François Hollande: le messie du Cameroun?
Au lendemain de la première guerre mondiale, l’Allemagne, vaincu, perd le contrôle de toutes ses colonies africaines parmi lesquelles le « Kamerun ». Ce dernier sera alors placé sous le contrôle de la S.D.N (Société des Nations) qui à son tour va délivrer un mandat à la France et à l’Angleterre, pour leur confier provisoirement la direction du Cameroun jusqu’au moment où elle devait juger les camerounais capables de se diriger eux mêmes. Dans la réalité, les Français et les Britanniques traitèrent leur part du Cameroun comme leurs autres colonies. Le Cameroun Français resta un territoire séparé de l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F) mais fut bien administré comme elle. En Août 1940, le Cameroun Français se rallia à la France libre, puis en 1945, il devint un pays sous tutelle de l’O.N.U qui remplaçait la S.D.N. Malgré cela, il devint en 1946 un « territoire associé » de l’Union Française.
Cependant, sous l’impulsion de RUBEN UM NYOBE et ses compagnons, l’idée d’une indépendance immédiate pour le Cameroun va prendre forme à la grande désolation des colons Français et il va s’en suivre une très sanglante guerre d’indépendance entre la puissance étrangère et les nationalistes de l’U.P.C. Le 1er janvier 1960, le Cameroun français va tout de même conquérir ou alors acquérir son indépendance et devenir une république à part entière, immédiatement reconnue par des grandes puissances telles que l’Union Soviétique et les Etats Unis d’Amérique. Ainsi, depuis 1960, la République du Cameroun est devenu un territoire libre et souverain, et entretient désormais de ce fait des relations Etat à Etat avec la République Française. Au regard de ce qui précède, il nous sera question dans la suite de cette réflexion de mettre au scanner les relations qu’entretiennent le Cameroun et la France avant et après l’indépendance et surtout tenter de donner une grille de lecture sur la perception qu’ont les jeunes camerounais à l’égard de ces relations.
I- Relation entre la France et la Cameroun
I.1- Période pré-indépendance
Avant son indépendance, le Cameroun entretenait naturellement avec la France des relations colonie-colonisateur. Bien qu’il soit difficile d’énumérer à la lettre ce qu’a fait l’un pour l’autre durant cette période, nous essayerons dans cette partie du travail d’aborder ces relations en terme de réalisations réciproques l’un vis-à-vis de l’autre.
* Que faisait la France au Cameroun ?
D’après le mandat de la S.D.N, il était question pour la France et sa cousine la Grande Bretagne, d’accompagner le Cameroun à l’indépendance. De ce fait, la France a repris en main le contrôle des plantations abandonnées par les Allemands, et a poursuivi la construction d’équipements devant leur permettre de développer le commerce : routes, chemins de fer, et ports.
Dans le domaine social, ils construisirent des écoles et des centres de santé ; un travail très important fut également réalisé par le docteur Eugène JAMOT, médecin et officier de l’armée française qui, de 1922 à 1931 dirigea une équipe de recherche et de lutte contre la trypanosomiase (maladie du sommeil transmise par les piqûres de la mouche tsé-tsé).
Il convient aussi de mettre à l’actif des Français, des œuvres telles que l’évangélisation des populations camerounaises et surtout leur fameuse « pacification » du territoire camerounais.
Parlant à présent de cette pacification, notons qu’il est difficile jusqu’aujourd’hui de dire avec exactitude le nombre de personnes qui ont été tuées par l’armée Française durant cette période de décolonisation. Pour l’historien de BERNARD DROZ, auteur d’un ouvrage sur la décolonisation, les événements de la période 1955-1959 feront de l’ordre des dizaines de milliers de morts ; la plupart des manuels scolaires d’histoire camerounais parlent eux d’une « rude répression » !
*Qu’a donné le Cameroun à la France durant la période coloniale ?
Il serait très risqué de tenter d’évaluer la quantité de produits qu’ont ramenés du Cameroun les colons Français dans la mesure où aucun camerounais de l’époque n’était en mesure de comptabiliser le nombre de grumes de bois qui sortaient chaque jour de la forêt, ou encore le nombre de régimes de bananes, la quantité d’huile de palme, de caoutchouc, de café ou de cacao qu’ils tiraient gratuitement du sol camerounais.
Ne serait- il pas aussi très hasardeux d’évaluer en terme d’Euros ou de Francs ce que représenterait le salaire des pauvres « indigènes » qui travaillaient de façon esclavagiste dans ces plantations et autres ?
Il est certes vrai qu’au terme d’une guerre, il faut parfois s’empêcher de tenter de dénombrer le nombre de victimes de peur d’attiser de nouvelles tensions comme le dit si bien un proverbe populaire, mais ne serait-il aussi un manque de reconnaissance honteux à l’égard des milliers de camerounais tués durant cette période que d’essayer de ne pas leur rendre un hommage singulier ?
Il faut aussi bien noter que durant la deuxième guerre mondiale, plus précisément en 1940, tandis que la France était envahie par l’Allemagne, un mouvement de résistance coordonné par le Général de Gaulle décida de s’appuyer sur les colonies pour continuer la guerre. Le Colonel Leclerc fut envoyé à Douala dans le but d’obtenir le ralliement des colonies Françaises d’Afrique et de constituer une armée. Les camerounais furent recrutés en grand nombre ; certains étaient volontaires, d’autres, très nombreux furent recrutés de force. Les camerounais qui n’avaient pas été enrôlés durent produire des vivres pour les troupes, de l’huile pour les usines d’armement et payer de lourds impôts. D’ailleurs, le 30 janvier 1944, alors que la guerre n’était pas encore terminée, le Général de Gaulle organisa une Conférence à Brazzaville pour témoigner sa reconnaissance aux colonies africaines qui avaient soutenu « la résistance Française ».
Il se dégage au terme de cette première analyse, que durant la période coloniale, notamment celle de la France, les relations Franco-camerounaises étaient loin d’être des relations saines et équilibrées. A partir de 1945 et jusqu’à 1960, alors que le Cameroun était sous tutelle de l’O.N.U, les autorités coloniales reculèrent progressivement et autorisèrent la création des syndicats puis des partis politiques à l’instar de l’union des populations du Cameroun (U.P.C) de Ruben Um Nyobe en 1948 et de l’union Camerounaise (U.C) de Ahmadou Ahidjo créée en 1957. Quand les colons Français comprirent que l’indépendance du Cameroun était inévitable, ils décidèrent de supprimer l’U.P.C qui s’opposait farouchement à eux. Cependant, le parti va continuer sa lutte dans la clandestinité jusqu’à l’accession du Cameroun Français à l’indépendance en 1960.
Le Cameroun devenait ainsi un pays souverain avec tout ce que cela comporte et juge important de poursuivre sa coopération avec son grand « maître » d’hier.
I.2- Période post-indépendance
Ayant ainsi conquit sa précieuse indépendance, le Cameroun devenait théoriquement une république libre qui devait désormais œuvrer pour son développement ainsi que le bien être de ses citoyens ; mais seulement, ne saurait le faire sans le parrainage, l’aide ou alors la coopération des autres grandes puissances et surtout de son « ex patron ». Dans cette deuxième partie de notre réflexion, nous tenterons de mettre complètement à nu l’importance, les retombées et les conséquences des relations qu’a continué le Cameroun après son indépendance à entretenir avec la France.
*La République Française en République Camerounaise
En tant qu’ancienne colonie de la France, le Cameroun a conclu plusieurs partenariats avec ce pays. Il s’agit principalement de coopération culturelle, d’aide au développement ou encore d’accords stratégiques sur la défense. La coopération entre la France et le Cameroun est très ancienne et diversifiée et se manifeste sous plusieurs formes ; elle est d’ailleurs la première destination des camerounais venant en occident pour affaires ou poursuivre des études supérieures. D’après le magazine CHALLENGES, le Cameroun est cité comme l’un des pays où les Français réussissent le mieux.
Afin de mieux canaliser la coopération Franco-camerounaise, il a été établi en Août 2006 un Document Cadre de Partenariat (D.C.P) entre la France et le Cameroun, qui a pour objet selon ses auteurs de préciser les domaines d’interventions prioritaires et les modalités de la coopération franco-camerounaise sur une période de cinq ans.
D’après l’ambassade de France au Cameroun, sous l’autorité de l’ambassadeur de ce pays, la coopération française est mise en œuvre essentiellement à travers l’Agence Française de Développement (AFD), le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) et la Mission de Coopération Militaire et de Défense (M.C.M.D).
Il ressort toujours de cette source que l’AFD propose des financements à long terme sous forme de prêts aux entreprises et de dons à l’Etat dans tous les secteurs touchant à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement. Quant au SCAC, il gère d’une part des projets du « Fonds de Solidarité Prioritaire » sous forme de dons à l’Etat dans les secteurs institutionnels, l’enseignent supérieur, la recherche et le secteur culturel d’autre part, un programme de bourses d’études et de stages au profit des fonctionnaires et d’étudiants, enfin, une assistance technique.
En complément de ces instruments classiques de coopération, la France contribue financièrement au processus d’allégement de la dette camerounaise depuis que le Cameroun a atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE à travers le C2D (Contrat de Désendettement et de Développement).
Il convient de préciser qu’il se dit également que l’aide Française au Cameroun oscillerait à présent entre 30 et 40% de l’ensemble de l’aide publique au développement des bailleurs de fonds !
Parlant enfin de la coopération militaire, il faut noter qu’elle est l’une des plus anciennes de toutes les coopérations entre la France et le Cameroun, le Cameroun d’Ahmadou Ahidjo (1960-1982) pour poursuivre la lutte contre les nationalistes de l’UPC se trouva contraint de passer des accords de défense avec la France : « des personnels Français sont chargés de procéder à l’organisation, à l’encadrement et à l’instruction des forces armées camerounaises » ; ainsi, de violents combats ensanglantèrent le pays Bamiléké et la région Bassa.
Même après l’indépendance, la France a continué à influer considérablement d’une manière ou d’une autre sur la vie politique, économique et sociale du Cameroun. Le Cameroun quant à lui s’est senti contraint ou alors a jugé indispensable de rester très lié à ce grand pays.
*Qu’a profité ou alors que profite la France du Cameroun indépendant ?
Même au lendemain de son indépendance, le Cameroun est resté un terrain très fertile pour les investisseurs français ; le nombre d’entreprises françaises (environ 140 filiales) implanté sur le territoire camerounais en témoignages à suffisance. La France fait ainsi partie des tous premiers investisseurs étrangers du pays. Les hydrocarbures, l’agroalimentaire, le ciment, le bois, le B.T.P, les télécommunications, la logistique et autres sont ses principaux domaines d’action.
En 2006, pour la première fois, les échanges commerciaux entre la France et le Cameroun ont dépassé le milliard d’euros ! La France absorbe à elle seule près de 12% des exportations de biens camerounais notamment du pétrole brut, de l’aluminium, du bois, des bananes et du caoutchouc.
Il faut aussi mentionner qu’en 2002 par exemple le Cameroun représentait le deuxième client de la France en Afrique subsaharienne derrière la Côte d’Ivoire ; le pays de Paul BIYA se situait ainsi au 55e rang mondial des clients de la France et au 69e rang des fournisseurs.
On ne saurait une fois de plus terminer cette partie sans déplorer le nombre de morts qu’a enregistré le Cameroun au lendemain de l’indépendance suite aux affrontements entre le nouveau pouvoir et certains nationalistes qui contestaient la légitimité de ce régime, une lutte dans laquelle la France soutenait à visage découvert un des protagonistes à travers « les accords de défense ».
II-Les jeunes camerounais comprennent bien la France !
De par son statut d’ancien pays « colonisateur » du Cameroun, la France représente pour de nombreux jeunes camerounais un EL DORADO incontesté, surtout qu’elle est depuis de longues dates la première destination des jeunes camerounais désirant poursuivre des études supérieures en occident. Cependant, bien qu’il n’existe pas encore de statistiques fiables, on a pas forcement besoin d’être politologue, sociologue, juriste et autre pour constater qu’on assiste ce jour à un rejet massif de la politique Française vis-à-vis du Cameroun dans les milieux jeunes du Cameroun ; pour ne prendre qu’un exemple très banal, le championnat Français et l’équipe nationale française de football qui jadis faisaient la fierté de nombreux jeunes camerounais ne semblent plus rien dire à ceux-ci malgré la large médiatisation dont font l’objet ces événements de la part des organes français, contrairement aux autres championnats européens qui passionnent tellement la génération actuelle.
Sans toute fois associer la position de la jeunesse camerounaise à celle du Gabon ou de la Côte d’Ivoire très hostile à la politique du pays de Nicolas Sarkozy, il ne serait jamais risquant de dire que les jeunes camerounais apprécient très mal la politique Française en Afrique en général et au Cameroun en particulier. Tout ceci à cause de l’ingérence dont est souvent coupable la France et surtout de l’inobjectivité et la stérilité de leurs différentes aides au développement. D’ailleurs, plusieurs jeunes camerounais pensent et soutiennent même que c’est le palais de l’Elysée qui choisit en dernier ressort la plupart des dirigeants d’Afrique Francophone ; pour d’autres, la misère que vit le Cameroun aujourd’hui découle de la longue coopération qui existe depuis des lustres entre la France et le Cameroun.
Il est vrai que l’Etat français a initié à son niveau un certain nombre d’initiatives à l’endroit de la jeunesse camerounaise à l’instar du projet MOJAS (mobilisation des jeunes par l’animation sportive) qui visait à offrir aux jeunes défavorisés des quartiers de Yaoundé et de Douala la possibilité de s’investir dans une occupation « responsabilisante » et du fameux projet JEVAIS (Jeunesse et Vie Associative pour l’Insertion Sociale) qui avait quant à elle pour finalité de contribuer à l’accès à la citoyenneté de la Jeunesse Camerounaise et à son intégration sociale à travers la vie associative et la formation centrée sur l’insertion professionnelle, qui à leur terme n’ont pratiquement rien donné à la jeunesse camerounaise. L’hostilité des jeunes camerounais à l’égard de la France s’est davantage amplifiée ces dernières années avec la méchante politique de Monsieur SARKOZY axée sur « l’immigration choisie » : le tri des bonnes graines !
La jeunesse camerounaise qui se veut une jeunesse intelligente et responsable comprend et même très bien la France, cependant constate aussi que ce grand père, sciemment ou inconsciemment, ne souhaite pas le bien du Cameroun encore moins de la jeunesse de ce dernier.
Conclusion générale
Contrairement aux coopérations SINO et NIPPO-Camerounaise qui ont abouti sur des réalisations concrètes, légitimes, perceptibles et salutaires (construction de plusieurs écoles primaires, d’un palais de congrès et d’un palais des sports), la coopération Franco-camerounaise semble depuis ses premières heures improductive, très déséquilibrée, et beaucoup plus penchée vers le côté de la France. Même le Canada qui en réalité, comparativement à la France ne tire pas grand-chose du Cameroun, a laissé des traces indélébiles de sa coopération avec le Cameroun, notamment en construisant dans les villes de Yaoundé, Sangmélima et Bafoussam des lycées techniques ultra modernes.
Il est certes vrai qu’il n’est jamais trop tard pour se rattraper ; mais, dans un monde où la coopération internationale prend très vite les allures d’une lutte d’intérêt entre les Etats, la France gagnerait à assainir et à exorciser sa politique de coopération avec le Cameroun, en s’efforçant d’éviter de s’ingérer dans les affaires intérieures, en optant pour des réalisations sur le terrain et non dans les documents ou les bureaux, et surtout en posant à l’endroit de la jeunesse des actes concrets et non des projets du genre MOJAS et JEVAIS qui en réalité apportent beaucoup à certaines personnes mais pas aux personnes vraiment concernées même.