Des lettres qui font trembler

 Le moment tant attendu, des semaines que tous les journaux en parlaient, que les polémistes en débattaient mais rien ne venait. La France entre en récession, youpi, alléluia, faisons la fête, c’est tout ce qui nous restera.


Après la récession, c’est certainement sa note qu’elle risque de perdre. Sa note d’excellence, un triple A. Un AAA qui risque de se dégrader en AA+. Une lettre qui se transforme en signe et les conséquences sont énormes.
On n’arrête pas d’en entendre parler depuis peu. Avant, malgré leur existence, elles ne nous importunaient guère, aujourd’hui c’est toute notre vie qui dépend d’elles. Les agences de notations sont devenues les maitresses du monde.
Mais qui peuvent-elles bien être pour avoir autant d’importance ? Elles servent, à ceux qui en font appel, à noter les différents acteurs du secteur économique. Par des études complètes, des perspectives d’avenir, des statistiques, des chiffres, des bilans comptables, etc. Bref plein de paperasses administratives assez rébarbatives, elles donnent leur avis sur les risques économiques des entreprises privées.
Les trois principales sont Standart&Poor, Moody’s et Fitch. A elles 3, elles représentent 94% du marché. Leur origine est très ancienne et ne remonte à quelques mois seulement. C’est en 1860, qu’Henri Poor créa sa petite entreprise. Il publia un livre sur les chemins de fer et les canaux américains, une documentation complète sur les différents intervenants du milieu. Très vite, il sera suivi par John Moody et John Fitch.
Depuis plus de 150 ans, leur pouvoir s’est accru. 48 fois par an, en gros, à la fin de chaque semaine, tel un hebdomadaire, elles publient leur verdict sur le marché boursier. Standart&Poor a même crée son propre indice boursier, une sorte de palmarès qui classe les 500 entreprises les plus compétitives.
Alors comment ces agences ont-elles pu avoir le droit de donner leur avis sur la survie des nations ? Elles sont juste le symbole des dérives du capitalisme ambiant. Les états en déléguant de plus en plus d’affaires à des sociétés privées se sont vu devenir, eux aussi, en quelque sorte des entreprises comme n’importe quelles autres.

Ainsi, les pays entrent dans le champ d’action de ces agences. De leur opinion, somme toute, subjectif, elles peuvent faire et défaire le sort de milliards d’êtres humains. Le monde est devenu une ploutocratie où seuls les billets de banque sont érigés en maîtres.

Tous les états veulent ce triple A, comme des écoliers veulent le 20/20 à leur dictée. Car plus la note est basse et plus les taux d’intérêt pour emprunter sont élevés. En gros, plus une nation est dans la mouise et moins elle a de chance de s’en sortir. Si elle décroche la note minimale, le « D », c’est la fin, la détresse, il n’y a plus d’espoir, tout le monde peut se mettre un balle entre les deux yeux.
Mais une même note n’est pas obligatoirement synonyme d’uniformité, la France et l’Allemagne malgré leur AAA commun, empruntent à des taux différents. C’est un peu comme le chouchou du prof et l’intello, l’un le mérite et l’autre, peut-être pas.
Au Moyen Age, c’est la religion qui était notre maître, aujourd’hui c’est l’argent. Dieu jugeait ses ouailles, mais lui ne pouvait l’être. Les agences ne sont pas comme Dieu, elles sont constituées d’humains, en chair et en os, elles peuvent donc être susceptibles d’être jugées mais apparemment rien n’est fait pour qu’elles le soient.