Du discours aux actes il y a souvent loin, surtout en diplomatie. Hostile, il y a encore quelques années, à l’éventualité d’un Iran « nucléarisable » les Etats Unis n’ont cessé depuis plusieurs années d’essayer de cerner ce qui était inéluctable et refusable sur ce dossier. Continuées dans la coulisse ces discussions montrent une superpuissance de plus en plus encline à admettre ce qui jadis l’effrayait par-dessus tout. Un Iran circonscrit et restreint dans ses capacités nucléaires, là semble pouvoir être la possible porte de sortie de ce dossier épineux et complexe.
Passée dans l’ombre diplomatique depuis plusieurs mois la question du nucléaire iranien est pourtant toujours d’actualité pour les différentes chancelleries. Car bien qu’éclipsées par les dossiers nord-coréen ou Julian Assange, les ambitions nucléaires iraniennes inquiètent toujours autant à travers le monde.
Rappelons d’ailleurs pour mémoire que certaines des révélations de Wikileaks traitaient de la question, comme lorsque l’on a appris que le roi saoudien s’évertuait à convaincre l’administration américaine de « couper la tête » du serpent iranien.
Pourtant en coulisse les discussions se poursuivent pour tenter de faire reculer la République islamique. Un homme en particulier est ici important, il s’agit de Richard Einhorn, conseiller d’Hillary Clinton au département d’état sur la question de la prolifération nucléaire.
Or cet homme, ancien élève des universités de Cornell, de Princeton et de la W. Wilson School, est bel et bien en train de devenir la bête noire de la diplomatie française tant ses propositions effraient le Quai d’Orsay.
Car une question semble pouvoir se poser à la lecture des reproches qu’adresse la diplomatie française à ce qu’envisage Einhorn à la question iranienne : les Etas Unis ne tenteraient-ils pas, de nouveau, un cavalier seul pour se défaire du fardeau Ahmadinedjad.
Courant les grandes capitales, depuis plusieurs mois, Einhorn n’en finit pas de faire la promotion de ce qu’il croit être le meilleur plan de résolution possible au risque nucléaire iranien. Car dans cette affaire l’Iran dispose d’un atout de taille qui obsède Einhorn: faire sortir d’Iran les trois tonnes d’Uranium faiblement enrichi dont dispose déjà le régime. Dans l’esprit du département d’Etat une fois privé d’une telle menace l’Iran pourrait se montrer plus facilement conciliant.
Mais obsédés par ces trois tonnes, Einhorn se trouve accusé, en particulier par la diplomatie française, de vouloir céder aux exigences les plus inadmissibles de la République islamique. L’équipe Sarkozy voyant dans cette tolérance relative le signe d’une diplomatie américaine cherchant un accord jugé trop conciliant avec l’Iran, et ce au détriment des intérêts de leurs alliés.
Trois propositions d’Einhorn font plus spécifiquement hurler la diplomatie française. Tout d’abord la question du remplacement du TRR iranien. Un TRR est un réacteur atomique à vocation médicale. Or le seul dont dispose le pays arrivera à épuisement d’ici à la fin 2011. Et Einhorn s’est dit près à tout faire pour aider les iraniens à le remplacer, en sollicitant, si besoin est, le recours à un pays tiers. Une telle offre effraie la diplomatie française qui estime qu’un tel réacteur peut facilement être détourné à des fins militaires.
Deuxième proposition particulièrement dérangeante, selon les français, faite par Einhorn, celle renvoyant à la question des trois tonnes d’Uranium déjà en possession des iraniens. Sur la question Einhorn s’est dit prêt à en céder le traitement à la Russie. Selon cette offre ces trois tonnes problématiques pourraient être envoyés en Russie afin d’être enrichis à 20%, pour ensuite être retournés en Iran pour faire fonctionner la centrale de Busher que les russes eux-mêmes avaient construite.
Pour la France cette proposition est inacceptable au prétexte qu’elle constituerait une forme implicite de légitimation du programme nucléaire iranien.
Mais le pire est à venir pour les français, car une troisième proposition constitue, pour eux, de loin, la plus inacceptable des offres. En effet toujours sur la question de ces trois tonnes obsessionnels Einhort a été jusqu’à promettre aux iraniens que si ils acceptent leur transfert en Russie alors liberté sera laissée au régime de conserver une capacité d’enrichissement autonome. Contre ces trois tonnes transférés en Russie l’Iran pourrait continuer à faire fonctionner les 4000 centrifugeuses qui tournent déjà dans l’usine de Natanz.
La France qui voyait déjà dans la deuxième proposition une légitimation et une acceptation de facto du programme nucléaire iranien ne pouvant voir dans la troisième proposition que l’incarnation a maxima de toutes ces accusations.
Ainsi semble se dessiner l’énième péripétie du dossier nucléaire iranien. Face à une telle complexité d’enjeux, d’intérêts et de sollicitations il apparait incontestablement comme un dossier très loin de pouvoir être totalement solutionné et résolu.
Mais ainsi s’esquisse aussi la tentation américaine de faire de plus en plus cavalier seul sur le dossier en tentant d’aller vers des solutions ne tenant compte qu’a minima des intérêts de l’ensemble de leurs alliés. Mais surtout la promesse d’un Iran qui ne sera jamais nucléaire s’affirme ici comme parfaitement illusoire et utopique. L’administration américaine, elle-même, ayant acceptée l’idée de voir le régime islamique devenir apte à manipuler de l’Uranium, comme l’attestent les propositions de son conseiller diplomatique.