Pousse-toi d’là, Naomi, place à la nouvelle vache !

On connaissait la vache Milka, on ne sait trop si l’une de ses cousines fournit du lait (blanc) à Cadbury, mais celle des fromageries Bel doit rire jaune en voyant une simple mortelle humaine se prendre pour une vache sacrée. Il s’agit d’une dénommée Naomi Campbell qui vient d’obtenir le retrait d’une publicité Cadbury car elle l’estimait insultante pour elle-même et… « toutes les femmes noires » ! Rien que cela…

Que des artistes – si l’on considère que parcourir un podium est un acte artistique – sur le retour veuillent indéfiniment exister, et trouvent prétexte à tout pour se montrer, on peut le concevoir. Mais il y a l’art et la manière. Cadbury avait utilisé un prénom, Naomi, pour slogan d’une campagne publicitaire vantant une barre chocolatée. Cette accroche peut se traduire par « Pousse-toi de là, Naomi, une nouvelle diva débarque en ville. ». Il aurait été compréhensible que les Naomi du monde entier, en voyant une vache Cadbury sur l’affiche, aient pu en prendre ombrage. Ben oui, pour qui se prendrait-elle, celle-là, et d’abord, qu’est-ce qu’elle a de plus que moi ? Les autres Naomi seraient-elles moins des divas ? Pour le moment, Naomi Campbell n’est la diva que des trophées Naomi Awards (récompenses « attribuées à des contributions remarquablement mauvaises dans le domaine musical » selon Wikipedia, qui lui doivent bien, et à nulle autre, leur appellation).

Là, non, le visuel est une simple barre chocolatée, qui serait à présent la plus « chouchoutée » au monde (the world’s most pampered bar now in three new flavours), avec trois nouvelles saveurs. Naomi Campbell en a profité pour menacer de boycotter tous les produits Cadbury et de traîner la société laitière devant les tribunaux pour la traire au maximum. Pourquoi pas ? Jusque là, tout va bien : du moment que le prénom Naomi est bien orthographié, ce genre de contre-publicité profite à tout le monde.

Mais la société Cadbury a préféré mettre fin à sa campagne, sans doute intimidée par les arguments développées par dame Campbell : au-delà de sa personne, toutes les femmes noires, toutes les personnes à l’épiderme « noir » (ou « chocolat »), seraient perturbées par cette publicité « raciste ». L’Oncle Ben et le zouave Banania, sans compter les personnages vantant des marques de cirage ou des produits bronzants, doivent se gondoler : mais elle se prend pour qui, celle-là ? Eux sont encore connus des petits et des grands, mais qui se soucie encore de Naomi Campbell parmi les moins de douze-treize ans ? Ce n’est quand même pas Tata Yoyo !

Je comprends fort bien, j’admets même, quoique cela finisse par lasser et fleurer le procédé commode, que des associations, des groupes revendicatifs, voient des allusions racistes un peu partout. Ce n’est d’ailleurs pas l’apanage d’Africains, Noirs-Américains, Caraïbes, Créoles et autres… Voila que le Grand Schtroumpf serait une sorte de Pol Pot raciste, et c’est un Caucasien grand teint, Antoine Buéno (de la famille Kinder ? je ne sais) qui l’affirme dans un bouquin, Le Petit Livre bleu. Bleu ? Mais que fait donc l’équipe de France : l’allusion est claire, c’est au-delà d’une équipe, toute une foule de supporters, non seulement en France, mais bien au-delà, qui se trouve gravement insultée.

« C’est insultant et blessant, » a estimé Mrs Campell à l’Independent, en insistant : « croient-ils qu’ils peuvent insulter ainsi les Noirs et s’en tirer ainsi ? ». Unpalatable! Indigeste. Tant bien même s’agirait-il d’une marque de friandises au zan, vantée par le slogan « Dégage, Claudia, place à la nouvelle vague ! », imagine-t-on une dénommée Schiffer utiliser ce type d’arguments ? Après tout, on peut tout imaginer. Cela n’en serait pas moins ridicule.

Que Campbell, Naomi, se sente visée personnellement par des blagues écossaises (son patronyme est celui d’un clan renommé), cela la regarde. Qu’elle n’essaye pas cependant d’y mêler les Campbell of Campbell, ni même la soixantaine d’autres clans. Cela étant, si elle veut faire une pige pour le whisky ClanCampbell, libre à elle : ses flacons sont en livrée de Jean-Charles de Castelbajac (comme quoi, en Écosse, on n’est ni xénophobe, ni sectaire, tout juste nostalgiques de la Vieille Alliance).

De la regrettée Katoucha Niane, égérie de Saint-Laurent, dite « la princesse peule », on retient diverses initiatives (Ebène Top Model, l’association KPLCE contre l’excision, une ligne de vêtements…). De Naomi Campbell, peut-être retiendra-t-on surtout qu’elle aura attendu, pour se manifester, la fin de la campagne pour un produit lacté (chocolaté ? sans doute… je n’ai pas été en vérifier la composition et le pourcentage de cacao…), afin de bénéficier de retombées dérivées. C’est un peu mince. Allez, place à Lola Ponce, en souhaitant quand même à Naomi Campbell de faire mieux, dans le prochain film de Costa-Gavras, Capital, que Carla Bruni dans celui de Woody Allen.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

Une réflexion sur « Pousse-toi d’là, Naomi, place à la nouvelle vache ! »

  1. Sachant que Naomi Campbell est une Blasianne (Afro-Asisatique), petit jeu…
    Imaginez la pub qui ferait qu’elle s’insurge au nom de toutes les femmes d’Asie !
    « Casse-toi, Naomi… » pour une marque de margarine (Bouton d’Or, par ex.) ?
    Il y a la Shell…
    Divers services postaux utilisent le jaune.
    « Dégage, Naomi… ».
    Antan, les Zodiac, bateaux pneumatiques étaient jaunes.

Les commentaires sont fermés.