Dans la longue liste, allant en s’allongeant, des victimes involontaires des révoltes arabes il en est une parmi les plus probables et logiques : le Hezbollah. Car bien que silencieux, le parti de Dieu regarde avec appréhension les évènements syriens. Avec à la clé, pour lui, sa possible mort ou son probable discrédit politique.

 

Alors que les troubles en Syrie se poursuivent il existe un acteur du jeu moyen oriental qui retient son souffle : c’est le Hezbollah. Car pour le « parti de Dieu » il existe des bonnes et des mauvaises révolutions. Ou plutôt il existe des révolutions qui ne l’incommodent pas, lui permettant, même, de se prévaloir de cette image de parti des opprimés. Les révolutions tunisiennes et égyptienne qu’il a soutenues, en font partie.

Et puis il existe les révolutions qui impliquent un affaiblissement de ses moyens et de sa capacité de nuisance. Celles là le Hezbollah en a peur.

La « révolution » syrienne actuellement en cours est du deuxième type pour le parti de Nasrallah. Car sans une Syrie placée sous la coupe des Assad c’est toute la capacité de nuisance du Hezbollah qui s’étiole.

Prompte à se croire le porteur de la plus intransigeante des indépendances, le Hezbollah se découvre, au prisme des évènements syriens, en officine parasite totalement dépendante des largesses du régime syrien.

Un destin lié à la possible déchéance du régime syrien

C’est pourquoi face au spectacle des manifestations syriennes toute la Dâhiye (nom de l’immense banlieue chiite de Beyrouth) retient son souffle. Secrètement ce fief du Hezbollah fait le vœu d’une répression définitive et sanglante des troubles qui frappent la Syrie depuis plusieurs semaines.

Car le Hezbollah le sait, si Bachar tombe, ça en sera fini des approvisionnements en armes que le parti de Dieu reçoit régulièrement. Bien souvent il s’agit d’armes en provenance de l’Iran, que le régime syrien se contente, « simplement », de laisser passer.

Autre conséquence possible à la poursuite des évènements en Syrie : la fin d’une situation géopolitique favorable aux desseins du Hezbollah. Car si le régime syrien s’effondre il est évident que le triptyque Hezbollah-Damas-Téhéran sera plus difficile à réunir. Le statut quo politique syrien a, pour le Hezbollah, le mérite d’une aide syrienne permanente et inconditionnelle. Ce qu’une éventuelle démocratisation du régime syrien n’offrirait pas.

Ainsi derrière les changements possibles en Syrie se profilent, pour le Hezbollah, le risque de sa mise à nue politique. Sans la Syrie il lui sera impossible de terroriser Beyrouth, comme il a pu le faire en 2008.

En janvier dernier le Hezbollah poussait le gouvernement de Saad Hariri à la chute, avec à la clé la composition d’un nouveau gouvernement placé sous la conduite de Najid Mikati, grand ami du dictateur syrien.

Si Bachard El-Assad tombe pas sûr que le Hezbollah puisse garder tous ces pouvoirs.

Si le leader Alaouite ne tient pas et tombe, le Hezbollah n’existe plus. C’est ainsi que, laconiquement, certains opposants du Hezbollah résume toute la crainte actuel du parti du Dieu.

On comprend mieux, dès lors, l’enthousiasme, un peu macabre, que suscitent, du coté des démocrates libanais, les récents évènements en Syrie.

Mais conscients de la fragilité du mouvement ainsi que des arguments avancés par le régime alaouite pour les réprimer, les démocrates libanais préfèrent se taire. Du coté des formations libanaises luttant contre la main mise syrienne on ne cesse d’affirmer qu’il n’y a là, à l’œuvre, que des problèmes syriens.

La fin des postures de fausse générosité

Mais il y a certainement plus grave encore pour le Hezbollah. Que le régime des Assad s’effondre il ne le croit pas forcement. L’exemple bahreïni ayant montré que seules les révolutions un tant soi peu profitables aux grands acteurs de la région, ou bien celles arrivées à un trop fort degré défervescence ont des chances d’aboutir.

Du coté du Hezbollah on continue encore à se dire que le régime syrien pourra certainement se sauver s’il joue avec les hypocrisies des différentes chancelleries. Le plus grave pour le Hezbollah est certainement ailleurs, il est dans l’obligation de se montrer tel qu’il est. Tout d’abord, certes, fragile et dépendant de la Syrie comme nous l’avons déjà dit.

Mais surtout défenseur des dictateurs et absolument pas des pauvres et des opprimés comme il ne cesse de s’en vanter depuis des années.

Et c’est bel et bien pour être tout ça à la fois, dépendant des syriens et partisans des forts contre les faibles, que le Hezbollah a dépêché à Deraa certains de ses militants pour participer à la répression contre le mouvement démocratique syrien.

Que le régime syrien tienne ou tienne pas cela aura, quoiqu’on en dise du coté du Hezbollah, des conséquences sur l’avenir de ce « parti ». A la seconde hypothèse correspond  l’asphyxie et la mort à court terme pour lui, comme on le pressent dans les rangs démocrates libanais. A la première : l’obligation d’en finir avec ses fausses postures de générosité et de défense des pauvres.

Sans le vouloir les manifestants de Deraa, et d’ailleurs en Syrie, ont ainsi forcé le Hezbollah à choisir entre la mort certaine et le discrédit probable.

 

Grégory VUIBOUT