Sarkozisme – La médaille et… son revers

A l'heure de partir en campagne, au moment de briller en société et d'attirer les médias, dans tous ces instants choisis qui font le charme de la vie d'un politicien professionnel, Nicolas ne s'est jamais privé. Il a même brillé après avoir beaucoup travaillé pour cela. Car telle est sa vocation. Pour la servir, une stratégie simple : parler le premier et… le dernier, occuper l'espace médiatique par des annonces toujours renouvelées et souvent provocantes. Pour deux ambitions : empêcher les autres de parler, susciter des débats qui évitent de s'appesantir sur d'inutiles bilans.

Dans cette fuite effrénée vers l'avant, la surenchère s'invite régulièrement, on peut même penser qu'elle apparait dès qu'une note discordante menace. Ces dernières semaines ne dérogent pas à cette règle puisque nous voilà tour à tour conviés à travailler jusqu'à 70 ans, plutôt à temps partiel, mais dimanche compris, sous peine de devenir sdf et d'être raflé chaque soir où le mercure n'excède pas 5°. Evidemment ces perspectives enchanteresses ne manquent de faire réagir tout un chacun. On peut cependant noter quelques soubresauts de l'actualité qui ne manquent pas de piquant, piquant comme le froid de la rue un soir d'hiver. Pendant sa campagne électorale, Nicolas s'était un brin enflammé un 18 décembre 2006, du côté de Charleville-Mézières. Et pour s'enflammer à Charleville, il en faut. Super Nico y allait Franco, «d'ici deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d'y mourir de froid». A 15 jours du miracle sarkozien on ne peut cependant "que" déplorer deux cent soixante-cinq personnes sans-abris mortes dans la rue cette année en France. Dont les dernières, comble du désobligeant furent médiatisés. Des inconnus en Une, quel contraste. Le symbole de l'ouverture, Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives (?) tombe même de son haut piedéstal et se fait copieusement siffler, huer lors d'un hommage aux mourants inconnus. En avril 2007, Nicolas donnait une leçon d'économie à quelques apotres subjugués : Pendant ce temps-là on en risque plus de s'interroger sur la pertinence de la provocation du mois précédent. Notre roue de l'infortune n'en finit pas de ne pas rendre son verdict. "Depuis 25 ans, on vous dit que le plein emploi est impossible et que le chômage est une fatalité. Rien n’est plus faux. En cinq ans, nous pouvons atteindre le plein emploi, c’est-à-dire un chômage inférieur à 5% et un emploi stable à temps complet pour tous. C’est de cette manière que nous pourrons vraiment réduire la pauvreté, l’exclusion et la précarité."

Au-delà d'une pauvreté et d'une précarité qui ne semblent pas cesser de croître et d'entraîner la mort jusque dans la forêt parisienne, on notera cette semaine que le chomage… repasse le cap des deux millions. Selon la police gouvernementale. Selon les manifestants, on peut penser qu'il est de toute façon bien plus conséquent. Depuis 25 ans, on nous mentait peut être mais pas sûr que cela ait vraiment changé depuis. Du reste la sortie présidentielle sur le travail partiel vaut tout de même son pesant de cacahuètes puisque l'on passe d'"un emploi stable à temps complet pour tous" à "l'activité partielle, c'est préférable au chômage total" décliné cette semaine à Valenciennes. Fichtre.

Bon mais après tout qu'importe puisque l'essentiel est ailleurs, la vie ce n'est pas que métro-boulot-dodo, pour un douillet dodo, y a Nico.
"Je veux permettre à chaque ménage d’être propriétaire, parce que la propriété est le rêve de chacun d’entre nous. Je vous permettrai notamment de déduire de votre impôt sur le revenu les intérêts de votre emprunt immobilier. Ceux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu recevront une aide de l’État pour emprunter." Outre le fait que cette fameuse promesse de déduction n'était pas… constitutionnelle, et que les subprimes à la française avaient un adepte, on apprend cette semaine de la Fédération des promoteurs-constructeurs que "l'attentisme marqué des acquéreurs de résidences principales et des investisseurs, confrontés à des difficultés d'obtention de crédits, s'est tr aduit par une baisse des ventes (16 329 ) de 44 % par rapport au troisième trimestr e 2007. Ce recul s'est accompagné d'une contraction des mises en vente (21 341 ) de 38 %. Le nombre de logements neufs offerts à la vente a augmenté et, avec 113 400 logements (dont 97 312 en collectif ), représente désormais 18 mois de ventes." Bonjour le rêve brisé…

Dans ce contexte bien morose, il nous reste cependant le meilleur, le panache, ce je ne sais quoi de typiquement français qui éclaire de ses Lumières le monde. Ouf. "Je veux être le Président d’une France qui se sente solidaire de tous les proscrits, de tous les enfants qui souffrent, de toutes les femmes martyrisées, de tous ceux qui sont menacés de mort par les dictatures et par les fanatismes." Après les pantalonades devant lybiens ou syriens, la triste épopée de l'ouverture des JO, la realpolitik made in Sarko est ridiculisée par le grand pays communiste. Le sommet Europe-Chine est boycotté : "La date du sommet dépendra du moment où la France, qui assure la présidence de l'Union européenne, adoptera des mesures concrètes pour créer les bonnes conditions nécessaires pour ce sommet". Et dire qu'après bien des atermoiements, Nicolas se décidait à rencontrer le Dalaï Lama tranquille…

Décidemment, l'information ce n'est pas possible à maitriser tout le temps. Pire, ce ne doit pas être possible. Sale temps pour les amoureux des médailles même en chocolat, elles ont toujours un revers. Récemment décoré du courage politique il ne devrait pas manquer non plus le prix du bonimenteur.
Ce qu'Anna Arendt expliquait joliment : "Le progrès et la catastrophe sont l'avers et le revers d'une même médaille".

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