Imaginez un Jérôme Kerviel en appelant à la générosité publique pour rembourser la Société générale de ses pertes.
Beaucoup seraient  tentés de lui répondre : adressez-vous donc à Nicolas Sarkozy qui a déjà renfloué la SG avec notre argent de contribuables ne fraudant pas à la TVA et acquittant des impôts. Nicolas Sarkozy, qui décidait de tout à l’UMP, estimant que le contribuable comblerait les trous, en appelle désormais à la charité publique pour sauver sa boutique. Car il s’agit bien de sa boutique et non de celle de l’UMP puisqu’il a contracté auprès de nos banques un emprunt personnel qu’il est bien en peine de rembourser.

Comparaison n’est pas raison ? Eh bien, dans ce cas précis, le parallèle s’impose. Quand François Fillon indiquait que la France était en faillite, Nicolas Sarkozy n’en avait cure, et poursuivait en creusant les déficits. Il laissait aussi les principales banques prendre des risques inconsidérés, et qu’on ne nous dise pas qu’il avait berné par le « trader en chef » qu’il avait nommé à la tête de la Banque de France.

Le parallèle m’est inspiré par Ferrante, commentateur d’un article du blogue La Plume d’Aliocha traitant de l’affaire Kerviel. « Autant je peux comprendre que la dénonciation d’un système inique puisse provoquer une saine colère, autant mettre cette colère au service d’un homme qui, s’il avait eu le choix, serai encore aujourd’hui un zélé rouage dudit système inique me laisse perplexe… ». Au temps pour François Fillon qui, de remaniement en remaniement, est resté Premier ministre…

Si j’ai bien compris, au nom de la « démocratie », l’ancien patron de la SG-UMP veut sauver sa boutique et le soldat Kerviel-Fillon ?

Je le signalais hier sur Come4News, « l’UMP reçoit encore 21 millions de dotation publique ». Bien d’autres formations politiques perçoivent moins, mais nul ne clame que la démocratie se trouve en grave danger de ce fait. Pourquoi ? Si le Modem ou le PCF (qui fait appel à des dons et souscriptions pour tirer une nouvelle fois L’Humanité de l’ornière) se retrouvaient faillis, ce serait donc la fin de la démocratie ?

Nicolas Sarkozy en appelle donc à présent aux dons pour « la garantie d’une expression démocratique libre dans notre pays ». Mais en quoi et vertu de quoi Jean-François Copé, François Fillon, Xavier Bertrand, seraient-ils muselés ?

Pourquoi donc l’UMP serait-elle la seule « formation qui doit préparer l’alternance tellement nécessaire au socialisme ». Ses idées et propositions ne sont-elles pas très largement reprises par l’UDI, dont une majorité de chefs de files sont issus des gouvernements Fillon, de l’UMP ?

Si 466 118 euros (le dépassement du plafond des dépenses autorisées pour la campagne électorale de l’UMP) est un étiage trop bas, pourquoi donc l’UMP n’a-t-il pas convaincu les contribuables, pendant toute la duré du quinquennat, qu’il fallait le remonter ? Nicolas Sarkozy était-il si en peine de convaincre, était-il donc muselé ? Ne pouvait-il pas dire que 11 millions d’euros, pour une campagne présidentielle, c’est bien insuffisant ? En allant jusqu’à 12, il n’y avait plus de problème.

Brice Hortefeux, Henri Guaino, hurlent à la crucifixion de leur saint martyr. Harlem Désir, du PS, rétorque : « Nicolas Sarkozy avait non seulement ruiné les comptes de la France, mais il a ruiné maintenant les comptes de l’UMP. Le Conseil constitutionnel a décidé de suivre l’avis de la commission des comptes de campagne, notamment sur un point qui est qu’il y a eu un mélange des genres pendant toute la période où Nicolas Sarkozy n’était pas déclaré officiellement comme candidat et où il utilisait les moyens de l’Etat pour, à l’occasion de déplacements, faire des déclarations de campagne. ». Mais aussi, au fait, Nicolas Sarkozy n’a-t-il rien eu à dire quand l’UMP, en s’endettant lourdement, s’est dotée d’un nouveau luxueux siège parisien ?

Jean-Louis Debré est-il un scélérat ? Le Conseil constitutionnel n’est-il point composé de membres dont la nomination est décidée pour neuf ans, par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, lesquels, que l’on sache, étaient soit RPR, soit UMP par la suite, tous trois ? Sans la moindre gêne, Guaino lâche le morceau : « Sarkozy élu, ses comptes n’auraient pas été annulés, on aurait fait bouger le curseur. ». N’est-ce pas dire qu’en cas de réélection, le Conseil ne se serait pas senti indépendant ? Qu’il aurait fait l’objet de pressions et de menaces ? Les « sages » se sont-ils sentis menacés par le gouvernement socialiste ? Eh bien, qu’ils s’expriment donc, ou que Guaino le fasse hardiment à leur place ! Ou alors, le pacte républicain UMP-UMP a été odieusement trahi par les membres du Constitutionnel, et il faut le dénoncer. Ou alors, c’est le seul Michel Charasse, ayant une nouvelle fois retourné sa veste, qui aurait tout manigancé ? Mais, que Guaino qui avait pu tenir huit meetings de campagne (pour 17 752 malheureux euros, non déclarés, contre plus de trois millions pour le seul meeting de Villepinte), dise nommément ce qu’il pense de Charasse !

On se pose aussi bien évidemment la question : de quelle UMP Nicolas Sarkozy vise la rescousse ? Les femmes et les enfants seront-ils prioritaires dans les canots de sauvetage en attendant que la brèche soit comblée ?

À qui, au juste, iront les dons, qui présidera la table du gala de charité, de la vente aux enchères des souvenirs de Carla Bruni, des effets donnés par François Fillon, Nadine Morano, Xavier Bertrand ou Jean-François Copé, Bruno Le Maire, des tableaux de Guéant ? Qui sera le commissaire priseur pour l’occasion, l’aboyeur, quels artistes animeront le concert ?
C’est dommage, Rachida Dati ne pourra céder des robes Yves-Saint-Laurent. Quand elle était garde des Sceaux, les tenues dont elle sollicitait le prêt n’étaient jamais retournées. L’acharnement socialiste est allé jusqu’à envoyer des huissiers à son domicile et son ministère. Tout aura été tenté par les bolchévos-socialistes pour la détruire moralement !

Finalement c’est un peu cela : Sarkozy a été légalement travesti en président, il a dû rendre robes et parures, boa, escarpins et autres accessoires, mais il pensait pouvoir conserver l’éventail de sa prestation de président-candidat. C’est inique de le lui réclamer à présent. Ses copines du dernier bal masqué sont aussi folles de rage et trépignent.

Cet appel aux dons intervient à un bien mauvais moment. Si la rivale, Marine Le Pen, et sa première dauphine, Marion, lançaient aussi un appel, qui, à présent, engrangerait davantage ? Alors que les renouvellements d’adhésions à l’UMP stagnent (au mieux, en fait, il régressent), Marine Le Pen annonce un millier d’adhésions de plus que prévu. C’est peut-être exagéré, mais avec seulement deux député·e·s pour courir les chaînes et les stations, les rédactions, ce n’est pas mal.

Mais restons factuels. Nicolas Sarkozy, à titre personnel, nominativement, avait contracté des emprunts à hauteur de 10,6 millions d’euros. Mais l’UMP s’était portée garante, caution. Dès fin 2011, l’UMP cumulait des dettes à des fournisseurs, des dettes fiscales et sociales (des cotisations impayées), des emprunts pour près de 44 millions d’euros. Que faire pour combler ? Déjà, pour acquérir le siège de la rue de Vaugirard et combler les trous, l’UMP sollicitait quatre banques et obtenait, on ne sait pourquoi (cela revenait à prêter à Tapie pour acquérir Adidas en déconfiture et la rendre en plus mauvais état), 55 millions d’euros.

D’un côté, à titre personnel, Nicolas Sarkozy devra rembourser près de 600 000 euros au Trésor Public. Une paille. Nul doute que le chèque est déjà posté ce jour à destination de Bercy. Mais le problème est que si la caution de l’UMP ne peut être engagée, car le parti est insolvable, c’est à Nicolas Sarkozy lui-même de rembourser les banques. « Le parti s’est porté caution, mais la caution peut se retourner vers l’emprunteur, » résume, pour Mediapart, Philippe Briand, ex-trésorier de la campagne de Sarkozy.
Copé, Fillon, Bertrand, Le Maire, vont-ils tenter de sauver l’UMP aux dépens du petit Nicolas ?

Après tout, il y a un précédent. C’est l’UMP qui avait réglé à la Ville de Paris le remboursement infligé à Chirac. Sinon, Bernadette aurait été peut-être moins en pointe aux côtés de Nicolas Sarkozy. Mais la donne a changé. Imaginez un peu le scénario de candidats concurrents pour 2017 exigeant que Sarkozy ne se représente pas si l’UMP vient à son secours financier personnel. Sarkozy va récolter des dons sur le mode : « j’en ai besoin pour préparer l’alternance, et redevenir président » et au final, il ne se présente pas. Ou il trahit sa promesse et les cocus de l’histoire le soutiennent avec une circonspection de façade, tout en jouant contre lui en coulisses.

Vous voyez vraiment Juppé appelant Bordelaises et Bordelais à rembourser au profit de Sarkozy, Michèle Alliot-Marie suppliant Landaises et Landais de renflouer Nicolas ? Morano crachera-t-elle le morceau ? Elle en est certes capable : donnez pour éponger les dettes que Nicolas doit aux banques, à vos banques.

Autre point, à l’UMP, les investitures pour les prochaines municipales, les places éligibles pour les prochaines européennes, vont-elles se décider en fonction des montants récoltés pour rembourser les dettes personnelles de Sarkozy ? Verra-t-on des candidates et candidats s’empoigner pour obtenir la meilleure recette, organiser des collectes parallèles ? Ou, au contraire, les sommes engrangées ne remonteront-elles au siège qu’après le prononcé des investitures ?

Copé a certainement senti le danger… Tout comme quelques aigrefins bien mis actionnent déjà les sonnettes des beaux quartiers et recueillent pour leur propre compte des dons présumés destinés à « préserver l’UMP et la démocratie », il va appeler à se méfier des contrefaçons. Mais la première des contrefaçons est d’énoncer que les dons ne sont pas destinés à leur réel bénéficiaire, et d’en dissimuler la véritable identité.