Saint Mai 68 … ! Que de couillonades ne profèrent on pas en ton saint nom ! 40 ans déjà. Pour ceux qui, comme moi, on vécu ces fameux évènements, c’était hier (ou avant-hier) et nous ne nous ne bousculons pas au portillon pour en parler… Par contre, nombreux sont les experts, politiques, syndicalistes, politologues et autres exégètes de tous crins qui en ces temps d’anniversaire ont entrepris de nous expliquer les tenants et aboutissants historiques de « notre » révolution. Ah, bien sur, il y a quelques Cohn-Bendit qui acceptent de témoigner…ils ne peuvent guère faire autrement, mais c’est du bout des lèvres avec un sourire amusé. Clermont-Ferrand…Mai 68 …la fac de droit…On s’est bien amusé ! Au début, Fac de droit oblige, on regardait ces manifs un peu de haut.. il faut dire que ce n’était guère plus que les traditionnels monômes…puis comme cela prenait de l’ampleur et qu’il fallait bien, nous aussi être solidaires de nos camarades parisiens, on s’est pris au jeu … on a occupé la fac… Ce qui nous a bien aidés à nous décider, c’est l’importance que donnait la presse à l’évènement… Avant même d’avoir fait quoique ce soit nous étions des héros ! Nous étions un peu comme des jeunes coqs qui auraient trouvé un beau matin un superbe œuf dans leur nid… Bref en deux temps trois mouvements nous voilà occupés … à occuper la fac et à manquer les cours, lesquels n’ont d’ailleurs plus eu aucune raison pour se poursuivre. Pendant 3 semaines ce fut un pur délice… une délicieuse paranoïa… Les bruits les plus fous couraient sur une intervention musclée des CRS et nous nous maintenions en alerte permanente avec tours de garde 24h/24 à tous les accès de la fac. La nuit nous partions en convoi au ravitaillement au marché Fontgiève.. à trois véhicules… celui du milieu pour transporter les caisses d’orange ou de bananes et le premier et le dernier empli de volontaires armés de bouts de bois pour parer à toute attaques des forces de la répression policière… Les grossistes en légumes rigolards ne nous ont jamais fait payer et nous n’avons jamais non plus vu l’ombre d’un Képi ou d’un casque de CRS… Les journées étaient bien remplies avec les AG permanentes au cours desquelles nous refaisions le monde et où nous y auditionnons aussi beaucoup… Les témoignages de chacun d’entre nous et ceux, lorsque le monde du travail s’est décidé à nous rejoindre, des représentant du monde ouvrier …des martiens pour nous… J’ai d’ailleurs le souvenir d’une AG au cours de laquelle un représentant de la boite qui imprimait pour le Journal « La Montagne » est venu nous expliquer qu’ils souhaitaient rejoindre notre mouvement, mais que cela impliquerait pour eux des sanctions financières et que nous serions sympa de venir les occuper et ainsi déclencher un lock-out, ce qui les arrangerait bien… Ils sont vite repartis sous les huées des 1000 étudiants présents dans l’amphi…repartis quelque mètres plus loin, à la fac de lettres ou leur demande a été ovationnée… En dehors des AG, des gardes et du ravitaillement je coiffais le pool info … C’est à dire qu’armé d’un téléphone et de deux transistors, j’assurai la liaison avec les autres facs et suivais, minute par minute, l’actu étudiante dans l’hexagone pour pouvoir en temps réel adapter nos actions et rédiger les communiqués pour l’affichage… Au bout de quinze jours de présence permanente, on était quelques uns à ne plus vraiment sentir la rose… Comme il ne se passait rien, nous avons pris quelques heures pour rejoindre nos piaules respectives, pour une toilette salutaire et un change complet… A mon retour… changement d’ambiance… mon poste derrière le téléphone était occupé par un militant communiste… « – c’est bon, on n’a plus besoin de toi ici, on t’attend à la manif ! »…à d’autres points tout aussi stratégiques, les têtes aussi avaient changé… On y est partis… à la manif… Je m’en souviens, comme si c’était hier soir… Le brassard rouge, obligatoire bien sur.. Beaucoup d’étudiants, mais noyés dans une masse vindicative d’organisations syndicales … des slogans pas vraiment étudiants …et puis je me suis heurté, vers les salins, à un copain d’enfance (je soupçonne mes parents de l’avoir envoyé à ma recherche, inquiétés par les confidences d’un copain d’apéro de mon père, gendarme de son état, qui lui avait dit « – Fais attention Edmond, on a une fiche sur ton fils Jean Noël, il fait le C. à Clermont… ») « – Qu’est ce que tu fais là, viens on s’arrache ? » m’a-t-il dit. J’ai regardé autour de moi, j’ai enlevé mon brassard et suis retourné à Massiac ou j’ai bien dormi 15 jours d’affilé… Entre temps Le grand Charles avait tapé du poing sur la table et tout était rentré dans l’ordre et depuis … j’ai une aversion viscérale pour le brassard rouge, tout ce qui s’en approche ou … qui veut décider à ma place.