Quand Washington donne des arguments à Téhéran

Je pense qu’il est inutile de rappeler au lecteur la mobilisation croissante pour empêcher la lapidation de Sakineh Mohamadi Ashtiani, cette Iranienne de 43 ans qui a été condamnée à mort à Téhéran pour adultère et pour complicité dans le meurtre de son mari.

Teresa Lewis est peut-être moins connue du public, mais cette femme de 41 ans a également été condamnée à mort pour avoir commandité les meurtres de son mari et du fils de ce dernier dans le but, semble-t-il d’empocher les primes d’assurances.

Quelle différence entre ces deux femmes ? Tout simplement, la première se trouve en Iran et doit être exécutée par lapidation, la seconde est américaine et est condamnée à l’injection létale dans l’État de Virginie.

Si la mobilisation est pratiquement mondiale pour sauver Sakineh Mohamadi Ashtiani, l’Américaine bénéficie de beaucoup moins d’appui, même si ses défenseurs arguent que le coefficient intellectuel de Teresa Lewis n’est que de 72 et qu’une personne ayant un Q.I. inférieur à 70 est considérée aux États-Unis comme étant à peu de chose près un malade mental.

Ainsi, si la condamnation de Mohamadi Ashtiani a suscité dans le monde et aux États-Unis une vive émotion, la condamnation de l’Américaine passerait presque inaperçue, ce qui a provoqué l’ire de la commission parlementaire iranienne des Droits de l’Homme qui dénonce le double langage de Washington qui, tout en accusant Téhéran, n’hésite pas à appliquer la peine de mort sur son territoire !

Le porte-parole de la commission iranienne, Hossein Naghavi, a déclaré : « Nous allons déposer une plainte officielle contre les États-Unis auprès de la communauté internationale si la peine est appliquée ; il faut que les États-Unis arrêtent de vouloir obliger les autres à faire ce qu’ils disent, mais pas ce qu’ils font,  pour justifier leur rôle de défenseurs des Droits de l’Homme et critiquer violemment ce qui se passe ailleurs alors qu’ils se comportent de la même manière. »

Hossein Naghavi va même plus loin, soulignant que si les cas de Teresa Lewis et de Sakineh Mohamadi Ashtiani sont similaires, il existe malgré tout une différence importante, c’est que la culpabilité de Sakineh a été entièrement démontrée, alors qu’il reste beaucoup d’ambiguïté et d’incertitudes dans l’affaire Lewis.

« Il est inadmissible », poursuit le porte-parole iranien, « que les États-Unis et les médias américains fassent tout leur possible pour transformer Sakineh en symbole des droits de l’homme, alors que d’un autre côté les organisations de défense des droits de l’homme n’ont jamais pris le parti de Teresa Lewis. »

Il faut cependant précisé que l’accusation de Hossein Naghavi n’est pas tout à fait exacte, car si le cas de Lewis n’a pas été autant médiatisé que celui de l’Iranienne, de nombreuses associations militent aux États-Unis pour empêcher l’exécution de la condamnée et Amnesty International a même rendu public les tests psychologiques de celle-ci.

Amnesty International rappelle également que si l’Iran reste le pays où l’on applique le plus la peine de mort (388 exécutions en 2009), les États-Unis sont classés quatrième dans cette liste funèbre (52 exécutions), derrière l’Irak (12O exécutions) et l’Arabie saoudite (69 peines capitales).

Ainsi, si les États-Unis ont voulu faire la morale à l’Iran en critiquant la lapidation qui est explicitement mentionnée dans la loi islamique traditionnelle et en menant une bataille contre la peine de mort dans ce pays, ils ont surtout donné un argument de poids à l’Iran qui n’a pas tardé à l’utiliser pour répondre aux nombreuses critiques issues du monde occidental.

Bien entendu, personne n’est dupe, tout le monde sait que l’attitude des uns et des autres est purement politique et que les droits de l’homme ont peu de chose à voir dans tout cela, mais qui sait… on pourrait se prendre à rêver et imaginer que cette joute entre Washington et Téhéran convainque finalement les États-Unis d’abolir la peine de mort sur l’ensemble de leur territoire.

 

 

 

Source : The Guardian, Reuters, Al Jazira, EuroNews

 

 

 

 

15 réflexions sur « Quand Washington donne des arguments à Téhéran »

  1. encore un amalgame; ce qui est condamné, en Iran, ce n’est pas la peine de mort mais la lapidation; si la peine de mort reste légale dans ces pays, il serait injuste qu’elle ne soit pas appliquée à quelqu’un parce qu’elle est une femme!!!

    si ces pays à l’ evolution spirituelle peu entamée ont besoin de la peine de mort pour survivre , c’est leur probleme, pas mon combat!

    cependant, la mort des criminels doit rester digne et sans souffrance . Je crois d’ailleurs, que Mme Lewis l’appelle comme une redemption

  2. Henri,

    Non pas d’amalgame, l’article est dans une certaine justesse.

    Je cite l’article :

    [quote]Bien entendu, [b]personne n’est dupe, tout le monde sait que l’attitude des uns et des autres est purement politique et que les droits de l’homme ont peu de chose à voir dans tout cela[/b], mais qui sait… on pourrait se prendre à rêver et imaginer que cette joute entre Washington et Téhéran convainque finalement les États-Unis d’abolir la peine de mort sur l’ensemble de leur territoire[/quote].

    En gras ce qui me semble important.

  3. Dario,

    je trouve l’article intelligent et je comprends la conclusion, mais à faire l’amalgame, et en voulant aller trop vite , on risque de tuer 2 femmes:

    1/ contrairement à ce qu’affirme l’Iran, l’Irannienne ne serait pas coupable (aveux extorqués sous la torture)

    2/ la peine de mort aux USA n’est pas du domaine fédéral mais un Etat peut decider de l’appliquer et le gouverneur de l’Etat est seul responsabl: demander la grace à Obama, est non seulement inutile mais contreproductif puisque l’Etat en question est républicain!!!

    3/ laisser Teheran s’eriger en defenseur des droits de l’homme est dangereux et manipulateur, ils m’ont fait beaucoup rire!!

    4/ vu les conditions de vies dans les prisons de cet etat, il vaut mieux pour Lewis qu’elle meure (principe de charité chretienne)

    J’ai beaucoup aimé la place des USA dans la competition mortifere (mes sources portaient pourtant la Chine en tete avec 5 ou 6000 morts) et les USA en 5 position (en fait, il faudrait separer les Etats d’Amérique responsables de la peine de mort et on verrait le Texas en 10e position apres la Syrie: voici la liste complete pour 2009:

    Chine Plusieurs milliers
    Iran Au moins 388 Asie
    Irak Au moins 120 Asie
    Arabie saoudite Au moins 69 Asie
    États-Unis d’Amérique 52 Amérique
    Yémen Au moins 30 Asie
    Viêt Nam Au moins 9 Asie
    Soudan Au moins 9 Afrique
    Syrie Au moins 8 Asie
    Japon 7 Asie
    Égypte Au moins 5 Afrique
    Libye Au moins 4 Afrique
    Bangladesh 3 Asie
    Thailande 2 Asie
    Malaisie Plusieurs Asie
    Corée du Nord Plusieurs Asie
    Singapour 1 Asie
    Botswana 1

    L’Asie et l’Afrique se partagent le morceau!!! en attendant 2010

  4. [quote] henri a dit:encore un amalgame; [b]ce qui est condamné, en Iran, ce n’est pas la peine de mort mais la lapidation[/b]; si la peine de mort reste légale dans ces pays, il serait injuste qu’elle ne soit pas appliquée à quelqu’un parce qu’elle est une femme!!! [/quote]

    Ah tu me rassures, car en principe elle devrait échapper à la lapidation et être pendue, ouf on a eu chaud ;D

    Histoire réglée donc – plus d’affaire Sakineh…

    Dom22 qui vient là d’un seul coup – de prendre une bonne bouffée d’air frais

  5. j admire le courage de l auteur en demontrant clairement l exploitation politique des droits de l homme—– d autre part je ne comprend pas comment peut on defendre la trahison et meurtre—–la lapidation est la moindre lesson pour toute personne qui a l audace de tuer en plus de trahir——

  6. [quote] sawsan fakih a dit : j admire le courage de l auteur en demontrant clairement l exploitation politique des droits de l homme—– d autre part je ne comprend pas comment peut on defendre la trahison et meurtre—–la lapidation est la moindre lesson pour toute personne qui a l audace de tuer en plus de trahir—— [/quote]

    De quelle trahison parles-tu ?
    Tu dis que la lapidation est « [u]la moindre leçon[/u] » pour toute personne qui à l’audace du tuer en plus de trahir ?

    Cautionnerais-tu la lapidation ? Je pense que la lapidation est bien trop rapide, je pense que l’écartèlement (*) voire l’empalement (*) en place publique seraient une vraie réponse à l’ignominie des criminels et bien plus dissuasive.

    (*) [i]L’écartèlement : Supplice infligé aux condamnés pour crime de lèse-majesté et qui consistait à faire tirer leurs membres par des chevaux jusqu’à ce qu’ils se séparent du tronc.[/i]

    (*) [i]L’empalement : Pouvait se faire sur différents matériaux: pique en acier, bois…[/i]

    Je te donne de quoi jubiler sur les différentes peines de mort sur ce site :

    [url]http://tscpeinedemort.blogspace.fr/[/url]

    Un vrai régal et tellement d’imagination, de créativité dans les différentes méthodes inventées par l’homme pour faire œuvre de Justice.

    Dom22

  7. Sakineh est bien une meurtrière, elle a droguée son mari et l’a fait assassiner.
    La France s’est ridiculisée en cautionnant un gros mensonge.
    Voir l’article de TM: « le scandale sakineh: »
    « Dans le cas Sakineh, toutes les informations diffusées par Bernard-Henry Lévy et confirmées par Nicolas Sarkozy sont fausses »
    [url]http://www.voltairenet.org/article166999.html[/url]

  8. En même temps BHL est connu pour ses excès de droit de l’hommisme, et il frise le ridicule, et pour ne pas citer que lui, Tariq Ramadan est son meilleur élève.

  9. [quote]Najia Plumett a dit : Sakineh est bien une meurtrière, elle a droguée son mari et l’a fait assassiner. La France s’est ridiculisée en cautionnant un gros mensonge. [/quote]

    Tout cela ne m’étonne pas Najia, c’est à désespérer de voir tous ces gens mentir sciemment aux populations. Néanmoins je confirme ma position d’être contre la peine de mort et quelque soit le pays qui l’applique.

    Dom22

  10. Effectivement, d’après certaines sources, il semblerait que Sakineh Mohamadi Ashtiani soit susceptible d’être condamnée à la pendaison pour le meurtre de son mari. L’adultère ne serait plus passible de la peine de mort en Iran et la lapidation n’y serait plus pratiquée.

    Selon ces mêmes sources, le procès n’est pas encore terminé et madame Sakineh Mohamadi Ashtiani n’est donc pas encore condamnée.

    De toute manière ce n’était pas le sujet de l’article et, d’autre part, il me semble que c’est la peine de mort, sous quelque forme que ce soit, qui est condamnable

  11. Tout à fait d’accord avec toi Candide, c’est la peine de mort qui pose problème et le problème est qu’elle se passe AUSSI dans un grand pays comme les États-Unis et que cela ne semble pas trop gêner en tout cas ne soulève pas la même émotion/révolte que pour Sakineh y compris sur ce site. Peu de personne réagissent sur la mort d’une femme en Virginie (qui plus est atteinte de déficience mentale) alors qu’ils montaient au créneau pour Sakineh en insultant à qui mieux mieux ce pays barbare qu’est l’Iran. Çà ce n’est pas passé, c’est pourquoi j’ai fait également un article sur le sujet de l’exécution de Teresa et le même jour que toi (sans le savoir). Toi tu l’as enregistré dans « news » moi dans « international » ;D

    Dom22

  12. Oups j’ai oublié. J’attends au tournant tout ceux qui critiqueront les méthodes barbares de l’Iran dans le cas bien malheureux où Sakineh serait effectivement condamnée à la pendaison alors qu’ils ont joué les grands absents sur les sujets dédiés à Teresa Lewis.

    Je veille au grain histoire qu’on ne nous prenne pas forcément tous pour des imbéciles.

    Dom22

  13. Tout à fait d’accord avec toi Dom22, mais ceux qui s’attaquent aux méthodes barbares de l’Iran devraient d’abord apporter la preuve que l’injection létale l’est moins…

    Dans le passé on affirmait que faire griller un être humain sur une chaise électrique était civilisé, puis de l’étouffer dans une chambre à gaz… et maintenant le summum du progrès est de paralyser un à un les organes du condamné. Qui peut prouver que le condamné ne souffre pas alors que dès la première injection il n’est plus en mesure de hurler ?

    Cette dernière manière de mettre à mort ne protégerait-elle pas plus les bourreaux que les condamnés ? L’absence de signe de souffrance est-elle la preuve de l’absence de souffrance ?

    De toute façon, ce qui est barbare c’est de volontairement tuer quelqu’un. En ce début de 21e siècle, faut-il vraiment continuer à appliquer la Loi du talion ?

  14. Je te rejoins tout à fait sur la supposée non souffrance de l’injection létale, en effet cela sert soi-disant à se montrer compatissant envers le condamné alors qu’en effet c’est sa réputation en tant pays civilisé que l’on veut préserver.

    Et puis que penser de l’affaire Sakineh où on ne parle [b]QUE[/b] de Sakineh et non de son amant qui lui aussi est condamné à mort – là motus et bouche cousue. Bref rien de tout cela ne tient debout. [b]On vise l’Iran pas autre chose[/b] et là encore certains sont plus intéressant à médiatiser que d’autres.

    Il vaut mieux en effet combattre la peine de mort sur toute la planète au lieu de se focaliser sur l’Iran en détournant la volontairement le regard sur les nombreux pays pratiquant cette peine capitale. Nos gouvernements n’hésitent cependant pas à commercer avec ces pays – plutôt que de leur demander d’avoir un peu d’humanité envers leurs concitoyens.

    Dom22

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