Bon prince, et pas rancunier avec cela, Bob est intervenu pour que Val puisse trouver une pantoufle à son pied, à France-Inter, à la radio…
Vraiment sympa, au fond, ce Philippe Val. Sous des dehors bourrus, un cœur en or… Il a laissé fuiter lundi qu'il démissionnait de Charlie, histoire de permettre à son pote Cabu, dans le Canard enchaîné, à l'ami Siné, dans Siné Hebdo, de commenter à leur guise sa démission. Juste avant bouclage, pour obtenir leurs réactions à chaud !
Une bouée avant la déconfiture ?
J'ai de la sympathie pour Siné depuis le début des années 1970. Avec Guérin, Prévert, Lapassade et quelques autres, il était venu à Angers pour soutenir des anars locaux qui avaient placardé deux affiches, l'une montrant la silhouette du général De Gaulle avec son képi étoilé et cette légende : « Jeunes, votre avenir à 80 ans, un képi, plus de prostate ! » ; l'autre, dont j'ai oublié le motif (mais non le mobile) annonçait gaillardement à l'intention de l'École d'application du Génie et du régiment qui subsistait, « Quand on est con, on est con… Quand on est encore plus con, on est militaire ». Pas du meilleur goût, mais les peines demandées pour outrages non plus, elles étaient lourdes. Une manif, encore moins fournie que celle de lundi soir pour Julien Coupat et les inculpés de Tarnac à Limoges (200 à 250 personnes au mieux), a dû se confronter avec un détachement de gendarmes mobiles. Au Palais de Justice, dans la bousculade, la couture du dos du blazer de Siné a été totalement déchiré. Eh oui, en ces temps reculés, on avait de bonnes manières, on se présentait propret devant un tribunal, en costard, ou en blazer bleu et pantalon gris… O tempora, o morès, les us ont évolué et c'est comme un malpropre, sous un prétexte (et pour ne pas évoquer de nouveau le journaliste Denis Robert, des affaires Clearstream, auquel s'opposait l'avocat de Charlie, ou plutôt de Val), que Val évinça Siné de Charlie. On connait la suite et le lancement de Siné Hebdo.
Or donc, spontanément, lorsque Siné Hebdo est paru, tant pour faire en sorte que Siné, après un blazer, n'y laisse pas sa chemise, que par amitié pour Étienne Liebig et Denis Robert, j'ai voulu donner un très modeste coup de main à l'entreprise. Aujourd'hui, Val parti de Charlie, je me demande si je ne vais pas retourner mon blazer (enfin, mon vieux loden, bouffé de mites, qui doit être enfoui je ne sais où…).
Des ventes convenables, si ce n'est la prospérité…
Dès le premier numéro, donc, pour Le Post, je me pris donc à surveiller les ventes, m'improvisant inspecteur indépendant dans le bas de mon arrondissement. Et semaine après semaine, je pouvais constater que Siné Hebdo, parti sur les chapeaux de roues (normal… et ayant dû, c'est très rare, procéder à un retirage), faisait chaque semaine jeu égal avec Charlie. Sur 80 000 papiers à eux deux, c'était du cinquante-cinquante, tant sur Paris-Surface qu'en régions. Cela me permettait surtout d'afficher les unes de Siné Hebdo dans une filiale du groupe La Voix de son Minc, et je trouvais cela farce. Puis je me suis lassé.
Toutes choses égales par ailleurs (Val m'avait dit simplement qu'à Charlie, « on ne peut pas repousser les murs », et Madame Sinet n'a pas vraiment répondu à mes offres de service), j'avais quelques inquiétudes. Les copains avaient de la plume et du panache, mais les habitudes de lecture… Bref, je craignais l'érosion des ventes de Siné Hebdo et pas du tout une lente dégringolade de Charlie. C'était compter sans l'entregent de Philippe Val, qui au lieu de flatter la lectrice et le lecteur dans le sens du poil, commençait à trouver le moyen de finir avec un ruban rouge, voire un fauteuil d'immortel…
Là, il était temps d'enrayer l'érosion des ventes. Car s'il faut en croire Bob Sinet, s'il est à 50 000, c'est que Charlie n'en est plus qu'à la trentaine de milliers. Or, figurez-vous que Val et Cabu, principaux actionnaires, à ce rythme, allaient devoir remonter au capital.Siné a fait le geste qu'on attendait de lui. Il a poussé Val à devenir l'homme de radio, celui dont on entend la voix dans le poste (et là, j'ai été bon ? Je l'ai bien posée, ma voix ? Tu sais, je soigne mes infections… et j'ai fait des progrès, côté respiration diaphragme, non ?).
Beau joueur…
On le sait, la dernière de l'écurie Val, à Charlie, a été de lancer une pétition concurrente de celle – en gestation mais connue de toutes et tous, ou presque – que Siné Hebdo s'apprêtait à populariser en faveur du droit à l'entraîde (et donc à secourir les sans-papiers, les recalés du droit d'asile, les réfugiés des combats en Afghanistan, soit nos harkis du présent, entre autres Tchadiens du Darfour ou d'ailleurs, car pour les Colombiens des Farc, tout baigne, on les accueille à bras ouverts en Sarközye). C'est délicat, élégant. Eh bien, peu importe, quitte à mettre en danger ses ventes, Siné a relevé le défi, et il a aidé Val à quitter un navire moins rémunérateur qu'autrefois. Comment ?
Mais en le stimulant, pardine ! Vous savez, les futurs chômeurs de cet âge, qui ont eu des postes de direction, si vous ne les motivez pas à fond, ils finissent par lâcher toutes leurs éconocroques pour retrouver du travail. Quitte à se créer le sien. C'est le risque qu'a pris Bob Sinet. Et réussi. On savait bien que le Philippe Val, usé par de mauvais résultats, et y contribuant par la persistance de sa présence à Charlie, ne parviendrait pas à lancer un nouveau titre lui correspondant, libéral mais trop, obséquieux mais sans ostentation, &c. Mieux valait qu'il finisse dans la quasi-administration, celle où, après avoir été remercié (car on a fait son temps), on vous recase, dans un ministère, une ambassade, &c. Allez, bon vent, Val. Et on dit merci à qui ? Merci Siné.
Bon, c'est bien, il aura droit à son hochet, et à son ruban, ce petit…
Marcel Amont à Radio-France : merci Carla B.
Je me demande combien va touche M Val tous les mois?
Sans doute sans commune mesure avec le salaire moyen d’un ouvrier ou d’un employé?
Pas mal quand même tous ces hommes à grandes idées!