Quelques heures de printemps…

 «Quelques heures de printemps», le film bouleversant de Stéphane Brizé décrit avec brio toute la douleur, la solitude, la violence que peut générer l‘insurmontable infirmité qu‘incarne l‘incommunicabilité entre un fils et une mère à fortiori en fin de vie. 

Tourné quasiment en plans-séquences, dépouillés, sobres sur fond de bribes de phrases, le langage du silence, du regard, des tics du visage, comme celui du corps s’avèrent si éloquents dans le film. 

Au terme d’une assez longue incarcération pour trafic de drogues, Alain Evrard (Vincent Lindon) réduit à l’état d’un pauvre chômeur, s’en revient contraint et forcé au giron maternel. Là, il retrouve une mère, Yvette, (Hélène Vincent), avec laquelle les rapports furent très tendus et le temps n’ayant pu cicatriser les béantes plaies saignantes, la rencontre entre ces deux êtres si proches ne peut qu’être hautement explosive. 

Même après avoir déniché dans un tiroir du buffet de la salle à manger le document, sans doute mis sciemment sous son nez comme un appel au secours et dans lequel il est mention de la volonté de la mère condamnée de subir en Suisse un suicide assisté, le fils ne parvient à se défaire de son armature et persévère dans le mutisme forcené qui est le sien, source de violence parfois absolument terrifiante ! 

Quant à Yvette, presque toujours fidèle à son chignon gris, à sa blouse bleue, à défaut d’expurger l’incurable mal qui la mine, elle livre silencieusement, à corps perdu, un bien âpre combat contre toute forme de saleté extérieure, se frottant vigoureusement de son gant le visage, astiquant sans relâche sol, cuisine, coins et recoins puis repassant méticuleusement son linge avant de bien l‘empiler. 

Elle classe tout  inlassablement, le géant puzzle, les photos jaunies, les pots de confiture aussi qu’elle concocte avec amour dont ceux destinés à son si attachant voisin, unique personnage apte à lui offrir avec une infinie délicatesse quelques heures de printemps. La programmation de sa mort connaît le même sort. 

D’ailleurs un aperçu des plus glaçants de «l’assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité», une des promesses phare du président Hollande nous est donné lors du passage des représentants de l’association suisse venus en discuter autour de la table de la salle à manger, obéissant bien scrupuleusement à une impeccable stratégie de communication, dépourvue de toute spontanéité. Un peu comme lorsque des agents d’une agence immobilière ou autre, férus de marketing, viennent vendre leurs services. 

D’habitude je garde en mémoire la musique de tout film mais cette fois-ci, j’ai comme l’impression de ne l’avoir même pas entendue tant était pesante, la lourdeur du silence, tant étaient grinçants les grattements de cuillère quand Yvette raclait soigneusement le fond de son pot de yaourt et tant était pénible le suspense par rapport à l‘évolution de cette relation délabrée… 

Fortement condamné par les religions monothéistes, le suicide va à l’encontre de la souveraineté de Dieu mais comment en vouloir à une créature si démunie dans sa désespérante solitude et qui démissionne de la vie un peu avant l’heure, dans un monde qui de jour en jour se matérialise, se déshumanise, s’aseptise. Et de plus en plus…

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5 réflexions sur « Quelques heures de printemps… »

  1. [b]Chère Coquelicot,

    J’ai vu ce film, ce dimanche.

    J’ai d’ailleurs commenté « à chaud »,le soir même, l’article qui signait mon retour sur C4N, après 2 mois d’absence au chevet de mon époux, qui demandait à mourir dignement, alors qu’il était déjà en soins palliatifs.

    Tellement émue parce que j’avais vu que je me suis même trompée dans le titre du film.

    [url]http://www.come4news.com/soins-palliatifs-ou-euthanasie-154529[/url]

    Je recommande ce film à tous ceux qui, comme moi, ne veulent en aucun cas attendre que le coeur veuille bien s’arrêter alors que nous avons avons perdu toutes les fonctions corporelles, qui font de nous un légume.

    TOUTES les fonctions SAUF LA CONSCIENCE de se voir dégrader, chaque jour qui passe.

    SOPHY[/b]

  2. Je ne sais pas comment votre commentaire au sujet du film, Sophy, a pu m’échapper car Dieu sait que je vous suis partout ! Mais bon ça peut arriver.
    Revenons au film que je n’aurais pas vu si on ne me l’avait pas proposé car bien que ce soit un véritable chef d’oeuvre avec cette excellente Hélène Vincent et bien d’autres, je le trouve trop dur. Pas vraiment le meilleur choix pour se changer les idées.
    Il nous renvoie à une série de questionnements auxquels les réponses varient tellement d’une société à une autre car en relation avec plusieurs facteurs. En tout cas, l’humilité s’impose et chacun fait le choix qui lui convient selon ses propres convictions.
    J’ai pensé à vous en regardant le film.
    Je vous embrasse

  3. Chère Coquelicot,

    Vous n’avez rien à regretter, mon commentaire sous les « soins palliatifs ou euthanasie », date du dimanche soir très tard, en rentrant de la projection, c’est aussi pour cela que je me suis trompée dans le titre du film, et j’ai commis également de nombreuses fautes de frappe et d’accords dans ce commentaire, que je n’ai pas eu le courage de supprimer pour le corriger.

    Les amis qui m’accompagnaient me l’ont signalé par mail le lendemain, c’est tout dire !!

    Bien sûr que chacun selon sa FOI, peut refuser cette façon de choisir le moment de sa mort.
    Un ami m’a dit un jour : « Ton corps ne t’appartient pas »
    A méditer….

    Amicalement, Coquelicot

    SOPHY

  4. Juste de peur d’être mal comprise par vous Sophy, même avec la foi un tel choix est possible quand les circonstances deviennent insoutenables, à mon humble avis. Mon approche de la religion est particulière et je pars du principe que Dieu est miséricordieux.
    Amicalement

  5. Sujet important qui ne réclame que soi quand le choix se présente et surtout pas les autres ni des religieux, qui bénissent encore les soldats aux fêtes régulièrement.

    PH

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