Ce 30 juin 2010, la Cour de Cassation a annulé l’arrêt N° 08/ 0085 de la cour d’assises de Paris du 27 mars 2009 ayant condamné Yvan Colonna à la réclusion criminelle à perpétuité (avec peine de sûreté de 22 ans) pour l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella (6 septembre 1997) et l’assassinat du préfet Claude Erignac (6 février 1998). Dont acte.


 

Cette décision n’est pas si surprenante, compte tenu du chaos ayant régné au procès Colonna de février/mars 2009 ;  à l’époque, une certaine bien-pensance médiatique avait cloué au pilori le président Didier Wacogne, jugé responsable de toutes les dérives  de l’audience, et l’institution judiciaire en avait pris pour son grade : procès stalinien, nouvelle affaire Dreyfus, justice taxée de racisme anti-corse, etc. En relisant les comptes-rendus d’audience, tout observateur lucide se rend compte que les responsabilités étaient partagées. C’est entendu : Didier Wacogne et ses assesseurs ont commis des erreurs, des maladresses, tout comme Christophe Teissier et Jean-Claude Kross, les deux représentants du ministère public ; ce qui a donné du grain à moudre aux défenseurs du berger de Cargèse.

 

 

 

 

 

 

Mais que dire de ces derniers, en particulier Me Simeoni et Me Sollacaro, insultant copieusement la cour  – « tribunal de l’Inquisition composé de faussaires, de tricheurs, et de menteurs », « cour birmane »  – et de leur client criant dès le deuxième jour d’audience au procès truqué, assimilant le président Wacogne à une sirène rotative de l’Elysée ? Sans parler des explications embrouillées et peu convaincantes des membres du commando responsable de l’assassinat du préfet, et de leurs compagnes. Le 11 mars 2009, suite au refus de la cour d’une nouvelle reconstitution du crime, Colonna et ses avocats claquèrent la porte du tribunal, et le procès se poursuivit en leur absence.

 

Commentaire de Patricia Tourancheau, qui a couvert les audiences pour « Libération » : « ce boycott de grands procès criminels puis la poursuite de débats, qui ne riment à rien sans la défense, entraînent des simulacres de procès et entachent de soupçons les verdicts. » (1)

 

 

 

 

 

 

 

 

Le constat est juste, et du coup, certains n’ont pas manqué de présenter Yvan Colonna comme une pauvre victime de la raison d’Etat. Sans se prononcer sur le fond du dossier, il faut reconnaître que  l’image de « Saint Yvan de Cargèse » appelle de sérieuses réserves. Oublierait-on, notamment, que notre éleveur caprin n’a jamais caché ses accointances avec « U Ribombu », journal indépendantiste prônant ouvertement la lutte armée – comprendre : les attentats francophobes ?

 

 

 

 

 

 

 

Du reste, c’est dans ce même journal (édition du 4 janvier 2001), qu’avait été publiée une lettre d’Yvan Colonna – alors en fuite – où, tout en proclamant son innocence, il ne trouvait rien de mieux à faire que d’exprimer sa sympathie pour Antoine Adami, condamné à 11 ans de prison pour deux attentats, et pour Marcel Lorenzoni, un « vétéran » du terrorisme insulaire. Sans oublier, bien sûr, une charge contre la « justice d’exception au service de l’éradication du mouvement national », et l’assimilation de la violence politique à des « actes de résistance ». Cela ne fait pas de lui un coupable, certes, mais tout de même, nous voilà loin de l’image du patriote corse débonnaire ou du Dreyfus insulaire.

 

 

 

Pour ma part, j’espère vivement que ce nouveau procès se déroulera dans des conditions plus sereines, et qu’il apportera des éclaircissements sur le rôle présumé d’Yvan Colonna dans les évènements dramatiques du 6 septembre 1997 et du 6 février 1998.. Un président conservant la maîtrise des audiences, et évitant les gaffes qui ne pourraient servir que la partie adverse. Une défense ne confondant pas pugnacité (en soi respectable) (2) et « tentative de prise en otage de la justice », pour reprendre l’expression de l’avocat général Jean-Claude Kross. Un accusé ne s’enfermant pas dans une défense politique contre-productive (voir son attitude au procès de 2009 et la lettre précitée). Enfin, les supposés complices de ce dernier et leurs compagnes qui disent enfin à l’audience tout ce qu’ils savent. Pour les deux gendarmes agressés et séquestrés lors de l’attaque de Pietrosella, comme pour la famille Erignac et la mémoire du préfet défunt.

 

 

 

Ce n’est peut-être qu’un voeu pieux, mais espérons qu’il sera exaucé.

 

 

 

(1)

http://www.liberation.fr/societe/0101558030-comme-au-proces-ferrara-l-usage-de-la-defense-de-rupture

 

 

 

(2) Evidemment, on ne va pas attendre d’eux une défense de bras cassés, du genre : « Notre client est innocent, la preuve : c’est un très mauvais tireur, il raterait un éléphant dans un ascenseur. »

 

 

 

Pour information : le texte intégral de l’arrêt N° 4054 de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation du 30 juin 2010 est consultable sur le site du « Nouvel Observateur » :

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20100702.OBS6567/exclusif-colonna-la-decision-de-la-cour-de-cassation.html