Simplifier les parcours de santé: une mesure de bon sens?

Les débats publics sur l’organisation du système de santé en France ne datent pas d’hier. Dès 1990, plusieurs rapports ont vivement critiqué cette organisation et notamment l’articulation entre les soins dits "de ville", le médico-social et les soins hospitaliers. Aujourd’hui, ce vieux serpent de mer ressurgit sur le devant de la scène. 

Les acteurs de la santé encore organisés en silos

Les parcours de santé, on en parle depuis longtemps, mais ils restent difficiles à mettre en œuvre. Les différents acteurs de la santé continuent à avoir du mal à se coordonner, à communiquer, que ce soit l’hôpital avec la médecine de ville ou les médecins avec le secteur médico-social. La solution viendra d’abord de la mise en place d’une vision transversale et cohérente grâce à une réflexion sur les pratiques des catégories d’acteurs et sur la consolidation de la confiance entre ces différents acteurs. Telles sont les principales réflexions d’Edouard Couty, auteur du rapport "Le pacte de confiance pour l’hôpital" diffusé en mars 2013.

 

Deux milliards d’euros d’enjeux budgétaires

L’amélioration des parcours de santé est pourtant démontré comme un enjeu économique et budgétaire énorme. Une étude du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie a, pour la première fois en 2011, évalué le gain potentiel à la mise en oeuvre de ces parcours de santé : il est estimé à 2 milliards d’euros. Les facteurs d’économie sont, à titre d’exemple, la réduction des hospitalisations non pertinentes ou trop longues, faute de structure d’accompagnement ou d’accueil du patient à sa sortie. Ce type d’hospitalisation a aujourd’hui un coût extrêmement élevé.

 

Une chaîne d’acteurs, clé de la réussite des parcours de santé

Comment dans ces conditions continuer à prendre en charge les patients, sans pour autant obérer son confort ou la qualité des soins dispensés ? En ne considérant, par exemple, plus l’hôpital comme l’élément central du dispositif médical en France mais comme un maillon de la chaîne d’acteurs. Un maillon, certes, très important, mais un maillon relié et mis en cohérence avec les autres acteurs. Car certaines consultations aux urgences pourraient être évitées, à condition d’une plus grande responsabilité des patients eux-mêmes (l’angine blanche n’est pas une urgence !), mais aussi d’une disponibilité plus grande de certains professionnels de santé. Ce qui induit, nécessairement, un meilleur maillage du territoire, parfois des effectifs accrus, et surtout : une véritable coordination entre les professions médicales et paramédicales.

 

La prise en charge des maladies chroniques en question

Trop de malades chroniques, souvent des personnes âgées, sont soumis à des parcours de soins extrêmement complexes. Si l’on veut avoir une approche simplifiée de la prise en charge de ces maladies qui, rappelons-le concernent aujourd’hui 15 millions de personnes (et, selon les estimations, 20 millions en 2020), le rôle du médecin traitant doit être central tant pour garantir la qualité des soins que pour s’assurer de gérer la dépense au plus juste. En ces temps de désertification médicale et autres problèmes de démographie médicale, la délégation de tâches et/ou de compétences apparaît dès lors comme un enjeu de santé publique, puisqu’il s’agit de garantir à tous l’accès aux soins dans les meilleures conditions.

 

La délégation de tâches : simple, mais nécessaire

Concertation et coopération et délégation de tâches entre les professionnels de la santé sont les clés de voûte d’un parcours de santé simple et efficace. Pour autant, le chemin est encore long. La prescription de certains dispositifs médicaux pose encore problème dans un contexte où les médecins spécialistes se font de plus en plus rares dans de nombreuses régions françaises. Le cas des lentilles de contact, a priori anecdotique, est néanmoins révélateur. Aujourd’hui, les patients souhaitant se faire prescrire des lentilles de contact en toute sécurité passent par une consultation ophtalmologique, moyennant un délai d’attente pouvant s’étendre jusque 6 mois. Or, tandis que les ophtalmologistes redoutent les conséquences sanitaires de la prochaine libéralisation de la vente de lentilles, qu’ils craignent « excessive », ils s’interrogent sur le meilleur moyen d’encadrer le parcours de santé du porteur de lentilles sans contrevenir au droit européen de la concurrence.

« Confrontés à une hausse de la demande en soins et à une baisse de leur démographie », préciseAcuité, les ophtalmologistes « sont de plus en plus nombreux à mettre en place des « cabinets aidés », notamment avec des orthoptistes salariés à qui ils délèguent certaines de leurs tâches. Mais ces professionnels restent à ce jour en nombre insuffisant. » Par conséquent, « le recrutement d’opticiens pour pratiquer la réfraction dans les cabinets seraient donc une solution envisageable, mais pas encore exploitée. » Ainsi, la vente de lentilles de contact resterait-elle, au même titre que les lunettes et que tout autre équipement médical, soumise à la délivrance d’une ordonnance pluriannuelle et renouvelable auprès de l’une de ces professions paramédicales. 

 

Des parcours pilotes sur la perte d’autonomie des personnes âgées

Le dossier avance également dans ce sens sur la perte d’autonomie des personnes âgées. Un comité national de pilotage sur le parcours de santé de ces personnes a été mis en place par le Ministère de la Santé et a notamment produit un rapport sur la mise en œuvre des projets pilotes, d’abord expérimentés sur quelques territoires, puis élargis après évaluation. Pour la première fois, parmi les nombreux acteurs audités pour l’élaboration de ce rapport, ont été entendus les services d’aide et de soins à domicile, démontrant l’importance de ces maillons territoriaux, tant dans le repérage et l’alerte que dans le prise en charge des personnes.

Le système de santé français est encore trop centré sur le « curatif » et les parcours de soin sont là pour mettre en cohérence tous les acteurs de la santé avec les besoins d’une population vieillissante, dont les besoins évoluent forcément. C’est aujourd’hui le sens attribué à ces diverses expérimentations et aux revendications d’un corps médical soumis à de fortes pressions démographiques, qui devrait prochainement déboucher sur un encadrement plus simple, plus sécurisé, mais aussi moins coûteux pour la sécurité sociale, des parcours de soins des patients grâce au soutien des acteurs de proximité.

Les raisons de ce débat vieux comme le système de santé sont nombreuses, au premier rang desquelles on trouve évidemment le vieillissement de la population. Mais se dirige-t-on vraiment aujourd’hui vers une simplification des parcours de santé ?