Plusité …

(à la manière de JM…)

Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde.

Dans son sketch fameux, La publicité, Coluche avouait sa perplexité : « … moi, blanc, je sais ce que c’est comme couleur … C’est blanc ! Moins blanc que blanc, je me doute. Ca doit être gris clair. Mais plus blanc que blanc, qu’est-ce c’est comme couleur ? C’est nouveau, ça vient de sortir ! Ah bon !… »

 

Je n’ai pu manquer de m’en souvenir lorsque j’ai entendu début mai l’information selon laquelle, pour la première fois, le salaire médian des femmes était devenu de 3 % supérieur à celui des hommes. C’était au Luxembourg, bon… Mais le commentaire ajoutait : « Voilà une belle victoire de l’égalité ».

Je dois vous le confier, parodiant le parodieur : l’égalité, je sais bien ce que c’est, comme valeur. C’est l’égalité ! Etre moins égal, même si ça heurte le bon sens, ça veut dire être soumis à une domination. Mais quand certains se mettent à devenir plus égaux que d’autres, là, je l’avoue, je patine un peu. D’où la nécessité de créer ce néologisme, plusité. Après tout, Frédéric Dard ne disait-il pas : « On a le droit de violer la langue française, à condition de lui faire de beaux enfants » ?

Afin que ne me soit pas reproché de ne citer que des références de pacotille, je m’empresse de rappeler que Françoise Giroud avait prophétisé dès le 11 mars 1983 (devenue entretemps « Journée mondiale de la plomberie » -si, si-, sans qu’il existe le moindre lien de cause à effet) que « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente ».

Qu’il me soit permis de penser que cette étape a depuis beau temps été franchie, non pas seulement lorsqu’une certaine personne (que je ne nommerai pas) avait été nommée, elle, à la justice ; mais, au moins, depuis que, très longtemps auparavant, une autre avait oeuvré de façon éphèmère  à Matignon, moins d’une décennie après la pétition de l’ex secrétaire d’Etat à la Condition Féminine de Giscard !

Il est vrai que si la ci-devant directrice de L’Express, poussant au comble sa logique, avait plutôt déclaré que la femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où on aurait nommé, à des postes importants, autant de femmes que d’hommes incompétents, ce point d’équilibre n’aurait pas été près d’être atteint, tant le handicap initial était lourd.

A l’approche des épreuves du Bac, je serais tenté de proposer un sujet de Philo, laconique comme il se doit : « Le changement est-il nécessairement un progrès ? ». Nous en avons si quotidiennement disserté durant le précédent quinquennat qu’un autre serait bienvenu : « L’égalité est-elle souhaitable à tout prix ? ». Un candidat bien inspiré pourrait alors le traiter en plaçant la prévalence du cancer du poumon en contrepoint du niveau des salaires !

Pour être franc, je n’avais pas encore remarqué que la partie inférieure du pictogramme sensé symboliser le genre féminin (ou femenique ?) prenait la forme d’un « + ». Mesdames, mes sœurs, je vous en conjure : que votre sagesse coutumière vous préserve de prendre cette coïncidence au pied de la lettre. Et de grâce, ne tirez pas prétexte de l’égoïste et imbécile ante-domination immémoriale (et hélas toujours, voire de plus en plus, contemporaine sous d’exotiques horizons) pour mettre tous vos efforts à prendre votre revanche.

Ne vous croyez pas tenues de faire en sorte que ce « détail » géométrique devienne un slogan. Toujours au nom du simple bon sens, il me plaît de faire remarquer que le symétrique d’un excès n’est lui-même qu’un autre excès, pas davantage sympathique, et qu’à choisir entre la peste et le choléra, mieux vaudrait encore ne pas choisir du tout.

Tôt ou tard, le sexe « fort » tombera de lui-même comme un fruit trop mûr. User du futur est même probablement une figure de style déjà surannée : il suffirait de constater lucidement  l’écrasante (et méritée) domination du genre féminin dans les résultats universitaires pour être plus d’actualité.

Michel Serres ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Il vient de publier (sans doute inspiré par le Pouce ! que Jacques Monnet donna ici le 11 février 2012) son (sa ?) Petite Poucette ; signe des temps :elle tient (temps présent) le monde dans ses mains !

Les prochaines heures diront si je ne viendrais pas, à mon corps défendant, de réussir « l’exploit » de me mettre à dos la moitié de l’humanité. Pourtant, quand je parle d’Homme, j’embrasse toutes les femmes. Décidément, c’est avéré : l’enfer est pavé de bonnes intentions !

 

PS : l’image d’illustration veut rendre hommage au regretté Paul Préboist, qui nous gratifia d’une série de plaidoiries parodiques et drolatiques. Il n’hésitait pas à y manier le pléonasme (« Monsieur le Président, je vous fais juge », concluait-il) et ses tirades débutaient invariablement par cette triade : « Monsieur le Président, Messieurs les jurés, Maman ».

Je me souviens plus particulièrement de ce mono-dialogue : « C’est quoi cette balance, derrière le Président ? C’est la Justice, Maman… Que dis-tu ? Elle penche ? C’est la justice, Maman ! »

 

Une réflexion sur « Plusité … »

  1. [b]Dès l’origine, la perfection n’étant pas de ce monde, le fait de prôner une égalité quel qu’elle soit (sauf en mathématiques) ne conduit à rien dans l’univers de l’humanité (les soit-disant « sciences » humaines), on pourrait choisir d’évoquer la plus petite inégalité possible, ce serait modeste, au lieu d’orgueilleux et plus juste, au lieu de faux.[/b]

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