Je n’ai pas voulu réagir à chaud à la chronique inaugurale d’hier de Rachida Dati dans Le Huffington Post. Gentillet. Pour un peu, on se dit que si, comme Rama Yade, prête à tout pour une circonscription, Rachida continue sur ce ton-là, elle finira par solliciter l’investiture de Bayrou. Sa version « des mots pour le dire », et donc se dire, vaut le détour. Elle aussi aurait gagné d’attendre les déclarations de Sarkozy sur son boulot de dans quelques mois et les classes moyennes. Petite fille de Français très moyen, Rachida nous fait sa Sheila.
C’est une môman toute simple, Rachida. Elle prodigue des conseils de bon sens aux candidats à la présidentielle. Bon, cela finit mal, avec ce Sarkozy, « le seul à sentir nos préoccupations ».
C’est vrai qu’elle a raison.
Après son quinquennat, on se demande bien comment faire du pognon. Comment trouver un emploi, comment ne pas laisser ses maigres éconocroques se faire éroder par l’inflation réelle et la TVA. Contrairement à lui, toutefois, on se balance pas mal de la progressivité des tarifs de l’eau (on prend déjà moins de douches), du gaz (on ramène de la salade, on s’est mis aux pâtes al dente), et de l’électricité (on a récupéré des miroirs dans la rue pour en mettre du sol au plafond, histoire de bien recharger le téléphone au solaire).
Elle aurait franchement dû attendre le discours de Sarkozy à Cayenne, qui restera autant que celui de Dakar dans les mémoires.
Sarkozy va-t-il sauver la soldate Dati ?
Elle y croit encore, qu’il va l’aider à « faire vivre sa vérité », à elle, Rachida.
Chut, ne dites pas…
Rachida explique aux candidats (tiens, aurait-elle oublié les candidates ?) comment dire un linceul en Lorraine et une bière en Alsace. Ainsi il ne faut pas dire « assistés », surtout si le vocable est accouplé à l’expression « cancer de la société ». Dire plutôt qu’il faut aider les plus démunis courageux aux dépens des miséreux fainéants, cela passe mieux.
Il faut aussi éviter la rhétorique « je n’aime pas les riches ». Regardez Rachida. Partie de rien, loin d’être revenue de tout, elle crée des emplois de nounous et de personnel de maison. Pour que tout le monde ait sa chance, elle en change sans doute souvent, comme dans ses ministères. Histoire de faire tourner les emplois précaires. Du travail pour tous, mais flexible, pas forcément tout le temps… Elle aussi produit « de la richesse pour tous », pour les employées de L’Oréal, des Italiennes dans la mouise de Soldé & Chabada, &c. Un gros tas pour sa pomme, quelques gouttes qui dégoulinent sur la tête des autres, qui en redistribuent au passage jusqu’au bas de l’échelle sociale. Air connu.
Il faut « un projet pour tous ». Et toutes. Au moins un strapontin d’élu et dans un conseil d’administration. Un petit quelque chose dans un comité bidule pour pouvoir glisser discrètement des macarons et des canapés dans son cabas Tati doublé plastique.
Solidarité, mes sœurs…
Rachida a le sens de la famille, d’ailleurs, elle l’a bien prouvé avec la sienne, même si tel ou tel frère, quelque peu ingrat, aurait préféré être le frangin de Fadela Amara. La solidarité à la Rachida, c’est par exemple « des parents qui aident leurs enfants au chômage, des enfants qui s’occupent de leurs parents âgés… ». En cotisant pour eux aux assurances perte d’emploi et aux mutuelles pour leur santé. « On ne doit ni faire, ni donner l’impression que l’on fait des économies sur le dos des familles qui sont un espace de solidarité indispensable. ». On a compris qu’elle y tient, à sa demi-part d’imposition due à sa fille. D’ailleurs, elle prendrait bien toute sa famille à sa charge. Pas touche à mon quotient familial.
Mais dire…
Oui, surtout dire qu’on veut « moraliser le capital financier ». En particulier celui de ses amis, les Chalendon, par exemple. D’ailleurs, ils étaient précurseurs, avec les frères Chaumet, les joailliers. Rachida, avec Sarkozy, agit, « alors que les autres parlent », sur la taxe sur les transactions financières. Peut-être pas pour ce grand soir, mais au moins pour après-demain.
Comme Rachida le dit si bien, « un discours peut parfois dépasser la pensée ». Et même l’arrière-pensée, d’ailleurs. Rachida, elle, saura nous faire rêver, « les dés sont lancés, il ne s’arrêteront qu’au soir du deuxième tour. ». Des législatives ? Rachida va-t-elle dépasser le premier ?
Au menu de l’Huffington, une autre chronique, sur la taxe Tobin, feignant de s’étonner à quel point Sarkozy a pu changer d’avis sur le sujet. Deux feuillets à droite, deux feuillets à gauche, et la pub pour L’Oréal sera agréablement équilibrée.
N’oubliez pas de vous régaler avec les commentaires. Ainsi la réplique d’une ou d’un Bege75 (BCB Beige ?) à un huffingtonposteur qui considérait que Rachida faisait un peu tache (voire tâcheronne) aux côtés d’un Nicolas Bedos ou d’un Guy Carcassonne : « Qui êtes-vous pour vous permettre un tel jugement sur l’article vérité de Mme Dati (…) ? ». Louise 75 salue en Rachida « une visionnaire », rien de moins. Pour Eams, c’est un exemple pour la jeunesse (et en sus, elle est décorative). Georgoharisso57 attend d’elle qu’elle fasse contrepoids à l’administrateur du site (« qui est of course à gauche », si, évidemment, comme Anne Sinclair, cela va tellement de soi). Yves 51 la voit en « bosseuse discrète ». Pourquoi pas besogneuse effacée, pendant qu’il y est ? Vibrante européenne, de surcroît ?
Bon, 54 « personnes aiment ça ». 46 sur Facebook, 2 seulement sur Google Plus. Les autres ont twitté ou envoyé. Beaucoup mieux que pour le papier de Christophe Girard, adjoint au maire de Paris pour la Culture (donc, à priori, PS ?). Mieux que pour celui de Julien Dray.
Par rapport au défunt Post ou à Libération, l’Huffington a renoncé à faire deviner l’auteur de telle ou telle citation. Qui a dit : « Je déteste Copé parce qu’il n’est intéressé que par lui même, que par sa propre ambition, d’ailleurs on le voit bien dans cette campagne pré-électorale… ». Là, on sait tout de suite que c’est de Dominique Paillé, de l’UMP, débarqué de son poste de secrétaire maréchal en second. Lui, il veut un siège de député des Français de l’étranger. Contre quoi ? Et Dati, elle veut quoi contre quoi ? C’était le plus intéressant, elle nous l’a épargné, dommage… À part cela, vraiment trop trognonne, la Rachida, j’en redemande.