Rapport Nemtsov : et la montagne accoucha d’une souris

 Le fameux rapport

tant attendu de l’opposant russe Boris Nemtsov assassiné le 27 février 2015 a enfin vu

le jour. Selon l’opposition c’est bien ce rapport qui fut la raison de son assassinat.

Hélas, le lecteur non seulement n’y trouvera rien de nouveau mais même pire, il y trouvera

les vieilles casseroles de la propagande ukrainienne telles que l’histoire du Boeing abattu

par un Bouk russe, ou encore l’histoire du bus explosé à Volnovakha par les séparatistes

tandis que le rapport de l’OSCE accuse très clairement l’armée de Kiev. Rien que ces deux

faits repris par l’opposition ne peuvent que discréditer le sérieux du travail effectué.

Ce rapport publié sur le site du journal d’opposition « Ekho Moskvy » (Echo de Moscou)

comprend 11 chapitres et 64 pages illustrées d’une manière quelque peu abusive. Il

commence par cette citation tirée des propos de B. Nemtsov : « La tâche actuelle de

l’opposition c’est l’éducation et la vérité. La vérité est que Poutine représente la guerre

et la crise ». Pourtant, la Russie ne participe à aucun conflit majeur depuis un bon

bout de temps…

 

Le premier chapitre intitulé « Pourquoi Poutine a-t-il besoin de cette guerre ? » explique

tout bonnement que Poutine avait besoin de la guerre contre l’Ukraine pour remonter

sa cote de popularité. De la guerre contre l’Ukraine ? Cette affirmation mériterait au

moins d’être un peu plus développée car, par exemple, notre presse parle d’une guerre

civile : «L’Ukraine est en guerre civile entre, d’un côté, le gouvernement de Kiev,

soutenu par l’Occident, et de l’autre, les séparatistes pro-russes de l’Est du

pays, soutenus par Moscou. »  Mais les auteurs préfèrent reprendre la rhétorique

officielle de Kiev sans trop y réfléchir. Tel sera le leitmotiv de ce rapport.  D’autre part,

avec les arguments pareils on peut aller très loin et arriver, par exemple, à la conclusion

que « le maïdan » a été financé et organisé par Poutine dans le but de rattacher la Crimée

à la Russie et augmenter de la sorte sa cote de popularité. Ne riez pas, cette théorie a

cours en Ukraine ! La fin de ce chapitre est encore plus aberrant. Les auteurs disent que

tout cela pourrait finir très mal, que la popularité de Poutine risque de retomber et

que lui-même risque de se trouver au Tribunal pénal international ni plus ni moins.

Rêver n’est pas interdit…

 

Le chapitre 2 intitulé « Mensonge et propagande » est tout aussi décevant et met en

évidence les mensonges et la propagande des auteurs du rapport eux-mêmes qui s’appuient

sur quelques bavures télévisées bien connues pour expliquer que le nazisme en Ukraine

actuelle ne relève que de la propagande du Kremlin. Pourtant, dès que nos médias

font un reportage sur une militante Ukrainienne, ils tombent comme par hasard sur

une nazie.

Le chapitre 3 «Comment a-t-on pris la Crimée » est totalement superflu car il ne nous

apprendra rien de plus sur la question et ne reprendra que le refrain habituel : « Avant

Poutine disait ceci, et après il a dit cela ». Mais surtout, les auteurs du rapport non

seulement ne contestent point la véracité du documentaire intitulé « Crimée : retour 

à la Patrie» mais ils le citent. Or, ce documentaire de 2h25 raconte en détail ce qui s’est

réellement passé en Crimée et en Ukraine. http://www.les-crises.fr/video-crimee-retour-a-la-patrie/


Arrivé au chapitre 8 intitulé « Qui a abattu le Boeing ? » le lecteur connaît déjà

la réponse. C’est encore la faute à Poutine. Et pourtant, les auteurs prétendent

avoir effectué une enquête. En réalité, il ne s’agit que d’une des versions des faits

que l’on connaît déjà et qui oublie l’existence d’un passager avec un masque à oxygène sur le visage et un morceau de fuselage criblé de projectiles. Par ailleurs,

on attend toujours la publication des enregistrements des boîtes noires

soigneusement remises par les séparatistes entre les mains de vrais

enquêteurs. Notons au passage qu’il existe actuellement 4 versions de faits :

1. Boeing abattu par les séparatistes qui ne savaient pas utiliser un Bouk russe (première version de Kiev et celle du rapport) ;

2. Boeing abattu par un avion militaire ukrainien (enquête russe) ;

3. Boeing abattu par un Bouk russe arrivé du territoire russe et reparti ensuite (dernière version de Kiev);

4. Boeing abattu par un Bouk ukrainien (version des internautes suite à la publication par les médias ukrainiens des images de Bouks ukrainiens présents dans la région qu’il passaient pour des Bouks russes).

Mais même si l’on suit la version de l’opposition, la responsabilité de Kiev qui a permis l’utilisation de l’aviation pour bombarder les civils est indéniable. (La première cible des bombardements fut le centre de Lougansk). Mais visiblement, les auteurs de ce rapport considèrent cela tout à fait normal et légitime…

Le chapitre 9 pose une autre question à laquelle on connaît déjà la réponse : « Qui dirige le Donbass ? » 

Bien entendu, il s’agit du Kremlin ! Ainsi, le fait que ce n’est qu’après l’intervention de Sourkov que

les accords de Minsk ont été signés par les représentants des républiques séparatistes atteste cette thèse

de l’opposition. Les raccourcis aussi simplistes des auteurs ne peuvent que laisser perplexe un lecteur

quelque peu averti qui sait, par exemple, qu’entre les deux entités séparatistes il n’y pas vraiment

d’entente (il y a une frontière, une douane, etc.) Par ailleurs, les auteurs eux-mêmes parlent du chaos

qui règne dans ces deux entités – toujours faute à Poutine – ce qui prouve justement l’absence du

contrôle russe. Les autorités locales peinent à y instaurer l’ordre et encore, d’après certains

témoignages (de Tatiana Montian, par exemple) il y a plus de sécurité à Lougansk qu’à Kiev…

Le chapitre 10 traite de la catastrophe humanitaire à Donbass. Celui qui en est responsable c’est

encore Poutine bien entendu. Et pourtant, ce ne sont pas les troupes russes qui bombardent les villes

et les villages du Donbass et massacrent les civils au nom de l’unité de l’Ukraine. La position occupée

par les auteurs du rapport est donc très peu compréhensible. De plus, c’est bien dans ce chapitre que l’opposition parle du fameux bus de Volnovakha et donne par conséquent encore une information

totalement fausse.

Le dernier chapitre parle d’argent et s’intitule « Combien coûte la guerre contre l’Ukraine ». Malheureusement, les seuls chiffres tangibles présentés par les auteurs ne concernent que le

coût du rattachement de la Crimée à la Russie (et encore…) et le coût de l’inflation. Mais ce n’est

pas un scoop.

Ce sont les chiffres tout à fait officiels. Par contre, les chiffres en ce qui concerne la présence militaire

russe au Donbass n’est que la reprise des paroles de Porochenko à Munich. L’opposition n’a donc

rien fait pour les vérifier. La locution « selon nos estimations » suffit. Mais là encore, les auteurs

n’hésitent pas à insérer de la fausse information et en grands caractères. Ils parlent de la réduction

des pensions des Russes pour payer les pensionnés de la Crimée. Or c’est bien l’Ukraine qui devra

le faire… La Russie ne paiera que la différence.

En ce qui concerne les dépenses liées à l’entretien de l’équipement militaire ou à l’équipement et aux honoraires des volontaires, les auteurs du rapport les attribuent entièrement au budget fédéral.

Or, on sait très bien que c’est faux. Par conséquent, on doit encore et encore constater un manque

de sérieux.

                                    

Et enfin, on arrive aux chapitres les plus attendus par le public (de 4 à 7). Ces chapitres concernent la participation des forces militaires russes aux combats sur le territoire ukrainien. Et de nouveau, le

lecteur qui s’intéresse aux événements sera très déçu. Le rapport ne fait que regrouper les témoignages

et les images que l’on déjà vus et entendus sans oublier d’y insérer quelque mensonges. Ainsi, les

auteurs affirment que le 15 août 2014 le premier ministre de la DNR A. Zakhartchenko « a déclaré

en public que le rôle décisif lors de la contre-offensive avait été joué par le renfort venu de Russie… »

et donnent un lien vers une vidéo mise en ligne sur YouTube. Hélas, sur la vidéo en question

Zakhartchenko ne dit rien de tel.

Le rapport évoque également les interrogatoires des militaires russes prisonniers de l’armée ukrainienne.

Les interrogatoires sont filmés et donc les auteurs du rapport prennent ces « témoignages » pour

de l’argent comptant ce qui relève soit de la stupidité, soit de la manipulation. Pourtant, la seule

conclusion que l’on puisse en tirer c’est que tous ces soldats n’ont jamais combattu contre l’armée ukrainienne et se sont trouvés sur le territoire ukrainien lors des manœuvres militaires.

En ce qui concerne les 220 militaires russes tués, rien ne nous indique qu’il s’agit réellement

des troupes régulières. Et si les familles des victimes ne protestent pas et n’intentent pas de

procès contre l’Etat c’est qu’elles seraient soudoyées ou menacées.

 

Bref, tout cela indique assez clairement que le prétendu rapport Nemtsov n’a sans doute jamais existé. L’unique témoignage écrit fourni par l’opposition est une notice (voir l’image ci-dessus) avec

l’inscription suivante : «Les paras d’Ivanovo m’ont contacté. 17 morts. /illisible/ mais pour le moment

ils ont peur de parler ». C’est donc un peu maigre. Tout le reste n’est qu’un ramassis de ce qui a déjà été publié sur Internet (il suffit de consulter la liste de références) et quelques fausses informations en plus.

 

Encore quelques liens traitant du même sujet:

 

http://www.courrierinternational.com/article/russie-que-prouve-le-rapport-nemtsov-sur-le-donbass

http://www.levif.be/actualite/international/le-rapport-nemtsov-le-document-qui-revele-les-manoeuvres-guerrieres-de-poutine/article-normal-394987.html

http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/05/15/paypal-bloque-la-collecte-d-argent-pour-le-rapport-nemtsov_4634265_3214.html

http://www.france24.com/fr/20150512-enquete-posthume-boris-nemtsov-prouve-ingerence-militaire-russe-ukraine  http://fr.rbth.com/ps/2015/05/14/conflit_ukrainien_le_rapport_de_nemtsov_qui_accuse_la_russie_devoile_33647.html