Dimanche, les Belges votent. Les nationalistes flamands sont annoncés victorieux. Certains Wallons demandent le rattachement de la Wallonie à la Flandre depuis plus de 15 ans. Le 10 juillet 1996, le rattachement de la Wallonie à la France suscitait pour la première fois l’attention entière de la Chambre des Représentants. En effet, c’est à ce moment précis de la vie politique belge, lorsque les députés planchaient sur un projet de loi-cadre ayant attrait à la réforme de la sécurité sociale, que certains élus flamands issus des rangs du VLD (libéraux flamands) et de la Volksunie chantèrent leur sempiternelle rengaine de la « Wallonie boulet pour la Flandre » et ce, sur l’air de la communautarisation de la sécurité sociale. Air connu. Ce qui provoqua l’ire de Claude Eerdekens, le chef de file des socialistes francophones à la Chambre, qui déclara qu’une partie de l’opinion flamande était atteinte du syndrome de Karadzic et de Mladic. Fustigeant ceux qui voulaient scinder la sécurité sociale et ainsi, mener au séparatisme, le bouillant bourgmestre d’Andenne annonça que « maintenant, demain ou après l’an 2000, le PS refusera la communautarisation de la sécurité sociale et si une majorité de Flamands pensent ainsi, alors les heures de ce pays sont comptées. (…) Car nous, Wallons, sommes fiers de nous trouver à côté d’un grand pays comme la France. Si vous voulez que la France se trouve aux portes de Bruxelles, alors, allez-y » L’émoi fut grand dans une presse et une opinion publique peu habituées à pareil langage.

Pourtant, le rattachisme, cet irritant néologisme, n’est pas à proprement parler une idée neuve. Dès, le début de l’Etat belge, il a cahoté, agité, ébranlé certains cœurs et esprits wallons qui magnifiaient une France perdue en 1815. Aujourd’hui, c’est le nationalisme flamand qui, par ces excès et ses dérives, a poussé bon nombre de Wallons dans les bras de Marianne. Car l’illusion d’une Belgique perdurant dans ses structures francophones du début est morte au fur et à mesure des revendications flamandes. Revendications qui, rappelons le, étaient au départ motivées par l’exigence de pouvoir parler la langue flamande dans les tribunaux, les administrations, les écoles et les universités. Quoi de plus légitime ? Mais aujourd’hui, le désir d’autonomie est plus économique que culturel. Un nationalisme de nantis comme le qualifiait Bernard Remiche dans les colonnes du Monde Diplomatique. Cependant, l’idée du rattachement de la Wallonie à la France qui est, somme toutes, une forme élaborée de séparatisme, ne s’attire pas que des sympathies. Et écrire cela, c’est presque faire un pléonasme. En effet, il existe en Belgique des forces centripètes qui militent pour le maintien du royaume dans ses structures fédérales actuelles, voire pour un retour vers le passé, vers l’unitarisme. Leurs motivations sont diverses. Mais surtout, elles sont caractérisées, comme dans le cas de la marche blanche ou du décès du roi Baudouin, par une mystification à caractère émotionnel des événements. « Dès qu’un sentiment s’exagère, la faculté de raisonner disparaît », écrivait Gustave Le Bon dans Hier et Demain. La Belgique, c’est aussi ça, même si le séparatisme a un coût qui, si l’on en croit les experts du groupe Coudenberg, serait économiquement dur pour la région wallonne. Des arguments de cœur, d’autres de raison.