Depuis le 11 Mars 2011, la crainte d’un puissant séisme, de type « Big One » qui secouerait Tokyo et toute l’Île de Honshu, se fait de plus en plus ressentir. Et, depuis Janvier 2012, en interprétant des études scientifiques et en se référant à l’Histoire, la presse japonaise nourrit les inquiétudes. Shukan Gendai et plusieurs autres magazines hebdomadaires, ainsi que des tabloïds, produisent des flux d’articles sur le thème de « l’inévitabilité » d’un prochain séisme mégatectonique et conseillent, à leurs lecteurs, de « se résigner » car, d’après le dit Shukan Gendai du 21 Janvier 2012, « un tremblement de terre majeur, de magnitude 8.0 va frapper la capitale japonaise et un second, de magnitude 9.0, dans la région de Tokai, l’un et l’autre étant imminents ! »

 

Les sources des extrapolations émises par les journalistes.

 

Depuis Décembre 2011, les scientifiques nippons ne cessent de publier des statistiques et des chiffres, tous liés à l’aléa sismique du 11 Mars 2011, de magnitude 9.0, qui avait atteint le Japon, séisme qui avait déplacé, vers l’Ouest, l’assiette de l’île de Honshu de 2,4 mètres. Et ceux-ci se multiplient en prévisions et en études, de quoi alimenter, sans compter, la presse avide de sensations et d’informations exclusives, en termes franglais, des scoops. Et ils annoncent, le claironnant, « qu’il y a 70% de chances qu’un Big One se produise au cours des quatre prochaines années, d’ici à 2016/2017, au Japon. » Avec la même probabilité de 70%, l’Agence gouvernementale qui centralise ces études avait prévu, en 2005, « la possibilité d’un séisme, de magnitude supérieure à 7.0, se produisant au cours des 30 années qui suivaient. » A la suite de l’important séisme de Mars 2011, les prévisions d’un nouveau « Big One » ont été resserrées. En outre, la probabilité d’un séisme, de magnitude proche de 9.0, d’ici 2030/2035, passant de 70 à 98% et constituant, désormais, une quasi-certitude, a également été relevée.

En Janvier 2012, les scientifiques japonnais avaient publié une étude répertoriant les tremblements de terre, de magnitude égale ou supérieure à 3.0, qui s’étaient produits sur l’île Honshu et sur façade océanique orientale du 11 Mars au 31 Décembre 2011. Ils en avaient concédé que le nombre d’aléas sismiques étaient cinq fois plus nombreux qu’au cours des mêmes laps de temps antérieurs. Tant bien plus, 577 tremblements de terre, de magnitude égale ou supérieure à 5.0, avaient été localisés, enregistrés et répertoriés, un chiffre conséquent plus de quatre fois supérieur à la moyenne annuelle du nombre de séismes, de même magnitude, localisés, enregistrés et répertoriés, lors des quinze précédentes années, entre 1996 et 2010.

En outre, alimentant les menées journalistiques, tout en affirmant « il est difficile de prévoir où va se trouver l’épicentre de ce Big One », les chercheurs n’hésitent pas à pronostiquer que celui-ci se produira dans de la région de Kantô, ou dans son proche immédiat. L’emprise de cette région englobe la plaine de Kantō, qui ne représente que 40 % environ de sa superficie, et les zones périphériques formées des collines et montagnes bordant la plaine. Elle est densément développée, urbanisée, industrialisée et peuplée. Tokyo, environ 12 millions d’habitants et son aire urbaine 37,4 millions d’individus, et Yokohama, 3,6 millions d’habitants, y forment, autour de la baie de Tokyo, un vaste tissu urbain avec de nombreuses industries, aussi bien lourdes que légères.

 

Les médias renforcent la peur d’un nouveau séisme majeur.

 

Jouant, tout à la fois, sur les leçons retenues de l’histoire sismique afférente au Japon et particulièrement à l’île Honshu, et sur les études réalisées, ou toujours en cours, par des géologues qui scrutent la faille de Tokai qui traverse, sur 130 kilomètres de longueur, la Baie de Suruga, les journalistes n’hésitent pas à extrapoler que « les séismes mégatectoniques tels celui qui a frappé au large des côtes de la préfecture de Miyagi, le 11 Mars 2011, de magnitude 9.0, tendent à générer, dans un laps de temps relativement court, de nouvelles secousses de fortes magnitudes » et notent « qu’un jour ou l’autre la poussée de la plaque des Philippines sur la plaque Eurasienne finira bien par relâcher une grande quantité d’énergie. »

En outre, pour étayer ses dires, la presse assoit ses démonstrations sur des antécédents qui se sont déroulés, lors de l’ère Ansei, entre Novembre 1854 et Mars 1860, où, au cours de dite période, le Japon avait été secoué par plusieurs tremblements de terre majeurs successifs : 4-7 Novembre 1854, Nankaidō, magnitude 7.4, suivi d’un tsunami tuant 80.000 personnes ; 23 Décembre 1854, Ansei-Tokai, épicentre dans la Baie de Suruga jusqu’aux profondeurs de l’océan, magnitude 8.4 ; 24 Décembre 1854, Ansei-Nankai, magnitude 8.4, 10.000 victimes dénombrées dans la région de Tōkai ; et 11 Novembre 1855, Ansei-Edo, magnitude 6.9, épicentre près de l’embouchure de l’Ara-Kawa, 6.641 morts à l’intérieur de la ville d’Edo, – Tokyo -, et 2.759 blessés.

Enfin, depuis le 11 Mars 2011, même s’il est difficile d’y faire abstraction au ressenti quasi-quotidiennement, de tremblements de terre, les médias s’acharnent à vouloir faire prendre conscience, aux Japonais, que le « Séisme de 2011 de la côte Pacifique du Tōhoku » n’est pas un cas isolé, et que des séismes aussi puissants, voire plus importants en magnitude et en intensité, vont se reproduire. Et, pour cela, le grand séisme de Kantō, « Kantō daishinsai », du 01 Septembre 1923, de Magnitude du moment, – Mw -, estimée à 7.9, qui provoqua de graves dommages aux villes de Yokohama, de Kanagawa, de Shizuoka, et de Tokyo, et, par lequel, près de 105.000 personnes y avaient perdu la vie, en est la principale référence.

 

11 Mars 2013 © Raymond Matabosch

 

A suivre : Si un « Big One » se produisait, sur l’Île de Honshu, avant 2016 ? Deuxième partie