J’éprouve une certaine tendresse pour Roselyne Bachelot, la « fille Narquin » de mon adolescence angevine (le Dupont, les Variétés, le Papagayo… et surtout les boums quand les parents s’enfilaient ailleurs, et le « tout sauf tout »). En sus, la commission de la carte de presse m’a floué (de 45 euros) et me refuse indûment l’honorariat : faute de duel et de premier – voire dernier – sang, cela se débattra devant un magistrat de la cour de cass’. Donc, j’assume ma totale subjectivité et ma parfaite mauvaise foi dans cette affaire que décrypte Denis Robert sur Infodujour.

Pas sympa, Denis Robert, de qualifier Claude Cordier « d’obscur ». Il a certes remplacé un frère à la présidence de la Commission de la carte d’identité des journalistes, mais, eh, peut-être n’est-il point franc-maçon. Et puis, il est encarté SNJ, et il fallait bien qu’il fasse parler de lui, et ne pas froisser les sensibilités des consœurs et confrères syndicalistes.

Lesquels n’étaient pas trop regardants pour refiler la carte à la secrétaire administrative (et autres attributions qu’on disait intimes autour de la machine à café de la rédac’) de tel ou tel patron de presse. Z’escuses, ami Gentot (et d’autres), du SNJ (et d’autres), mais, bon, hein, tant qu’il ne s’agissait pas de quelqu’un des ventes ou de la pub, nous fûmes plutôt coulants, trop parfois…

Or donc, Denis Robert, qui trouve le temps de consulter le supplément télévisuel du Figaro (comme quoi, Télérama ne lui a pas octroyé un service de presse, pas davantage qu’à moi-même), reprend l’anecdote : Claude Cordier, not’ président la Commission, voudrait – ou plutôt annonce – qu’il portera plainte contre la Bachelot (bisous, Roselyne) pour diffamation.
Le coup de l’annonce de la plainte, cela devient farce. Je ne vous dis pas les déclarations suivies de nul effet. Mais admettons.

Laurence Ferrari, Audrey Pulvar, sont des animatrices de plateau télévisuels. En aucun cas des journalistes. Pas davantage que Zemmour (qui obtint la carte pour avoir exercé, soit être rétribué, par le Fig’, tant bien même il y passait le plus clair de son temps à cirer des pompes : qui l’a vraiment vu sur le terrain, plongé dans de la doc’, démêler de sombres histoires, mener de véritables enquêtes ?). Selon Denis (yo, Denis !), « Roselyne a sorti l’artillerie lourde en invoquant les liens étroits pouvant exister entre information et divertissement ». M’mouais. Certes, dans ma défunte Chronique à crocs (du Pays de Franche-Comté), un coup je divaguais franchement, à un autre, je l’alimentais après avoir sué pour dénicher l’info. Mais il ne faut pas pousser : une journaleuse, c’est une journaleuse, un amuseur, un amuseur.

Ah bon, Rosy, il suffit de regarder votre émission sur D8 pour constater que vous vous livrez à du journalisme ? Personne derrière pour faire le véritable boulot ? Eh, quand je rédigeais la revue de presse économique de l’Agence centrale de presse, je ne faisais pas vraiment du journalisme, mais passé la validation de ma dépêche (de mémoire, vers les six heures du mat’), là, ben, il fallait mouiller autrement la chemise. Si tu ne vois pas la différence, c’est qu’on t’aura abusée : tu te crois drôle, mais on t’a trompée.

« L’ancienne pom-pom girl de Sarkozy » (c’est de Denis, et quelque peu abusif : va inaugurer des maisons de retraite, et reviens me voir, c’est barbant au possible, mais c’est le boulot…) – ok, I pardon your French – avait ajouté « ce sont les journalistes qui ont le moins de succès qui se retrouvent dans les commissions ». Faux. Parfois, ce sont les grands reporters, les grandes envoyées spéciales, qui s’astreignent aussi à siéger, notamment en délégation du personnel. Et tu sais, ma Rosy ? Parce que leur parole a du poids. Même si elles ou ils ne sont pas des pipeules comme toi, il se trouve que, pour la rédac’, respect ! Donc, la ou le chef·fe du personnel, qui n’a jamais risqué sa peau, sauf professionnelle, fait au moins semblant d’avoir un minimum d’égards hypocrites (quelle est cette conne qui gagne moins que moi en prenant tant de risques, tel est cet abruti qui n’a au fond rien compris au sens de la vie et des objectifs marchands d’une entreprise de presse ?). Ce n’est pas qu’on aurait « du temps à perdre », Rosy, comme tu dis, mais qu’on a pas envie que la relève, qu’elle ne soit pas sabrée pour que des gens comme toi fassent carrière au sec’ de rédac’ puis à la rédac’-chef.

Là, Denis, à remémorer l’histoire du vaccin grippal, tu oublies la canicule qui avait coûté sa voiture avec chauffeur à un prédécesseur de Rosy : tu pourrais mieux tendre à l’objectivité. Comprend qui veut, ou qui peut.

« Même paresse, même outrecuidance, même connerie », écris-tu, Denis. Ben, que veux-tu, son école, c’est Ferrari et autres gisquettes bien formatées. Pour elle, la Rosy, c’est cela, le journalisme. Un truc qui ne fâche pas trop les syndicalistes (qui lui reconnaissaient localement un sens du dialogue) ou les patrons (surtout les pharmaciens). C’est comme pour les blondes, redonnes-lui une chance (célèbre blague sur les blondes dont je ne me lasse pas).

Tu sais mieux que personne, Denis, que cette loi de 1935 qui fait que tu peux te livrer à n’importe quoi dans une entreprise enregistrée à la commission des papiers de presse ou des agences télégraphiques (ou autres supports audiovisuels) et obtenir une carte de presse, est bancale. Et les bénévoles alors, dont tu fus ? Ou des crêve-la-faim pour des titres impécunieux, n’arrivant pas au Smic en dépit de journées de dix-douze heures, sept jours sur sept (pas toutes les semaines), tu t’en souviens ? Ferrari avait la moitié de ses revenus provenant d’autres sources que, non pas du journalisme, mais d’un truc abusivement assimilé. Donc, plus de carte de presse, logique…

Pour toi, la carte fut « comme une deuxième peau ». J’admets, car j’ai aussi vu des consœurs en larmes (de joie, bonheur, félicité) en la recevant enfin. Perso, j’étais plutôt content. Mais j’aurais préféré l’avoir pour mon journalisme d’avant, et non celui de quasi-mercenaire qui me l’avait valu (je me rattrapais autant que possible, cela m’a coûté cher, en temps, argent, carrière).

Entièrement d’accord, des types qui font des bouquins d’enquêtes, voire des essais documentés, en allant à la halle, aux sources, méritent autant la carte que des correcteurs sachant bâtir une page. J’ai donné aussi, dans le bouquin aussi. Je suis aussi correcteur, metteur en pages, sec’ de rédac’, &c., &c.j Ou traducteur pour la presse. J’ai vraiment tout fait en presse écrite, tous supports, tous types de genres (professionnels, techniques, divertissement, infos génés, autres), toutes spécialisations (fab’, reportage, chroniques, &c.). Tu conseilles à « ces dames » de solliciter une dérogation. 

Eh bien, sérieux, je siégerais à la commission, elles pourraient toujours courir. Qu’elles commencent par la petite locale, ses boulistes ou pêcheurs à la ligne associés, la tournée pompiers-flics-gendarmes, et qu’elles reviennent me voir. Qu’elles obtiennent du secrétaire de mairie l’état-civil des marié·e·s du samedi. Pas indispensable, et d’accord, Denis, tu en as fourni la preuve. Mais quand même.

Tu penses qu’Apathie devrait avoir sa carte de presse ? Moi, pas trop. Ok, il « bosse, recherche, recoupe ». D’une certaine façon, j’admets. Je ne le vois pas pourtant passer des nuits en ligne à fouiller des registres du commerce, français et étrangers. Je salue son talent d’animateur, de combleur intelligent de temps d’antenne. C’est un cas limite.

J’en oublie. J’en omets. Mais comme ton billet est en accès libre sur Infodujour

« Bachelot devient une sorte de dogme asexué ». Hypothèse intéressante, à développer. Dogme, je comprends, tout comme la représentation des femmes dans la presse (j’ai longtemps bossé là-dessus « aux études ») est un leurre, pour faire en sorte que les femmes originales et acceptables pour les hommes soient des modèles artificiels, Bachelot peut être envisagée ainsi. Mais pour « asexué », là, tu chutes dans la prétendue théorie du genre, pas dans les études de genre (il faudra que je t’explique). Ou alors, je n’ai pas tout pigé.

Bref, si tu veux mon avis : porter plainte, bah. Creuser ce débat sur ce qui fait et le journalisme et la ou le journaliste, oui, mille fois oui. C’est certes, d’une certaine façon, un métier de saltimbanque, mais il y a saltimbanque et saltimbanque. Bien à toi… confraternellement.