Retour sur Dorian Gray : Le Film

Si l’ accord franco-américain Blum-Byrnes signé le 28 mai 1946 est toujours en vigueur, nous imposant tout un flot de films sans intérêt au cinéma, il est à déplorer que le film Dorian Gray n’ ait pas été projeté en salle en France. Néanmoins, il reste disponible à la vente. Petit retour sur un film qui joue avec magnificience de la magie du cinéma.

 

À l’origine, Le portrait de Dorian Gray est un roman d’oscar Wilde. Écrit à l’époque victorienne, et publié pour la première fois en 1890, il raconte l’histoire d’un jeune homme qui vit un destin extraordinaire. Sa vie se lie étrangement à la peinture de son portrait : à l’inverse de la réalité, l’image de son portrait vieillit alors que lui ne change pas malgré les abus d’une vie bien remplie et les cicatrices que le temps devrait lui laisser.

 

Dans cette étrange histoire, les notions de la mort et de la peur de vieillir ne cessent de confiner le récit à travers les conceptions philosophiques suivantes : l’art, la beauté, l’éternelle jeunesse, la morale, l’hédonisme. Vivant au jour le jour, l’homme profite d’un semblant d’éternelle jeunesse physique, s’enivre et tente à l’extrême tous les interdits et les plaisirs de la vie.

 

Mis en images cinématographiques par Olivier Parker en 2009 ,le film rescénarisé suit de près l’histoire originelle. S’il est sûr que le sujet prête à débat – en effet qui n’a pas songé à jour à ne pas vieillir, à la vie éternelle? – il s’adonne entièrement à la fonction cinématographique.

J’entends ainsi que l’espace cinématographique tout comme la photo à ceci de différent avec les autres formes d’art : il est dans un visuel direct de la réalité. Il n’est pas comme la peinture ou la littérature une représentation, une mimesis de la nature : non il donne à voir une forme de réalité directe même quand il s’agit d’une fiction!

Or s’il a revêtu la forme première de documentaire (les premiers films étant de l’ordre du reportage comme "La sortie des usines lumière" par les frères Lumières), le cinéma a très vite pris la forme de l’art. C’est-à-dire de la création avec les effets spéciaux et surtout le montage. Rappelons ici, que Méliès à qui l’on attribue les premiers effets spéciaux était patron de cabaret, de spectacles de magie!

Dès lors l’attrait de la cinématographie est cet espace permissible de créer des images d’une autre réalité, de raccourcir ou allonger le temps suivant le montage, et de permettre, outre la pérennité des acteurs, de raconter des histoires. C’est ici que je raccorde le film Dorian Gray comme s’appliquant exactement à l’essence cinématographique! L’homme peut dans ce récit garder une éternelle jeunesse physique, annihiler le vieillissement, c’est-à-dire changer la courbe du temps comme le permettent la fixation et le montage de l’image cinématographique. Il est question d’un récit fantastique dans lequel l’homme peut s’adonner à toutes ses pulsions, toutes ses envies, toutes les libertés que le temps dans son écoulement normal ne pourrait lui offrir ! Et le cinéma n’est-il pas en sa technicité et en sa réalisation exactement la même chose : un espace de songe, une mise en image de l’irréel, un abîme de fictions fantastiques qui nous permettent de vivre ce que nous ne pourrions faire dans notre réalité quotidienne? La photographie peut porter à cette suggestion, mais elle reste fixe! Or le cinéma est en mouvement comme celui de la vie et c’est en cette possibilité exactement qu’on se prête au jeu de la fiction, de croire, de ne plus faire le distingo entre le réel et le magique! 

C’est pour tous ces constats que ce film transcende en un sens l’objet cinématographique. Oscar Wilde ne se doutait certainement pas qu’un jour, son histoire serait adaptée en film (création du cinéma en 1895), mais son histoire adaptée au septième art, prend un nouvel essor dans sa magnificence!   <!–[if !supportEmptyParas]–> <!–[endif]–>