Voilà que Nicolas Sarkozy préconise que « toute personne qui consultera de manière habituelle des sites Internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine ou à la violence sera punie pénalement… ». Une loi de plus, qui s’applique particulièrement à ma personne puisque, en sus, il m’arrive de consulter des articles ou des études traitant de pédophilie.

 

Eh oui, il m’arrive de relayer des communiqués de l’AFA (Association des fournisseurs d’accès Internet) qui anime un site, Point de contact, qui sert d’interface entre, essentiellement, des parents et des services de police pour des cas de pédophilie ou d’incitation à la haine (en général, pour résumer).

Pas plus tard que bientôt, je ferai état, sur Come4News, de son enquête publiée dans le cadre du Safer Internet Day 2012.

Évidemment, je ne me contente pas de relayer des communiqués. Je visite des sites, j’emploie des mots-clefs tel « pédophile ». Et il est bien évident que, en sus du site de Haaretz, d’autres, traitant du Moyen-Orient, je visite aussi des sites salafistes, de diverses mouvances, d’autres proches des haredim radicaux, &c. L’ennui, c’est que, pour des raisons tant bureaucratiques qu’hypocrites, je n’ai pas déjà obtenu ma carte de journaliste honoraire, et que mon adresse IP ne correspond pas à celle d’un titre de presse.

Comment va-t-on trouver ces fameux badauds et habituées de sites suspect ? C’est la première question. Avant de me retrouver dans un fichier du genre Stic, qui recense aussi les témoins d’infractions et délits, que va-t-il m’arriver ?

Confiscation des cinq ordinateurs de mon foyer (bon, pour le plus ancien, acquis en 1980, pièce de musée, je ne crains pas grand’ chose) et analyse avant restitution dans… quoi ? Un, deux, trois mois, plus longtemps ?

Légiférer, une fois de plus

Nicolas Sarkozy voudrait faire légiférer une fois de plus (et pas forcément de mieux). Comme l’a pointé Jean-Luc Mélenchon, du Front de Gauche, « la précipitation est mauvaise conseillère. ».

La logorrhée intempestive du président redevenu candidat vise en fait à masquer divers éléments. Comme le révèle Le Canard enchaîné, à la DCRI, les officiers (de lieutenants à commandants) ont du vague à l’âme. Ils s’estiment largement sous-employés, sauf quand il s’agit de monter une affaire comme celle de Tarnac et s’évertuer à crédibiliser la thèse fumeuse d’une ultra-gauche subversive et violente. Alors que Mohammed Merah était fiché partout, y compris par le renseignement nord-américain (et interdit de vol sur des compagnies étasuniennes et canadiennes), le ramdam dans les services français, alors que les gendarmes et les policiers ont été amalgamés sous Sarkozy Ier, détourne des priorités.

En sus, et c’est beaucoup plus gênant pour Sarkozy, Mohammed Merah avait été interné en psychiatrie deux semaines. Mais après, aucun suivi : tout a fait pour que la prise en charge des cas fournisse surtout des SDF sous son quinquennat. Aussi le candidat a-t-il insisté : « Ces crimes ne sont pas ceux d’un fou (…) Ces crimes sont ceux d’un fanatique et d’un monstre. ».

Comme le souligne Mélenchon, « la loi prévoit déjà dans ces deux cas des condamnations. Et ce depuis 1881 pour le premier. ». 

 

Qui donc est visé ?

J’aurais peut-être pu sympathiser avec Jean-Paul Cruse. J’étais de L’Agence de Presse Libération, et j’ai connu le siège de la rédaction à Montreuil, rencardé confraternellement Michel Chemin, autre historique, ouvrier passé journaliste, quand il était correspondant pour l’Alsace et la Franche-Comté. Je me demande si son site, Le Monde réel, ne serait pas l’un des premiers visés.

Je fais peu état des écrits de Jean-Paul Cruse, parce que je n’ai pas du tout la même vision que lui de Tsahal, du fait de fréquentations d’anciens des trop rares (voire quasi-inexistants à présent) kibboutz laïques qui, bien sûr, étaient des sous-officiers israéliens. Je trouve souvent ses prises de positions pro-palestiniennes outrancières, unilatérales, partisanes sans nuance.

J’ai parfois l’impression que ses dénonciations des ploutocraties, des injustices, des abus, confinent à une forme de haine. Je souligne : confinent. Mais je le lis, l’ai rencontré, partage avec lui des connaissances. J’ai vraiment très peur qu’avant les terroristes, ce soit lui qui soit d’abord inquiété.
Et qu’importe si des magistrats, tant méprisés par la clique élyséenne, après coup, le disculpent. Car le mal sera fait, on l’aura contraint, aussi longtemps que possible, à se taire.

Et puis, selon qu’une ou l’autre de ces associations liées aux cultes divers, que Nicolas Sarkozy flatte tant, veuille prétendre avoir lu ou vu de travers ce qui les gêne, ce serait la curée ? Pas évident, mais mieux vaut prévenir que guérir.

Religiophobe, absolument pas haineux, ce serait vite mon tour ou pas ? Devrais-je me ruiner pour parvenir enfin jusqu’à une cour européenne, en laissant mon dernier sou pour tenter de me faire entendre en cassation ? Car si les magistrats renâclent aujourd’hui, ils peuvent aussi rentrer dans le rang.

Gesticulation

J’espère donc qu’il se trouvera, en Europe, comme en France, des voix pour réfuter toute velléité de Nicolas Sarkozy de faire légiférer une fois de pire. J’espère aussi que, alors que Mitterrand s’était laissé aller à l’accréditation de la thèse fumeuse des « Irlandais de Vincennes », il se trouvera, y compris dans les services et les armées, des personnes qui se poseront des questions, et le diront

La surveillance des sites incitant à la haine et aux violences existe déjà. Elle est rigoureuse. Mais on constate ses insuffisances. Ce n’est pas d’une nouvelle loi dont il est besoin, mais d’une meilleure utilisation des effectifs, à renforcer, et des moyens. Moins de discours, plus d’actes réfléchis. Depuis cinq ans, il semble bien qu’on ait constaté l’inverse.