"Le fait que moins de quatre millions d'Irlandais puissent faire avaler ça à un demi-milliard de citoyens européens qui n'ont pas pu dire un mot (…) est en lui-même antidémocratique", constate Declan Ganley, homme d'affaires animateur du groupe de réflexion Libertas, qui milite en faveur du Non au traité de Lisbonne.

Une évidence que nous n'avons cessé de dénoncer (voir notre rubrique Traité de Lisbonne : la forfaiture) : la classe politique européenne, en phase avec les milieux d'affaires et avec la complicité des médias dominants, impose aux peuples une Europe ultralibérale, militariste et atlantiste, sans surtout leur permettre de donner leur avis. Consultés par référendum sur le projet de Traité constitutionnel en 2005, les Français et les Hollandais avaient répondu non. Alors pas question de renouveler la même erreur ! […/…]

On nous a concocté une copie conforme du texte rejeté, illisible pour éviter que cela ne se voit trop, et les pays de l'Union européenne la ratifient les uns après les autres par la voie parlementaire. Seul un Etat va recourir au référendum, obligé qu'il y est par sa Constitution : il s'agit donc de la petite Irlande, dont les citoyens vont se prononcer jeudi. Le camp du Oui est inquiet : malgré les manoeuvres du gouvernement irlandais pour manipuler le scrutin et en dissimuler les enjeux (dénoncées dans notre billet du 12 mai dernier), le scrutin ireland nos'annonce très indécis.

Un sondage publié vendredi a donné, pour la première fois, le Non en tête. Un autre révélé dimanche inverse ce pronostic mais confirme la progression du rejet du traité dans les intentions de vote. Si le Oui l'emporte, "un demi-milliard de citoyens européens" n'auront qu'à "avaler ça", comme dit Ganley. Si c'est le Non qui gagne, l'UE sera forcée de retirer son texte et de reprendre les négociations. Si bien que nous lançons un appel à nos camarades irlandais : please, save the european democracy, vote No !

PS : "Si l'Europe reste la seule affaire des responsables politiques et économiques, sans devenir la grande affaire des peuples, reconnaissons que l'Europe sera, à plus ou moins brève échéance, vouée à l'échec. Bien sûr, l'Europe doit être au service des peuples, chacun peut le comprendre. Mais l'Europe ne peut se construire sans les peuples, parce que l'Europe, c'est le partage consenti d'une souveraineté et la souveraineté, c'est le peuple. A chaque grande étape de l'intégration Européenne, il faut donc solliciter l'avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple. Si nous croyons au projet Européen comme j'y crois, alors nous ne devons pas craindre la confrontation populaire. Si nous n'expliquons pas, si nous ne convainquons pas, alors comment s'étonner du fossé qui risque de s'amplifier chaque jour davantage entre la Communauté européenne et la communauté nationale ?" : Nicolas Sarkozy, le 9 mai 2004 (vidéo ici).

Olivier Bonnet est journaliste indépendant, blogueur de Plume de presse et auteur de Sarkozy, la grande manipulation (Editions Les points sur les i, mai 2008).