Dans le débat sur le libre-échange et le protectionnisme, ce dernier est largement diabolisé par la pensée « correcte ». Pourtant l’excellent dossier consacré à la question par le mensuel "Alternatives Economiques" nous montre que la diabolisation du protectionnisme est peu justifiée… Petit compte-rendu…
Dans un premier temps, le journaliste Guillaume Duval balaie quelques idées reçues, et développe de nombreux arguments qui détruisent le dogme des bienfaits du libre-échange. On apprend les choses suivantes :
1/ Les progrès du commerce international n’ont pas accéléré la croissance des revenus des habitants de la planète : en moyenne, l’augmentation annuelle de la richesse par habitant a été plus forte dans les années 60 que dans les décennies 80 et 90, marquées par l’intensification des échanges et le suivi des thèses néolibérales.
2/ Ce résultat s’explique notamment par la mise en concurrence des salariés et des territoires, dans une course au moindre coût qui a contribué à une insuffisance globale de la demande. Un phénomène qui a joué un rôle dans la crise, car pour trouver des débouchés à la production toujours plus forte de biens et services, la demande a été boostée non par les salaires mais par le crédit à outrance, en particulier aux USA ou en Grande-Bretagne. D’où les bulles spéculatives qui ont amené la sphère financière à s’effondrer la première, responsable de la crise autant que victime des contradictions du capitalisme mondialisé.
3/ Les inégalités se sont creusées. « Cela ne signifie pas que les habitants des pays du Sud vivent plus mal », met en garde Duval, au contraire ! Il n’en reste pas moins que les écarts se sont creusés entre les pays riches et les pays du Sud. Quant aux pays d’Asie qui ont connu les développements le splus spectaculaires, l’Etat y a joué un grand rôle, notamment en ayant recours à des mesures de type protectionniste ! D’autre part, les écarts se sont aussi creusés à l’intérieur des sociétés, même les plus riches (les plus aisés tirant mieux leur épingle du jeu que les salariés les moins qualifiés).
Cette réfutation par les faits du dogme « libre-échangiste » a aussi eu lieu dans la théorie économique. En effet, la croyance dans les bienfaits du libre-échange a longtemps dominé la discipline. Denis Clerc rappelle que Ricardo (fin 18°-début 19°) est le pionnier d’une série de travaux tendant à montrer que « le libre-échange est générateur de gains pour tous ». Or, deux limites importantes ont été apportées à cette idée-force : premièrement, le rôle de l’Etat et des politiques industrielles se révèle souvent crucial dans la construction d’un avantage productif ; deuxièmement, le libre-échange est aussi générateur de pertes et de dislocation du lien social. « Et ce, parce que les mécanismes de redistribution des gagnants vers les perdants sont insuffisants ou inopérants ».
Pour autant, Guillaume Duval se livre aussi à une relativisation de la pensée magique inverse ! En effet, il serait naïf de croire que par symétrie, le protectionnisme possèderait les vertus qui seraient le pendant naturel des vices du libre-échange. A l’heure actuelle, l’adoption désordonnée de mesures protectionnistes risquerait davantage d’alimenter la crise économique. De toute façon, nous serions bien mal en point pour nous mettre à fabriquer des produits pour lesquels il n’existe plus aucune industrie en France ! Par ailleurs, le développement des pays du Sud ne sera guère possible si les pays riches se ferment totalement à eux. En outre, ce développement ne tient pas uniquement à l’ouverture plus ou moins grande de leurs marchés, mais aussi à la capacité des Etats d’impulser ce développement.
Conclusion : La coopération internationale, par exemple pour une relance mondiale coordonnée, reste la solution optimale. Mais en l’absence d’ « intelligence collective » qui permettrait de tirer tous les peuples vers le haut, il ne faudrait pas s’interdire d’user de l’arme protectionniste à bon escient, quand nos concurrents directs le font ! Quoi qu’il en soit, le sujet mérite mieux que les affirmations péremptoires du type « le protectionnisme c’est la guerre » proférées par des types aussi sophistiqués que Strauss-Kahn (FMI) ou Pascal Lamy (OMC). Deux socialistes : tout un symbole…
Votre article est du vrai bonbon, Fabien!!! Vivement, j’espère que vous en rédigerez d’autres, afin que se poursuive le débat sur la question.
Toutefois, je suis personnellement farouchement opposé à toute forme de protectionnisme économique. Qu’importe qu’il préconise la réciprocité commerciale, la balance du commerce ou les industries stratégiques; cette doctrine reste à mon sens une erreur et un mensonge.
Contrairement à ce que certains gouvernements, dont celui d’Obama, soutiennent; le protectionnisme ne profite en rien à la population du pays qui le pratique. En d’autres termes, les prix ne feront qu’augmenter au profit des quelques privilégiés (comme l’industrie automobile). Dans un tel contexte, on peut comprendre qu’Obama était prêt à tout pour sauver une industrie, dont le cœur et les poumons se trouvent dans des États qui ont massivement voté démocrate en 2008.
Actuellement, les visées protectionnistes des américains, via le «buy american act» sont en ce qui me concerne, une effroyable méprise de la part de ceux qui ont élaboré le plan de relance américain. Car certaines, voire plusieurs entreprises américaines sont inéluctablement vouées à disparaître. Or, quelque soit l’aide financière ou les lois «favoritistes» qui seront élaborées pour les aider, ce ne sera qu’un respirateur artificiel branché à un maccabé. S’il advenait que d’autres pays, notamment en Europe, emboîtent ce pas; cela ne fera que ralentir notre sortie de la crise. Un électrochoc de quelques jours ou quelque semaines, sans plus, à la bourse; mais fondamentalement l’on régresserait. Comme de se déplacer vers l’avant, dans un train qui fait marche arrière, en croyant faussement que l’on avance.
Pour paraphraser Jean-Baptiste Say : « S’il y a quelque bénéfice à retirer d’une entreprise, elle n’a pas besoin d’encouragement; s’il n’y a point de bénéfice à en retirer, elle ne mérite pas d’être encouragée. »
Bien à vous
Bonjour,
Guillaume DUVAL est un journaliste engagé, alter mondialiste, qui mérite une écoute particulière car il incarne une tendance et apporte des interrogations constructives. Il reste que ses demonstrations sont souvent plus polémiques que probantes. Les « idées reçues » sur les bienfaits du libre échange, seul Guillaume DUVAL les balaie, avec peut être des idéologues Kmers des années 70 et Fidel Castro. Le protectionnisme est aussi un serpent de mer qui ressort à chaque crise et je me range à l’avis du commentaire précédent. Les décisions destinées à perfuser des sociétés en survie me semblent relever de l’acharnement thérapeutique. Il reste que dans le cas des très grosses sociétés (General Motors), la survie peut juste vouloir dire « délai de transformation ». Qaunt aux barrières de taxes, elles sont illusoires.
L’article est ici un excellent sujet de débat, merci Fabien.
Laryck
On a voulu faire l’amalgame entre le libéralisme et la mondialisation de manière à imposer l’un et l’autre au niveau mondial, ceci sous l’influence de la synarchie londonienne .
l’un et l’autre sont mauvais :
le libéralisme car il conduit à l’enrichissement des plus riches; Il est basé sur le vol.
la mondialisation car elle implique le gaspillage des ressources énergétiques pour le transport des biens. Elle est donc anti-écologique et condamnée.
Quant au protectionnisme , il s’agit d’une mesure de salut public pour nous protéger des pirates qui viennent inonder le marché avec des produits à bas coûts, fabriqués par de la main-d’oeuvre traitée comme esclave.
evidemment ceux qui sont dans une ile et qui cotoient du beau monde ont la vision déformée: à défaut d’être illuminés , ils ont une vision obscure à cause de leur lunettes de soleil !!!!!!!!!
Petite réponse rapide aux premiers commentaires…
– @ laryck : Je ne pense pas qu’il soit très sérieux d’amalgamer Duval avec les khmers rouges ou Fidel Castro ! Pour la blague, les Khmers auraient-ils soutenu le « oui » au référendum sur le TCE en 2005 ? Plus sérieusement, non seulement Duval pointe les problèmes suscités par les mesures protectionnistes, mais il n’est pas si isolé que cela. Paul Bairoch est ainsi un économiste sérieux, auteur du très reconnu « Mythes et paradoxes de l’histoire économique », qui a notamment publié un article où il soutient que dans les années 1870-1940, le protectionnisme a été facteur de… croissance économique !
– @ northlandnews : vous pointez de façon pertinente un des effets les plus négatifs du protectionnisme, qui est le maintien en survie artificielle d’entreprises / de secteurs sur le déclin, quitte à flouer le consommateur. C’est un argument de poids, mais qui mérite deux précisions : 1) si le protectionnisme a des coûts économique, le libre-échange peut avoir des coûts sociaux. Une société peut préférer supporter les premiers que les seconds, afin de préserver une certaine stabilité du tissu industriel et des rapports sociaux; 2) même les authentiques libéraux (Smith) convenaient que la concurrence devait être « équitable » en quelque sorte : le fait de casser les prix parce qu’on peut se permettre de faire suer ses salariés comme des quasi-esclaves, cela peut s’apparenter à une concurrence « faussée » face à laquelle les entreprises « vertueuses » seront forcément moins performantes, sans que cela soit négatif. Sans parler de l’environnement !!!
@ Veritas : vous pointez assez justement, à mon avis, que la foi dans le libre-échange et surtout dans sa version la plus « hard » (le marché a toujours raison!), s’acquiert facilement dans les cercles les plus coupés de ceux qui vivent la guerre économique sur le terrain. Toutefois, je ne partage guère votre appréciation du libéralisme, qui est un courant de philosophie politique bien plus riche que ce que vous dites. A moins d’être hostile au pluralisme, à la liberté d’entreprendre, à la séparation des pouvoirs et j’en passe, il est difficile de faire une croix sur les apports de ce courant intellectuel.
Je conviens de la pertinence de vos deux précisions, cher ami. Pour ce qui est de la première; un libre-échange pratiqué à outrance a certes des effets pervers. Et il n’existe pas de réelle indemnisation des parties perdantes. D’où la présence des syndicats (s’ils font bien leur travail), qui vise a en minimiser les lourdes conséquences sociales, en se faisant les inhibiteurs de tout excès. Hélas, certains tendent iniquement à mettre l’emphase sur les côtés négatifs du libre-échange; car d’une part ceux-ci sont immédiats et d’autre part en raison de l’inexpérience ou l’aversion face aux risques liés à la spéculation à long terme. Or justement, ce n’est qu’à long terme que les avantages permanents apparaissent. Or, dans la conjoncture de la crise actuelle, j’opterais, et vous aussi j’en suis persuadé, pour des mesures ayant des effets bénéfiques à long terme, plutôt que sur quelques semaines…
Qui plus est, évoquer la concurrence « équitable » tel que la définissait Smith est sans l’ombre d’un doute louable et légitime, pour une entreprise de son époque. Mais de nos jours, presque 250 ans plus tard, j’estime que chaque entreprise a les moyens, ou du moins potentiel, de concurrencer d’égal à égal avec ses rivales, sans en faire écoper ses salariés. Encore là, on revient à l’utilité d’un «réel» syndicat qui veillerait au grain. C’est là une dimension qui n’avait peut-être pas encore été longuement épluchée par les économistes du 18e siècle.
Et puisque vous soulevez la notion de performance, je crois que celle-ci passe directement par l’innovation. Par l’ingéniosité, l’originalité dont sauraient faire preuve les entreprises qui veulent se démarquer. En ce sens, je tends plus vers la pensée de Schumpeter que celle de Smith. La performance d’une entreprise moderne ne passe plus, de nos jours, par l’exploitation esclavagiste de ses employés, mais plutôt par l’ingéniosité (en matière d’environnement etc..) de ses dirigeants.
Bien à vous
De toutes façons, Messieurs et je réponds plus particulièrement à Fabien le libéralisme n’est pas compatible avec le NOUVEL ORDRE MONDIAL qui arrive /
Parce qu’alors là :………LOIN , LA LIBERTE !!!!!!!!!!
Bonjour Fabien,
Il ne s’agissait pas de faire un amalgame mais de pointer le fait que tous les systèmes économiques récents qui ont rompu avec le libre échange ont abouti à une dictature. Pour la référence à Paul Bairoch, économiste d’après guerre, il y a à redire. L’ampleur de son travail a permis de poser la question de l’intérêt du protectionnisme surtout dans une économie dominée par les échanges dans le secteur primaire (agricole). Son étude perdait de sa pertinence sur les produits manufacturés, à l’heure du secteur tertiaire, l’exercice serait à recommencer complètement. En outre, le Professeur Bairoch ne discutait jamais théorie mais seulement empirisme, ce qui poserait aujourd’hui un problème de méthodologie.
Quant au libéralisme, les précisions sont utiles. Il existe deux grandes tendances libérales celle de Fréderic Bastiat dite « humaniste » et celle de Maurice Allais « Constructiviste » ou « Utilitariste ». L’un préférant une Société dans laquelle chacun est libre d’apporter sa propre valeur aux choses, avec peu d’Etat intervenant seulement pour défendre la liberté (sécurité et savoir), vision assez populaire dans les années 80. L’autre qui évalue les valeurs pour introduire ensuite l’Etat en conséquence de ses évaluations, vision très actuelle. Ces doctrines dépassent de loin l’aspect économique. Quant aux employeurs esclavagistes, ils appartiennent aussi au passé dans les sociétés les plus avancées. Dans certains cas même, les petits patrons se sont mus en véritables esclaves, c’est un autre sujet…
Cordialement
Laryck
« Quant aux employeurs esclavagistes, ils appartiennent aussi au passé dans les sociétés les plus avancées. »
Il faut enlever vos lunettes de soleil, Larrick !!!!
[b] »Dans certains cas même, les petits patrons se sont mus en véritables esclaves, c’est un autre sujet… »
c’est la loi du 0.0001 /99.9999 !!!!!!!!!!!!!!!![/b]
LA PAUVRE !
en d’autres siècles, on aurait dit « priez pour elle » ,
mais mainteant qu’on sait de quoi il retourne ! :
Angela Merkel a déploré le report par General Motors
de sa décision sur le choix du repreneur de sa filiale européenne Opel .
autrement dit …Elle n’a que ce qu’elle mérite !!!
bien que le libre échange est un menace pour PED le protectionnisme a aussi des défauts pour leur croissances est les groupe
[b]l’UE et le Japon lancent de vastes négociations de libre-échange !
CA VA ETRE RADIOACTIF !!!!!!!!![/b]