L’opération Astra, par Roland Barthes.

 

J’ai eu la chance de croiser un livre sur ma route ces derniers temps.

Un livre totalement inconnu ou presque, « Mythologies » de Roland Barthes (écrivain et sémiologue)

J’ai choisi pour vous un passage très intéressant. Sachant que Roland Barthes a écris son livre entre 1952 et 1956, la prise de recul sur ses idées est assez sympathique, et elle peut nous apporter une certaine forme d’éclaircissement en ces temps obscurs, de crise, de catastrophes naturelles,…

Rentrons maintenant dans le vif du sujet.


"L’ Opération Astra."

Je cite, pour vous situer… 

« Insinuer dans l’Ordre le spectacle complaisant de ses servitudes, c’est devenu désormais un moyen paradoxal mais péremptoire de le gonfler. Voici le schéma de cette nouvelle démonstration: prendre la valeur d’un ordre que l’on veut restaurer ou développer, manifester d’abord longuement ses petitesses, les injustices qu’elle produit, les brimades qu’elle suscite la plonger dans son imperfection de nature; puis au dernier moment la sauver malgré ou plutôt avec la lourdes fatalités de ses tares. Des exemples, il n’en manque pas. »


« C’est une sorte d’homéopathie: on guérit les doutes contre l’Église, contre l’Armée, par le mal même de l’Église et de l’Armée. On inocule un mal contingent pour prévenir ou guérir un mal essentiel. S’insurger contre l’inhumanité des valeurs d’ordre, pense t-on, c’est une maladie commune, naturelle, excusable; il ne faut pas la heurter de front, mais plutôt l’exorciser comme une possession: on fait jouer au malade la représentation de son mal, on l’amène a connaître le visage même de sa révolte, et la révolte disparaît d’autant plus surement qu’une fois distancé, regardé, l’ordre n’est plus qu’un mixte manichéen, donc fatal, gagnant sur les deux tableaux et par conséquent bénéfique. Le mal immanent de la servitude est racheté par le bien transcendant de la religion, de la patrie, de l’Église, etc. Un peu de mal « avoué » dispense de reconnaître beaucoup de mal caché. »

« Qu’importe, après tout, que l’ordre soit un peu brutal ou un peu aveugle, s’il nous permet de vivre a bon marché? Nous voilà, nous aussi, débarrassé d’un préjugé qui nous coutait cher, trop cher, qui nous coutait trop de scrupules, trop de révoltes, trop de combats et trop de solitude. »

Puis, à la suite de cette ouvrage, il écrit un texte « Le mythe aujourd’hui » en 1956.

Il y analyse le phénomène même du mythe.

Les multiples opinions (doxa) sur le mythe, amène Barthes a dire que le mythe est l’image que la bourgeoisie se fait du monde et qu’elle impose au monde. La stratégie bourgeoise est de remplir le monde entier de sa culture et de sa morale, en faisant oublier son propre statut de classe historique :

« Le statut de la bourgeoisie est particulier, historique : l’homme qu’elle représente sera universel, éternel ; (…) Enfin, l’idée première du monde perfectible, mobile, produira l’image renversée d’une humanité immuable, définie par une identité infiniment recommencée. »

Enfin, et je terminerais là-dessus, «  On immunise l’imaginaire collectif par une petite inoculation de mal reconnu; on le défend ainsi contre le risque d’une subversion généralisée. Ce traitement libéral n’eut été possible, il y a seulement cent ans,… »

Et bien, avec tout ce qui se passe et tout ce qui s’est passé depuis l’écriture de son ouvrage, Roland Barthes n’était pas totalement dans le faux…

A méditer.