Personne au Senegal n’ignore la farouche volonté du président Abdoulaye Wade de voir lui succéder son fils Karim. Il ne le cache pratiquement pas. La France, ancienne puissance colonisatrice n’y voit pas d’inconvénient bien évidemment Car, qui mieux que le fils pourra assurer la continuité de la françafrique ? On a besoin de garder les liens en continuant dans le même cap.
Cela n’aurait posé aucun problème vingt ans plutôt, ou encore sous d’autres cieux africains où les peuples passent plus leur temps à danser que de s’occuper de ce dont dépend tout avenir ; c’est-à-dire la politique.
En république démocratique du Congo, punch après punch, Kabila fils a hérité de Kabila père. Au Togo, coup d’état diplomatique, Eyadema fils a assuré le règne du père. Au Gabon, élection truquée et le coup est joué. Bongo père peut se reposer tranquillement dans sa dernière demeure. Le fils Ali assure.
Mais au Sénégal, c’est différent. Alors là très différent. On ne berne pas si facilement le peuple dans l’un des pays qui compte le plus grand nombre d’intellectuels en Afrique. L’opinion publique, on ne joue pas avec. Et Wade le sachant, ne peut donc pas forcer les choses avec la population. Surtout pas en ces temps de révoltes populaires un peu partout dans le monde. Il faut user de ruse pour installer Wade fils au pouvoir à l’insu du peuple et avec la caution de la loi.
C’est ce qui explique cette histoire de ticket présidentiel sorti de nulle part et adopté comme par miracle au conseil de ministre. Candidat à sa propre succession aux présidentielles de février prochain, Abdoulaye wade veut en effet que les électeurs sénégalais votent à la fois pour le président et le vice président. Lequel aura pour attribution d’assister le président et de pouvoir le remplacer en cas de vacance du pouvoir. La formule est toute trouvée, et ne demandez pas qui sera le colistier d’Abdoulaye wade si cette loi passe à l’assemblée nationale.
Le peuple n’est pas dupe. Et il a « vu clair dedans » comme on le dit en cote d’ivoire. Laisser toute latitude à wade de choisir son propre successeur est un coup d’état constitutionnel; dénoncera Alioune Tine, le président de la Rencontre Africaine de défense des droits de l’homme. La société civile qui a bien compris le message, a décidé de lancer une campagne de protestation qu’elle a baptisé « Touche pas à ma constitution » le 18 juin dernier. D’un autre coté, dans le camp de Wade, on soutient plutôt que c’est une avancée démocratique très significative pour le Sénégal.
On veut bien souscrire à une telle thèse, qui si elle aboutit,sera en effet une grande première dans l’histoire du pays. Mais pour ceux qui connaissent les ambitions voilées de ce projet, il ne fera pas plus que faire reculer le Sénégal de cent ans en arrière.
Car dans le fond, il rappelle cruellement la transmission héréditaire du trône royal de génération en génération, à une minorité qui opprime la majorité. Affaire à suivre !