S’il suffisait d’un claquement de doigts pour rendre normal un couple, fond-forme, qui a tout de l’union de la carpe et du lapin : adopter au forceps le calendrier grégorien, remplacer les caractères arabes par l’alphabet romain, annuler les confréries religieuses, troquer le fez contre le béret, tomber le voile ; ou encore uniformiser à coups de génocides ! Les coups d’états qui ont secoué la Turquie ont participé au détricotage du projet kémaliste et Recep Erdogan a donné le coup de grâce. A la faveur d’un travail de fourmi dont les débuts remontent sans doute à l’époque de son élection à la tête de la mairie d’Istanbul.
Contre un scandale de corruption ou contre une tentative de coup d’état vraie ou supposée, rien de mieux que les bonnes vieilles méthodes ottomanes ! Tous les prétextes sont bons à prendre pour expurger le « virus » qui met en péril l’état, une recette miracle qui a fait ses preuves. On ne compte plus depuis le 15 juillet ceux qui sont démis de leurs fonctions, ceux qui sont suspendus ou encore ceux qui sont dans le collimateur de la justice. Toutes les institutions sont passées au crible sous le regard bienveillant des sympathisants de l’AKP ; sollicités, ces derniers ont battu le pavé contre les putschistes à tout va ces derniers jours réclamant avec force slogans le rétablissement de la peine de mort ! La manifestation de dimanche, aux allures d’unité nationale, aurait à elle seule réuni plus d’un million de personnes selon les organisateurs et la préfecture…Sur certaines pancartes lisait-on, d’après le Figaro, « Erdogan tu es un don de Dieu ! »ou encore, »ordonne nous de mourir et nous le ferons ! »
Le putsch et surtout la brutalité des méthodes de purges a fait réagir certaines chancelleries ce qui s’est soldé, sous l’ire du sultan, par un échange d’amabilités entre protagonistes. Si le président semble faire des heureux intra-muros, il en va tout autrement extra-muros. C’est que la mesure et la démesure avec laquelle l’UE a condamné respectivement le coup d’état et la purge dérangent Erdogan.
Fort de son marchandage sur l’accord autour des migrants, le président turc s’est lancé dans la surenchère devant les yeux doux d’Angela. Et à force de se renvoyer la balle, le deal « réadmission » contre « exemption de visas » risquerait de rester lettres mortes. La crise semble malheureusement avoir de beaux jours devant elle et les défis ne sont pas près d’être relevés par des protagonistes qui ne se regardent qu’en chiens de faïence.
Quant au parangon turc de démocratie qui a fait des pieds et des mains pour enfoncer son ancien allié Bachar el Assad au profit des rebelles dits modérés comme des non modérés, il a des chances d’être puni par où il a péché…