Pour certains hommes politiques, les élections sont un réel combat. Amadouer, séduire, serrer des mains, faire des promesses que l’on ne tiendra pas, afficher un sourire de façade et remporter les suffrages en gagnant la confiance de la majorité des électeurs. Cependant, il semblerait que pour d’autres hommes d’exception, ils peuvent être élus sans se prêter à ce petit jeu d’influence. Trucage ? Dictature ? Propagande ? Peut être ! Jeudi 17 avril, l’Algérie devra choisir son nouveau président déjà élu par avance, une situation cocasse voulue par Abdelaziz Bouteflika dont voici un portrait non exhaustif.

 

Le petit Abdelaziz voit le jour à Oujda, au Maroc, le 2 mars 1937. Ce lieu de naissance est un point de discorde dont ne font pas mention les biographies traditionnelles. En effet, un chef d’état prônant la valeur des frontières né dans un pays étranger, ça fait tâche. Son père polygame est un immigré, il meurt en 1958. Il est issu d’une grande fratrie, de nombreux frères et sœurs plus jeunes que lui en majorité. Jusqu’en 1950 il suit les cours à l’école puis rejoint des troupes paramilitaires. En 1956, séduit par les discours du FLN qui souhaite mobiliser le plus de jeunes possibles, il rejoint la branche guerrière, l’Armée de libération nationale. Il y apprend la maîtrise des armes et la stratégie au sein de l’école des cadres car on lui prépare une grande mission.

 

En 1957-1958, il doit haranguer les foules, voyager dans la campagne pour pousser les populations rurales à rejoindre l’ALN. Lors de ces premières expériences, il met en avant son art pour la rhétorique et sa diplomatie. Durant ces années, il se rapproche du colonel Boumédiène, grand artisan de la libération si bien qu’il accède à des postes à responsabilité au sein du Waliya V, 5ème circonscription de l’Algérie coloniale. En 1961, il est envoyé en France pour prendre contact avec des leaders du FLN mis sous les barreaux par la police. A la fin de la guerre, des soupçons pèsent sur son implication dans le massacre des Harkis perpétré en guise de revanche. Il rentre au gouvernement de Ben Balla en tant que ministre de la Jeunesse et du Tourisme et devient député. 1963, changement de poste, ce sont les Affaires Étrangères qui lui échoient.

 

Il parvient à éviter le blocus de l’Algérie suite à la nationalisation du pétrole et à placer son pays comme un fer de lance du tiers-mondisme à une époque où le monde est bipolaire. Une place discutée, ses détracteurs affirment qu’il prenait des décisions sur des dossiers qu’il ne connaissait pas. En 1968, c’est lui qui négocie avec la France sur la circulation des algériens et du commerce, textes qui amorcent l’immigration massive vers l’Hexagone. Durant une assemblée générale de l’ONU en 1974, il se met à condamner l’apartheid divisant l’Afrique du Sud et veut faire reconnaître l’OLP aux yeux des instances internationales.

 

A la fin des années 1970, l’Algérie est en phase de déboumédiènisation, des affaires obscures accusant les anciens ministres se font jour, Bouteflika n’en réchappe pas. Il est mis en examen par le conseil de discipline du FLN et la Cour des Comptes s’intéresse à sa gestion suspecte de ses portefeuilles ministériels. En effet, ce serait plusieurs millions de francs qui auraient disparus sur des comptes en Suisse. Il profite de ces nombreuses casseroles bien embarrassantes pour quitter la politique entre 1981 et 1986.

 

Il revient alors en Algérie en 1986, retrouve son siège au comité central du FLN et joue un rôle important dans le paysage politique national. Les années 1990 sont entachées par la guerre civile et des assassinats sommaires, la situation est catastrophique. L’élection présidentielle de 1999 s’annonce, tout comme la candidature de Bouteflika, qu’il remporte haut la main avec un score de 74%. Cependant le scrutin est plombé d’ombrage car il y aurait eu des pressions contre les adversaires pour qu’ils se retirent.

 

Sa feuille de route est simple, mettre fin au terrorisme et rétablir la sécurité dans un pays exsangue. Il met alors en place la loi de Concorde Nationale, c’est à dire une « amnistie » envers les islamistes qui se rendent par milliers. Il modifie l’organisation de l’armée, en la professionnalisant. La Kabylie se soulève motivée par la déception et des promesses non tenues. Ce mouvement sera réprimé dans le sang faisant 126 morts et des milliers de blessés pour finir par une reconnaissance de la langue locale. En 2004, il est triomphalement réélu à 84,99% au terme d’une élection tendue. Ter repetita en 2009 avec un score encore plus dictatorial, 90%.

 

Durant ce troisième mandant le Printemps Arabe souffle sur le pays, les contestations si longtemps couvertes arrivent enfin jusqu’aux oreilles des gouvernants. Quels sont les griefs adressés à Bouteflika ? Le peuple lui reproche une politique de grand travaux dont les retombées économiques n’ont pas été équitablement réparties faisant augmenter le taux de chômage des jeunes. Des aéroports, des routes et des parcs immobiliers flambant neufs qui sont passés sous le nez de petits entrepreneurs pour finir sur des contrats faramineux de grands groupes étrangers.

 

Une justice contrôlée par l’appareil d’état, la police secrète espionnant les partis adverses, la mise au pas des ONG et des associations qui pour fonctionner doivent avoir l’autorisation des ministères de l’Intérieur et des Affaires Étrangères. Pour remplacer l’impopulaire couvre-feu en vigueur depuis 1992, il instaure une loi dite antiterroriste en février 2011, on change le nom mais le fond reste le même. Le pouvoir des élus est restreint, les forces de l’ordre contrôlent la vie quotidienne, les marches et les manifestations sont interdites et les arrestations de longue durée sont parfaitement légales.

 

Une liberté de la presse muselée. Il n’existe qu’une seule chaîne de télévision surveillée par le régime servant à la propagande. En effet, l’audiovisuel ne peut recevoir des fonds privés pour augmenter le panel. Les journalistes ayant le malheur d’accuser le président dans leurs livres sont mis sous les verrous ou condamnés à des amendes létales tellement elles sont élevées. Pour finir, depuis 2005 c’est la santé défaillante de Bouteflika qui fait la une des journaux. A chacune de ses apparitions, il semble de moins en moins vaillant et apte à endosser une nouvelle fois le costume présidentiel même si les voix officielles nous affirment le contraire.