Le 30 juin dernier sur France 3, Nicolas Sarkozy avait annoncé qu’il rendrait publique sa décision, concernant sa participation à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin, lors de la réunion du G8 au Japon, cadre d’une rencontre avec le président chinois Hu Jintao. Il avait alors expliqué les conditions de sa présence : des pourparlers fructueux entre les autorités chinoises et le dalaï lama. Il avait jugé que ceux-ci "progressent bien" et ajouté : "Si cela devait progresser encore et que le dalaï lama et le président chinois reconnaissaient des progrès, l’obstacle à ma participation serait levé".


On pourrait commencer par lui objecter que la question tibétaine n’est pas seule en cause : "La plupart des prisonniers politiques chinois sont emprisonnés sous des prétextes divers (tentative de subversion, trahison de secrets d’Etat, troubles à l’ordre public, diffusion de rumeurs mensongères, etc.) mais non recensés comme tels, explique Amnesty International. Il est donc difficile d’évaluer leur nombre à l’heure actuelle. Nous savons toutefois que plusieurs centaines de participants aux manifestations démocratiques de 1989, condamnés à des peines pouvant aller jusqu’à vingt ans de réclusion, seront toujours incarcérés au moment des Jeux Olympiques de 2008. Se comptent également par centaines ou milliers les individus qui croupissent injustement dans des prisons ou des camps de rééducation par le travail : avocats, journalistes, internautes, militants pour la défense des droits civiques, de l’environnement, du droit à pratiquer la religion de son choix, de parler sa langue lorsque l’on n’appartient pas à l’ethnie majoritaire Han, etc." Nous nous sommes personnellement toujours insurgé contre l’attribution des JO à Pékin, mais ses partisans mettaient en avant les progrès démocratiques qui allaient en résulter, les Chinois ayant promis de faire des efforts dans ce sens. Il s’agissait évidemment d’un marché de dupes.

lodi gyariMais prenons Sarkozy au mot et contentons-nous d’examiner les progrès des discussions sino-tibétaines : le négociateur du dalaï lama, Lodi Gyari, cinq jours après l’interview télévisée du président français, affirmait avoir "de plus en plus l’impression que toute la tactique du gouvernement chinois consiste à gagner du temps à nos dépens. A cause de leur obsession de la légitimité, le camp chinois a même refusé notre proposition de diffuser un communiqué commun visant à engager les deux parties dans un processus de dialogue", concluant qu’il était pour le moins "déçu" de la tournure des choses. Manifestement, après avoir expliqué que "Si cela devait progresser encore et que le dalaï lama et le président chinois reconnaissaient des progrès, l’obstacle à ma participation serait levé", l’hôte de l’Elysée se devait de maintenir la pression en laissant planer la menace du boycott de la cérémonie d’ouverture. Au lieu de quoi, reniant sa parole, il a annoncé hier qu’il l’honorerait de sa présence. Le "président des droits de l’Homme" se couche devant les Chinois, pour une poignée de milliards promis à ses amis les grands patrons français : l’argent n’a pas d’odeur et le marché de l’Empire du milieu est si juteux… Le pire reste que, malgré ou à cause de la capitulation en rase campagne du président français, la culotte sur les chevilles, les autorités chinoises humilient la France de plus belle : Hu Jintao a remercié George W Bush de participer à la cérémonie d’ouverture sans dire un mot de Sarkozy, et l’ambassadeur de Chine à Paris a même menacé la France de mesures de rétorsion si le chef de l’Etat s’avisait de rencontrer le dalaï lama, entendant ainsi lui dicter sa conduite ! Convoqué par Bernard Kouchner à la suite de ses propos, Kong Quan, à peine sortie du Quai d’Orsay, a remis ça : "Le Tibet, c’est une affaire purement chinoise et le dalaï-lama, c’est quelqu’un qui a une double face, un double langage. Il ne faut pas s’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays, en l’occurrence du mien, dans cette affaire." Rien que de plus logique : on ne respecte pas qui rampe devant soi et se traîne à ses pieds. Sarkozy perd la face mais las, c’est la France qu’il rend une fois de plus coupable de lâcheté et couvre de ridicule.

PS : Le dessin de Sarkozy manipulé par les baguettes chinoises est la talentueuse œuvre de Pakman.

tbwa 1tbwa 2tbwa 3En Bonus, voici ci-contre les visuels conçus par l’agence TBWA pour Amnesty International, que l’organisation a jugés trop offensifs et rejetés.