures complémentaires, et qui fut qualifié par la diplomatie russe d’inacceptable !

La Russie qui n’est pas à un coup de théâtre près convoqua une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU pour l’annuler à la dernière minute. Aucun motif ne fut invoqué, la réunion ne fut reportée, mais annulée sine die sans aucune explication. Ce report serait motivé par la Russie qui ne reconnait pas la responsabilité de Bachar el Assad !

Selon le site Assawra, la Syrie confirma le jeudi 12/09 qu’elle placerait sous contrôle international son arsenal chimique ainsi que d’envoyer des documents à l’ONU pour signer un accord, mais elle affirma que cette décision ne fut pas motivée par les menaces de frappes américaines. «La Syrie place ses armes chimiques sous contrôle international à cause de la Russie». Le même jour, l’ONU annonça avoir reçu la demande d’adhésion de la Syrie à la convention de 1993 sur l’interdiction des armes chimiques, c’est le coté chaud, mais le coté froid, c’est que Bachar el Assad met des conditions, que les États-Unis cessent de «menacer son pays et de livrer des armes» aux rebelles. Cette avancée diplomatique est bien une diversion.