En rugby comme ailleurs, on observe ces derniers temps une grande tendance à l’objectif technique plutôt qu’à la lecture toute simple du jeu.Tout ceci nécessite quelques lumières explicatives.Quel que soit le niveau de pratique , amateurs ou très chevronnés, les séances d’entraînement ne prennent pas assez en compte le traitement par le joueur des informations en provenance du jeu, particulièrement en plein mouvement, ce qui permet d’apprendre à faire les choix les plus justes pour exploiter au mieux le jeu du moment et s’engager dans le suivant.
Ce potentiel perceptif est un impératif , si l’on veut accroître de manière toujours plus fine la créativité du joueur et le rendre aussi autonome pour prendre librement les décisions que le rapport de force du moment impose.Or, que constate t on? Dans les séances, la part belle est faite à la préparation physique, à la technique individuelle conçue comme répétition inlassable du geste parfait, sans compter sur des discours dithyrambiques sur les matches précédents où l’on épluche, non sans longueurs, les espérances , les dispositions mentales défaillantes et j’en passe.Ce travail est fastidieux même si nécessaire loin s’en faut, mais unique il ne permet pas d’aller de l’avant.Il bloquerait plutôt les joueurs. En effet, dans l’urgence du moment,il s’agit de capter et traiter les informations visuelles et pas seulement les conscientes, tous les mécanismes inconscients.
Le temps continue de couler pendant un match et peu importe comment le joueur aurait du ou pas jouer à l’instant T, c’est fait. La décision de jouer est un fragment d’information retenue qui permet d’avancer. Le traitement inconscient de ce qui se passe dans le mouvement simultané des partenaires et adversaires est capital pour progresser, travailler sur ce point est inhérent à l’activité rugby et l’on pourra faire toutes les prédictions simplifiées de la terre , on ne pourra rendre la complexité de la situation humaine.
Errare humanum est et de si belle façon en rugby, c’est ce qui rend le jeu si passionnant après tout, les hommes ne sont pas des machines en mode sans échec!Les joueurs sont prisonniers et dépendants des consignes, repères et signaux qui les conditionnent à des comportements automatisés, stéréotypés qui en prennent pas en compte le contexte du jeu et rendent alors le jeu général insipide et ennuyeux.Le joueur de rugby est un humain qui doit travailler à apprendre à jouer avec l’incertitude.Son cerveau lui permet de traiter les informations qui sont sous ses yeux mais aussi à la périphérie de son regard , dans un contexte.La formation actuelle a tendance, via les ordres de l’entraineur, à annihiler toute volonté créative du joueur , à le rendre passif .Alors que l’on apprend toujours plus de ses erreurs, celles ci au contraire le sanctionnent dans le nouveau système , et tel un bon chien de Pavlov, le joueur reproduira le comportement souhaité , pour avoir sa récompense, être sur le terrain.