Après son coup d'éclat initial du coeur de l'été, le vote de la loi mensongèrement dite "en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat" et son fameux "paquet fiscal", constitué de 14 milliards d'euros de cadeaux aux privilégiés, le pouvoir sarkoziste est bien obligé de compenser ses largesses sélectives par des économies – la France est "en faillite", déplore Fillon après avoir vidé les caisses ! Alors on tape les plus faibles. Ça commence par les franchises médicales, impôt frappant ceux qui sont coupables d'être malades, qui rapportera 850 millions. Ça continue avec le dossier de l'Allocation Equivalent Retraite : 953 euros par mois étaient jusqu'à présent accordés à des chômeurs non indemnisés disposant de 160 trimestres de vie professionnelle mais n'ayant pas atteint l'âge de 60 ans, pour leur fournir un revenu de substitution en attendant qu'ils puissent pervevoir leur retraite.
Après avoir dans un premier temps purement et simplement supprimé cette AER, le gouvernement fait mine de faire machine arrière, le ministère du Travail annonçant : "Il devrait y avoir un amendement du gouvernement pour annuler la suppression de l'AER et maintenir le dispositif pour les bénéficiaires à venir". Ouf, se dit-on. Pas si vite : "Quand nous aurons le cadre global de la réforme des retraites [courant 2008], nous pourrons réexaminer la possibilité de supprimer l'AER ou de faire évoluer le dispositif", corrige-t-on du côté du ministère de l'Economie. On note que d'abord que la suppression n'est pas exclue. Et l'on se demande ensuite ce que signifie "faire évoluer le dispositif". Eh bien c'est tout simple : au lieu des 160 trimestres validés, on ne retiendrait plus que ceux qui ont effectivement été cotisés, ce qui exclut le service militaire, les trimestres pour élever les enfants et les périodes de chômage. Or les bénéficiaires de l'AER sont, rappelons-le, chômeurs en fin de droits donc de longue durée. Au final, il est quasiment impossible d'avoir effectivement cotisé 160 trimestres, "sauf si on est un homme qui n’a pas fait son service militaire et qui a commencé à travailler avant 18 ans sans avoir été malade ni connu le chômage", comme le résume Actu chômage. On a donc le choix entre la suppression de l'allocation ou celle des allocataires ! Economie ainsi réalisée : 60 millions d'euros. Justification officielle : "sortir d'une vision incitant les séniors à se retirer précocément du marché du travail". Comme si l'impossibilité de retrouver un emploi à partir d'un certain âge, plus personne ne voulant vous embaucher, était imputable aux séniors ! Qu'à cela ne tienne, qu'ils se débrouillent. Ils ne touchent plus d'allocations chômage et pas encore leur retraite ? Et alors ? Les Restos du coeur et l'Armée du salut ne sont pas faits pour les chiens !
Evidemment, les 60 millions de l'AER ne suffisent pas et il faut encore faire d'autres économies. Voilà donc que l'an prochain, les personnes âgées de plus de 60 ans et au revenu fiscal inférieur à 9 437 euros, ainsi que celles de plus de 65 ans et non imposables, qui étaient jusqu'alors exonérées de la redevance audiovisuelle, devront désormais acquitter ses 118 euros annuels (en augmentation de 2 euros l'année prochaine). Sont concernés 780 000 foyers et 850 000 personnes, qui rapporteront donc 92 millions d'euros. Quel cynisme d'ainsi frapper ceux qui subsistent à peine avec une retraite famélique ! Et quelle ingratitude de la part de Sarkozy, quand on sait la part prépondérante prise par le "vote vieux" dans son élection…
Sortons les calculettes : la suppression de l'AER et de l'exonération de redevance pour séniors aux revenus modestes rapporteront environ 152 millions. Mais dans le même temps, voilà que cet incorrigible gouvernement recommence avec ses cadeaux! Celui-ci est emblématique : la suppression de l'impôt sur les transactions boursières. Celles-ci étaient jusqu'à présent taxées de 0,3% pour celles qui étaient inférieures à 153 000 euros, et de 0,15% seulement au-delà. Mais il s'agit de rendre la Bourse de Paris plus compétitive, et l'on a donc décidé de laisser les spéculateurs faire leurs juteux bénéfices sans qu'ils ne contribuent plus un minimum à la solidarité nationale. Sarkozy prétend défendre la valeur travail mais il favorise les rentiers ! L'impôt boursier aurait rapporté 260 millions d'euros en 2008. Voilà donc un rapprochement saisissant : après avoir piqué dans les poches des pauvres 152 millions, on garnit celles des riches de 260. Robin des bois à l'envers. Ce que notre camarade Fontenelle stigmatise ainsi dans un billet rageur de Vive le feu! : "le régime haineux et revanchard qui prétend régner sur nos vies est absolument décidé, en même temps qu'il (res)serre jour après jour la ceinture des plus démuni(e)s, à maintenir aux plus fortuné(e)s un régime particulier, non de retraite mais d'impôts – en les comblant de présents dont le coût sera supporté par la collectivité. Absolument décidé à prendre aux pauvres, pour gaver les riches." AER, redevance et impôt boursier : Sarkozy antisocial, la preuve pas trois.