Rafale indiens : et l’argent… et la Suisse ?

Cette fois, on pourrait y croire, et David Cameron, le Premier ministre britannique, pourrait ne plus croire aux chances indiennes de l’Eurofighter Typhoon face au Rafale de Dassault. Selon une source « haut placée » du ministère de la Défense indien, The Times of India donne le contrat irréversible. Cela ne suffira peut-être pas à faire réviser le contrat suisse d’achat de chasseurs Gripen suédois, mais Dassault s’y emploiera dans de meilleures conditions.

Tsss… tsss… Lorsque j’avais fait état des réactions au Royaume-Uni à l’acquisition prévue par l’Inde du Rafale, des « spécialistes » s’étaient insurgés : je racontais n’importe quoi !
Que non, puisque BAE Systems, par la voix de son Pdg, Ian King, avait bel et bien affirmé qu’après concertation avec les autres membres du consortium européen Eurofighter (allemand, italien, espagnol, EADS, Finmeccanica…), il envisageait sérieusement un retour dans le contrat indien, avec une offre plus avantageuse pour l’acquéreur…

En vain, selon l’édition de ce jour du Times of India. Incidemment, cela pourrait remettre en question la manière dont le Royaume-Uni envisage sa coopération générale avec l’Inde qui considère que l’aide britannique s’apparente à une forme de colonialisme. Cela devrait aussi faire réfléchir l’ensemble des pays européens engagés dans des programmes de coopération avec d’autres pays ex-émergents ou d’autres, mais nos « spécialistes » n’ont aucun intérêt apparent pour ce type de considération.

L’Eurofighter a-t-il été plombé par le British Council (l’équivalent de nos Instituts culturels et de l’Alliance française) et la manière avec laquelle le Foreign office envisage les échanges avec l’Inde ? Ce n’est certes qu’une incidente, mais il est intéressant de noter que l’Inde, qui s’envisage en tant que « future plus grande puissance économique au monde » (propos rapportés par The Telegraph), a opté, définitivement peut-on à présent estimer, pour le Rafale.

Meilleurs coûts globaux

Les critères de coûts, d’acquisition initiale, et « définitifs » (soit tout au long du maintien en service des appareils) auraient prédominé, le Typhoon étant jusqu’à un cinquième plus cher. En sus des qualités techniques comparées plaidant pour le Rafale, cet élément, ainsi que les transferts technologiques devant bénéficier à Hindustan Aeronautics, aura donc été déterminant.

Le contrat devrait être définitivement signé fin octobre ou début décembre, et il est réaffirmé que le Grippen ne convenait pas à l’armée de l’air indienne. Notamment en raison des coûts de son cycle de vie qui auraient été très soigneusement calculés pour déterminer le mieux disant. Le contrat initial pourrait être prolongé (la construction, en Inde, mais sans doute avec des apports de Dassaut, de 126 Rafale, pourrait être prolongée afin de doter l’armée de l’air indienne de 63 chasseurs supplémentaires). Mais l’Inde sera aussi équipée à l’avenir d’un appareil nouveau, construit en coopération avec la Russie (de 250 à 300 exemplaires envisagés).

Fort de ce succès annoncé, Dassault voudrait remettre en question la commande par la Suisse de 22 Gripen pour 3,1 milliards de francs suisses et il est paradoxalement appuyé par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA). La requête de ce groupe, datée du 9 février, a été transmise à Armasuisse. Ulrich Appenzeller, chef de l’armement helvète, devra se prononcer « sous une vingtaine de jours », a commenté le département confédéral de la Défense.

Markux Gygax, rapporte Romandie (.com), chef des Forces aériennes, a fait valoir que les coûts d’exploitation et d’entretien du Gripen suédois étaient inférieurs à ceux du Typhoon et du Rafale. Les comptables indiens en ont décidé autrement. Le Gripen était arrivé techniquement troisième derrière ses deux concurrents. Dassaut propose un prix global inférieur à celui des Suédois, mais pour 18 Rafale contre 22 Gripen. Rien n’est joué puisque, d’une part, les Suisses, dans leur majorité, ne voient pas pourquoi la Suisse devrait renouveler sa chasse aérienne et que d’autre part, Saab s’est prononcé pour une baisse du prix de ses appareils. Le prix des 22 Gripen pourrait descendre en-dessous de l’offre pour les 18 Rafale. Le contrat serait garanti tant par Saab que par l’État suédois.

 

Un second contrat serait une double bonne nouvelle. Pour Dassault Aviation, certes. Mais peut-être aussi pour le budget de l’État français. Si le plan de charge de Dassault est assuré par des exportations, l’Armée de l’air française pourrait sans doute renégocier quelques coûts. Elle est dotée de 104 Rafale, en attend 286. La France a pour l’instant comblé les déficits dus à l’absence de vente à l’export. Mais ce qui serait « farce », c’est que partie des futurs appareils livrés à la France soient partiellement construits en… Inde.

Car si, cerise sur le gâteau, Dassault emportait aussi une vente de 60 appareils aux Émirats arabes unis, il lui faudra faire face à une demande qui pourrait être accrue par l’effet d’entraînement. Les « spécialistes » estimeront sans doute totalement farfelu que Dassault envisage de construire ou d’assembler quelques Rafale à… Tanger. Là où Renault formera bientôt des personnels qualifiés et sans doute « recyclables ». 

Avouons-le humblement : personne ne peut le prédire et l’évoquer revient à rédiger « pour Google » (et ainsi s’attirer les critiques des « spécialistes » qui, autrement peut-être, ne prendraient pas la peine de s’intéresser à ce que peut écrire un généraliste énonçant n’importe quoi). Cela étant, les mêmes, voici, allez, mettons au siècle dernier, auraient-ils envisagé des transferts de technologie entre les industries de la défense française et la… Russie ? Ce qui est actuellement le cas pour la marine de guerre. Personnellement, à l’époque, il ne me souvient pas d’avoir lu de telles prospectives dans la prose des spécialistes.

Pour le moment, réjouissons-nous. Dassault aura peut-être l’argent, et les Suisses… En tout cas, pour l’Inde, il semble bien que la messe soit dite.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !