À la suite du remaniement ministériel roumain de ce lundi, et dans l’attente d’une décision de la Cour constitutionnelle qui devrait intervenir le 31 août (et non le 12 septembre comme précédemment affirmé), le « président suspendu » Traian Basescu a donné une conférence de presse au cours de laquelle il a vertement critiqué la nouvelle ministre des Affaires étrangères. Et réservé des piques à presque tous les membres de la coalition USL au pouvoir. Ambiance…
La crise institutionnelle roumaine, qui dure depuis que le gouvernement avait annoncé un référendum pour destituer le président Basescu, lequel s’est tenu le 29 juillet dernier et dont les résultats sont l’objet d’un étonnant imbroglio, présente au moins un avantage. Les Roumaines et les Roumains qui ne sont pas encore verbalement véhéments pour ou contre Basescu ou le gouvernement Ponta sont atterrés. Du coup, ils ne redescendent plus dans la rue pour réclamer que toutes et tous partent, la résignation s’étendra jusqu’aux futures élections législatives…
Pour qui ne décrypte que très mal la presse roumaine (sans traduction automatique), les divers rebondissements que chaque jour ou presque apporte sont riches en émotion. Alors, finalement, la Cour constitutionnelle aurait été censurée ? Adevarul relève qu’un paragraphe de son arrêt a été sucré par le journal officielle. Alors, le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Ioan Rus, qui avait approuvé « la » révision des listes électorales avant le référendum a-t-il été de fait limogé alors qu’il hésitait sur les listes à communiquer à la cour ou s’est-il retiré en se drapant dans sa dignité ?
Le référendum n’a pas atteint le quorum, Basescu et son parti appelant à l’abstention, mais la plupart des votants (et même massivement peut-être pour les morts, les double votants…) ont souhaité que Basescu soit viré. Or donc, l’USL au pouvoir a sorti l’argument qu’en fait le quorum, nécessaire pour démettre le président suspendu, était réuni, du fait d’un recensement de la population qui reste sujet à controverses, du fait que des sondages allaient l’établir, ainsi qu’un toilettage ultime des dites listes électorales.
C’est ce que l’on comprend vaguement, ce qui est clair en revanche, c’est que le gouverneur de la banque centrale, Mugur Isarescu, l’un des rares à souhaiter officiellement un cessez-le-feu, craint pour la bonne tenue du leu et les taux des emprunts souverains. Les investisseurs étrangers, qu’ils soient implantés dans le pays ou financent, s’inquiètent aussi très fort. Et la population donc qui, après avoir dénoncé soit les uns, soit les autres, en raison de la très mauvaise image que donnait le pays à l’Europe et au monde, commence à sombrer dans la consternation.
Basescu flingue à tout va. Dans les marges, en s’en prenant à Constantin Manoloiu, un haut-fonctionnaire chargé de s’exprimer sur la population et ses fluctuations. Directement en s’en prenant à ses adversaires, le président Victor Ponta, et son remplaçant temporaire, Crin Antonescu, et d’autres personnalités de l’USL.
Lors sa conférence de presse, il a conclu qu’il attendait sereinement la décision de la Cour, le 31 août, mais s’est prononcé auparavant sur le remaniement, distribuant de bons points, et surtout des mauvais.
Sa bête noire, c’est l’une de ses plus véhémentes opposantes, une nouvelle ministre Mona Piviceru (Justice), qu’il s’est gardé de critiquer frontalement, mais il s’en est pris à l’ancien ministre des Affaires étrangères, Andrei Marga, nommé ambassadeur à Berlin. Cela donne « Marga était une calamité pour la Roumanie (…) cela sera lamentable. ». Il s’en est pris à d’autres sortant, tel Dans Sova.
Un autre ministre, Lucian Isar, chargé des relations avec les industriels et entrepreneurs, a aussi démissionné, semble-t-il de lui-même, et sans se livrer à des commentaires.
Au-delà des problèmes intérieurs, une partie de l’opinion se demande si la Russie n’influe pas subrepticement. Basescu avait fort rapproché la Roumanie de l’Otan. En République de Moldavie voisine, la Russie conserve des bases militaires dans la région dissidente de Transnistrie (qui n’est pas reconnue par la communauté internationale).
La Voix de la Russie avait donné la parole à Victor Ponta sur ses ondes, sa direction vient de décider d’inviter Basescu, qui en avait exprimé le souhait en l’assortissant de critiques. Pour La Voix, Basescu aurait signifié que des analystes et journalistes étaient directement influencée par elle. Andrei Bystritski, rédacteur en chef, a souligné l’indépendance de la radio russe.
Par ailleurs, l’USL a laissé entendre que Basescu se serait entendu avec Vicktor Orban, au pouvoir en Hongrie, pour échanger une consigne d’abstention au référendum contre une plus large autonomie future de la partie magyarophone dominante de Roumanie.
Faute de fiabilité des chiffres du recensement de 2011, Rus, avant de démissionner, avait émis l’idée d’un « mini-recensement minute », histoire de voir si les gens habitaient bien là où ils déclaraient le faire. Des maires en avaient profité pour annoncer qu’ils allaient voir à cette occasion qui détient plus d’un animal domestique (en Roumanie, dans certaines villes, la politique du chien ou du chat unique est tentée). Mais bon, la seule certitude du moment, c’est le prix du « carnet » de métro a grimpé de 50 % à Bucarest (il était de 10 lei, il passe à env. quatre euros).
Pour le reste, c’est l’incertitude, voire l’indifférence et la résignation consternée.
[b]Pauvre petit peuple engoncé dans sa corruption effrénée débouchant sur un fatalisme mortel.[/b]