Dans les histoires de rétrocommissions, on ne se demande même plus pourquoi certains ne se retrouvent pas déjà derrière des barreaux : on sait. Avec les affaires Takieddine, Hortefeux, &c., c’est tout juste si on a pu imaginer Thierry Gaubert derrière un bar : celui du Nibar ou celui du Nichon, les établissements argentins des amis et proches de Nicolas Sarkozy. Derrière les barres, de justice cette fois, au moins en tant que témoin, on verrait bien un certain Gérard Achcar. Mediapart revient sur ses liens avec Takieddine et mouille cette fois Jean-François Copé…

Gérard Achcar est un Franco-Libanais qui connaissait très bien Nicolas Bazire, un très proche de Nicolas Sarkozy, très souvent cité dans l’affaire de Karachi. Voilà que Mediapart indique que Bazire et Takieddine auraient obtenu – sans trop se décarcasser – une ristourne fiscale de Jean-François Copé. Pas juste une petite faveur, non. Rien de moins que 4 millions d’euros.

Jean-François Copé fut, avant Éric Woerth, ministre du Budget. C’était de 2004 à 2007, et pour la Cour de justice, si les faits étaient confirmés, ils ne seraient pas prescrits. Selon Mediapart, la police judiciaire enquêterait plus activement, depuis décembre dernier, « sur l’effacement, en 2005, des deux-tiers d’une dette fiscale réclamée [à] Gérard Achcar. ». Une copie du dossier fiscal de l’homme d’affaires, président des Grands moulins du Mali et sans doute dirigeant d’autres sociétés, a été bizarrement retrouvée chez le sieur Takieddine.

Ce serait Nicolas Bazire qui l’aurait fournie.

Takieddine avait déclaré à Mediapart qu’il n’était pas intervenu mais que Bazire lui-même aurait pu le faire, mais pas sans arguments. Le dossier aurait été transmis au cabinet d’avocats Lefebvre.

Achcar et Bazire sont en fait beaux-pères de deux de leurs enfants, le fils Achcar ayant épousé la fille Bazire. Les liens avec Copé sont plus distants. Les services de Copé à Bercy ont trouvé bien des motifs de faire un cadeau fiscal à Achcar. Par exemple, celui-ci : « Abandonner les rectifications liées à la société Hilda Finances, domiciliée aux îles vierges britanniques, dès lors que les éléments permettant la taxation en France des résultats de cette entité ne sont pas réunis et qu’aucun revenu n’est appréhendé sur les comptes personnels de M. et Mme Achcar. ».
On ne doute pas que, depuis le 13 juin 2005, date de signature de la lettre par Copé, les éléments ne soient pas parvenus et que Hilda Finances n’a rien versé aux Achcar en France.

Techniquement, il est aussi fort possible que le fisc français n’ait pas eu trop accès aux comptes de la société malienne Sopra. Mais pour arriver à se contenter de 2,2 millions au lieu de 6,2 millions, il a fallu au fisc de belles doses d’ingéniosité. On ne retient plus que 10 % des revenus provenant de la Sopra, et rien du tout sur ceux provenant de la paradisiaque Hilda Finances.

Intervention du Saint-Esprit

Le plus drôle, c’est que Achcar nie tout contact avec Takieddine. « Je ne sais pas comment il a eu accès à mon dossier, » affirme-t-il. Tout comme Éric Woerth en d’autres affaires, Copé affirme à Mediapart qu’il s’est contenté de suivre les avis de son administration. Voir mentionner une société dans un paradis fiscal ne le fait pas du tout tiquer, il ne demande aucun complément d’information, et signe machinalement. Bah, ce ne sont que 4 petits millions d’euros, une paille.

En tout cas, rapporte Mediapart, « la famille Copé » avait reçu de Takieddine 19 000 euros. Sans doute une avance de frais de déplacement pour répondre à des invitations de Takieddine, sur son yacht ou dans l’une de ses résidences. Même pas capable d’envoyer son jet, Takieddine, pour convoyer ses invités nourris, abreuvés et logés. Mais toujours bon prince.

Takieddine invitait la famille Copé « une semaine par ci, une semaine par là… ». En voisin de, par exemple, la maman de Carla Bruni. L’article de Mediapart se conclut par la mention d’un compte ouvert par la sœur de Copé au Crédit suisse, à Genève. Attention, on ne balance pas, on évoque…

Bakchich aussi

 

Quand ce n’est pas (principalement) Mediapart qui suit à la trace Takieddine et consorts, c’est Bakchich.info. Et pour cause. Claude Thévenet, ancien de la DST, auteur d’un rapport sur l’affaire Karachi, avait poursuivi Bakchich en diffamation publique. Xavier Monnier se félicite de le voir débouter de sa demande de 40 000 euros de dommages. La procédure vient d’être considérée abusive.

Monnier, titulaire déjà de quatre condamnations inscrites au casier judiciaire, pour des affaires de presse (on ne sait ce qu’il est advenu de la plainte d’Éric Besson contre lui et Bakchich au sujet de son escapade familiale à Capri), s’est étonné que Thévenet le poursuive pour des phrases anodines alors qu’était aussi évoqué son rôle auprès de Denis Sassou Nguesso, « aux mains tachées du sang des victimes de trois guerres civiles » au Congo-Brazaville.Thévenet a renoncé de faire appel le 28 décembre dernier, il réglera donc les frais de procédure… Bakchich attend encore de recevoir les 2 000 euros de dommage que Thévenet lui doit désormais.

 

Bakchich n’y va plus de main morte sur l’affaire Karachi. Dans son dernier papier de fond, on pouvait lire « quand les flics citent Sarko, Bazire, Balladur et un financement électoral, le procureur Marin veut mettre un voile sur Heine, Eurolux et la DCNI ». Il est vrai que comme l’a dit Nicolas Sarkozy, cette histoire de la DCNI est vieille de près de deux décennies. C’est vieux, tout comme l’affaire des frégates de Formose (Taïwan) pour laquelle c’est le contribuable français qui passe à la caisse.
Dans les carnets de certains protagonistes « affleurent des grands noms de la gauche et du Parti socialiste ». On évoque, on ne balance pas. Pas plus que le fléau de la justice qui sait conserver parfois un impavide, voire stoïque, parfait équilibre. Une mouche d’encre dans la presse ne saurait le faire osciller.