Que faut-il penser de « Lost Tomb »?

Le « documentaire » produit par James Cameron, « The lost tomb », a donc bien été diffusé sur TF1. Ce film avait pour objectif de prouver qu’un tombeau, découvert dans les environs de Jérusalem, a contenu les os de Jésus, de Marie-Madeleine et de leur fils, Judas. La découverte du tombeau de Jésus serait un évènement archéologique majeure, pour ne pas dire absolument extraordinaire.

Cependant les preuves avancées dans ce petit reportage ne sont ni convaincantes, ni accréditées par les scientifiques, pour des raisons qui sont apparentes.

Toute l’enquête part du principe que le tombeau en question serait le tombeau familial de Jésus de Nazareth, après la découverte du nom de Jésus, suivi de l’inscription « fils de Joseph » sur un ossuaire, ainsi que des noms gravés de « Maria », « Mariamne », « Mathieu » , ou encore « José », le tout dans ce même tombeau. Il serait pourtant plutôt surprenant, si Jésus avait eu un tombeau familial, que celui-ci se trouve à mi-chemin entre Jérusalem (la vieille ville) et Bethléem. Qu’à cela ne tienne, l’endroit paraît idéal au réalisateur: « si j’étais à la place de Jésus, se dit-il, j’aurais choisi cet endroit, pour que ma famille puisse venir de Jérusalem et de Bethléem ». Il serait pourtant plus que vraisemblable dans ce cas précis que l’emplacement du tombeau soit à Bethléem, mais le réalisateur est convaincu que ce tombeau est celui de Jésus et, fort de cette certitude, trouvera des preuves, attribuant aux frères de Jésus les autres noms du tombeau, sans par ailleurs que la source de ces noms soit fiable, puisque leur existence n’est qu’une hypothèse.

Par ailleurs, le statisticien qui intervient au cours du film, pour chiffrer les probabilités de la présence de tous ces noms ensemble dans un même tombeau n’a qu’un matériau incomplet pour définir des statistiques précises, de nombreuses tombes n’ayant pas été mises à jour, la variation des différents prénoms sur lesquels il se base ne saurait être complète.

Et puis, un signe mystérieux figure sur le fronton du tombeau, un signe un peu curieux, et inconnu en archéologie, un demi triangle, avec un point au milieu. Bien que le signe soit tout à fait inconnu, le réalisateur en déduit aussitôt qu’il s’agit d’un signe chrétien primitif, ce qui semble accréditer sa thèse selon laquelle le tombeau en question est forcément celui de Jésus de Nazareth. Pourquoi un triangle et un cercle ? Et pourquoi ce signe ne serait pas parvenu jusqu’à nous ? Mais le réalisateur a une réponse toute faite : le christianisme a vécu en clandestinité pendant longtemps, donc tous les symboles ne nous sont pas connus. C’est oublier un peu vite qu’au départ les chrétiens prenaient pour signe le poisson, une confusion semblable sera faite plus tard dans le film, à la découverte d’une éraflure rappelant une croix, à une époque où les chrétiens n’utilisaient pas ce symbole, confusion vite rectifiée par des spécialistes.

S’ensuit la découverte d’autres ossuaires datant de la même époque et déjà entreposés dans des hangars qui seront attribués hâtivement à des personnages bibliques, de Simon de Cyrène à Simon-Pierre, duquel il est dit dans le reportage qu’aucun autre emplacement crédible n’est possible (pour la tombe de Saint-Pierre donc). Cette posture s'oppose à la tradition situant cette tombe sous la basilique Saint-Pierre. Cette tradition a été accréditée par des recherches archéologiques, au cours du XXème siècle, qui ont mis au jour un cimetière dans lequel une tombe porte des signes chrétiens, (bien identifiés ceux-là), toute simple et entourée d’autres tombes richement ornées et qui semble placées là par dévotion. La basilique aurait été construite à l’époque romaine au-dessus de la tombe de Saint-Pierre, sur la demande des chrétiens de l’époque, symboliquement, en réfèrence au verset « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise », sur un emplacement qui pourtant n’était pas idéal pour une telle construction. Si l’on ne peut en être sûr à 100%, il est tout de même probable que cette tombe soit bien celle de Pierre, crucifié à Rome, la tête en bas par humilité, selon la tradition toujours.

Le récit nous affirme ensuite qu’un ossuaire du tombeau contenait les restes de Jacques, fils de Joseph et frère de Jésus, tout en admettant que l’inscription « frère de Jésus » pourrait avoir été rajoutée, qu’une tombe portant le nom de « Judas fils de Jésus » fait partie du tombeau, et que Marie-Madeleine (bien que le nom s’y rapportant ne soit que « Mariamne ») serait la femme de Jésus et la mère de Judas, un Judas dissimulé par les disciples pour sa sécurité, afin de n’être pas pris par les Romains et tué comme prince potentiel d’ Israël. Rien n’a jamais accrédité la thèse selon laquelle Jésus aurait été marié avec Marie-Madeleine, dans les évangiles canoniques ou apocryphes, encore moins qu’il ait laissé une descendance. Cette affirmation est séduisante pour un roman tel que le Da Vinci code mais fantaisiste dans un film qui a prétention à être un documentaire sérieux. Nous partons là d’un tombeau qui se veut familial à cause d’une association de noms – plutôt communs à l’époque – pour en arriver à un fils, qui ne figure nulle part auparavant.

On culmine enfin lorsque le réalisateur, ayant pu se rendre dans le tombeau, y découvre un papyrus du livre de Jonas (suivant la coutume de l’époque d’ensevelir les livres sacrés) et soutient que ce live est l'une des principales sources d’enseignement de Jésus et que ces textes anciens portent des secret cachés.

Le livre de Jonas  est résumé sur le site suivant (http://www.bibliques.com/tt/jonas.htm. Si ce livre, qui contiendrait selon le réalisateur un sens caché, était au centre de l’enseignement de Jésus, alors il est surprenant qu’il ne soit cité… que deux fois, et dans deux évangiles différents (Mt 12 :39-40 et Lc 11 :29-30), et uniquement pour dire qu’il ne sera pas donné d’autres signes à la foule, que celui de Jonas. 

D’affirmation péremptoire en affirmation péremptoire, ce petit film est bien fantaisiste par rapport au sujet sérieux dont il traite. Il est regrettable que TF1 se soit lancé dans la diffusion d’un documentaire si léger, en n’invitant à sa suite pour débattre, que le réalisateur et un évêque, négligeant de faire venir un archéologue et un spécialiste des textes de cette époque, par exemple, pour faire revenir un peu de raison à tout cela !

Il est évident que, pour un chrétien, il n’existe pas d'ossuaire de Jésus. Même pour un athée, ce tombeau n’apporte pas suffisamment de preuves crédibles pour attester de la présence des os de Jésus de Nazareth et ce malgré le côté sympathique de l’enthousiasme quasiment juvénile du réalisateur.