Suite de : Si un « Big One » se produisait, sur l’Île de Honshu, avant 2016 ? Troisième partie

 

Les médias s’emballent et échafaudent des scénarios catastrophe abracadabrants.

 

Quand, fin janvier 2012, l’Université de Tokyo publie une étude sur le risque, estimé à 70%, qu’un séisme majeur, de magnitude supérieure à 7.0, pourrait se produire, sous ou dans les environs immédiats de Tokyo, entre 2012 et 2016, les médias, tels des charognards morts de faim en quête malsaine de sensationnel, ont fondu sur l’information et se sont enflammés. Bien aidés par des scientifiques prolixes en détails, déclenchant un véritable mouvement de panique parmi la population, prophétisant et, jouant aux enchères sur l’estimation des dégâts que pourrait causer la catastrophe, la presse écrite, radiophonique et télévisuelle quotidienne, les magazines hebdomadaires, les tabloïds sportifs et leurs journalistes apprentis-sorciers ont élaboré, autour de la question centrale de la localisation de l’épicentre du futur séisme, des scénarios abracadabrants et, pour certains, même apocalyptiques.

« Résignez-vous, un séisme de magnitude 8.0 sous Tokyo et un tremblement de magnitude 9.0 dans la région de Tokai sont imminents », titre, le 21 Janvier 2012, l’hebdomadaire « Shukan Gendai. » Tout autant, les autorités ne sont pas en reste. Le 25 août 2012, même s’il a voulu rassurer, en déclarant que ce n’est qu’une « hypothèse de travail destinée à encourager les autorités, les entreprises et la population à améliorer les systèmes d’alerte, d’évacuation, d’atténuation des dégâts », le gouvernement a rendu public un scénario catastrophe d’un « puissant séisme nocturne de magnitude 9.0 suivi d’un tsunami de 34 mètres de haut qui pourrait faire jusqu’à 323.000 morts. » Enfin, sous couvert de pouvoir modifier, en temps réel et en conséquence, les plans de crise, accentuant le malaise qui s’implante, jour après jour, dans l’esprit des habitants, une kyrielle de sismographes, 3 à 4 centaines au 31 Décembre 2012, ont été installés dans des écoles à travers tout Tokyo pour sonder, en permanence, à 20 mètres de la surface, les entrailles souterraines.

Et pour les scientifiques de l’Université de Tokyo, l’imminence d’un « Big One » est tellement évidente qu’elle en est devenue obsessionnelle. Tous craignent un « shuto chokka-gata », un séisme de magnitude supérieure à 8.0 dont l’épicentre se localiserait directement sous de la capitale, ou du moins dans la zone alentour comprenant la plaine alluvionnaire de Kanto, la baie de Tokyo et les préfectures d’Ibaraki et de Chiba. Bien plus, la psychose s’est même emparée d’eux Cela est si vrai qu’en Septembre 2012, le professeur Shinishi Sakaï, de l’institut de recherche sur les séisme à la Todai, – l’Université de Tokyo -, a publié le résultat de ses recherches et a déclaré : « Grâce aux centaines de capteurs implantés dans les entrailles souterraines de la capitale, nous avons dernièrement découvert, avec effroi, que la faille qui menace potentiellement Tokyo est 10 kilomètres moins en profondeur que nous ne ne pensions. Cela a été un grand choc pour nous tous… et ça bouge tout le temps là-dessous »

Cette déclaration paraît totalement en contradiction avec la réalité du terrain qui démontre que les failles actives qui menacent d’être le siège d’un foyer sismique sur ou autour de Tokyo sont les failles ou groupes de failles Miura-Hanto, Tachikawa, Futaba et Gofuku à Nagano, sont des failles sub-affleurentes, moins de 5 kilomètres de profondeur depuis le niveau du sol, toutes susceptibles de produire des tremblements de terre de magnitude maximum 6.7 et d’intensité sismique maximum VII, sur l’échelle Shindo. Au sujet de la faille de Tachikawa courant d’Hannon à Tokyo, il est à préciser que 18 lacunes sismiques y sont déterminées, les unes localisées sous Tokyo, les autres sous le Nord de la baie de Tokyo et dans le Sud de la préfecture d’Ibaraki.

Tout comme les journalistes, les scientifiques ont élaboré, aussi, un scénario catastrophe. Les sismologues du Comité de recherches sismiques du Japon ont déclaré que le tremblement de terre du 11 Mars 2011, de magnitude 9.0, a augmenté les chances d’un tremblement de terre majeur le long de quatre des failles actives du pays : « …Si on en parle d’étapes, alors il ne fait aucun doute, nous avons passé une étape », a déclaré le professeur émérite Katsuyuki Abe, de l’Université de Tokyo, qui dirige le Comité de recherche sur les séismes. « Mais combien de pas pour qu’un tremblement de terre se produise, nous ne le savons pas…. Étant donné que l’activité sismique de la faille Tachikawa génère un séisme tous les 10.000/15.000 ans et que nous croyons que le dernier est survenu il y a 13.000 à 20.000 ans, la faille est peut-être en retard… Si cela se produit sous le Nord de la baie de Tokyo, nous aurons quelque chose de formidable en dessous de nous : pas moins de 11.000 victimes seront attendues et environ 850.000 bâtiments seront rendus totalement inutilisables ou détruits par le feu. »

Ainsi, à chaque scénario son nombre de victimes. Un séisme «relativement puissant », entre des magnitudes 6.8 et 7.2, qui frapperait aux environs de Tokyo, dans la plaine du Kanto, dans les préfecture d’Ibaraki et de Chiba ou dans la baie de Tokyo, suivant sa profondeur et les élucubrations en découlant, pourrait tuer entre 10.000 et 30.000 habitants de la capitale, et jusqu’à 100.000 à 120.000, toutes zones confondues. En vrac, Tokyo pourrait être amputée de 680 000 immeubles, 860 000 d’après d’autres estimations, dans l’hypothèse des scénarios les plus dramatiques ; 55 jours de coupure de courant pour près de 2 millions de personnes : conduits d’eau lourdement endommagées à 70% et plus ; 1,3 millions de Tokyoïotes sans abris ; etc… etc…

 

12 Mars 2013 © Raymond Matabosch
 
A suivre : Si un « Big One » se produisait, sur l’Île de Honshu, avant 2016 ? Cinquième partie