Et de quoi ? Trois ? Une lettre au procureur, une plainte pour injures, une autre en diffamation. Plein feu sur Belfort, le septième blogue-notes le plus fréquenté du site du Nouvel Observateur, se retrouve sous les tirs croisés d’un député UMP  du Territoire, d’une adjointe au maire, et à présent du maire de Belfort, Étienne Buzbach, en personne. En cause, un lapsus de saisie (le s marqueur de pluriel, à « malversation »), peut-être une histoire de passation de marché en faveur de l’époux, entrepreneur, d’une adjointe au maire, et surtout, surtout… le détestable climat politique belfortain.

J’ai déjà relaté sur Come4News la polémique qui oppose certes le blogue Plein Feu sur Belfort à divers acteurs ou personnalités politique de la « cité du Lion », mais surtout l’opposition à la majorité municipale et les profondes fractures de cette majorité (très peu sur une ligne de clivage politique entre le PS et le MRC chevènementiste, surtout en fonction d’histoires de personnes, à savoir au premier chef et dernier sang,  le maire PS, Étienne Buzbach, et Christian Proust, MRC).

Ne rappelons pas, si ce n’est brièvement, les épisodes précédents, mais concentrons-nous sur la plainte en diffamation du maire, donc, de fait, de la municipalité (maire+adjoints, certain, comme Bruno Kern, à son corps défendant), contre le blogue Plein feu sur Belfort, animé par Philippe Belin. Lequel n’est autre que l’ancien dircom’ de la Ville et directeur des rédactions des supports municipaux.

Première salve, celle de Samia Jaber, peu avant Noël. Elle est adjointe au maire, son mari entrepreneur de travaux publics et sa société est attributaire (non majoritaire, loin de là…) d’un contrat de travaux publics. Rien à y redire, tout est conforme, et Samia Jaber n’a participé à aucun vote.
Mais voilà : « les attaques sont issues principalement de gens faisant parti de ma communauté et un en particulier se trouvant au sein du conseil municipal. ».

Admettons-le, elles sont viles, puisque les mœurs de l’adjointe sont évoquées (sans la moindre preuve, et peut-être avec intention de nuire à sa réputation… ou ses talents… intimes ou infimes… allez savoir). Un droit de réponse aurait sans doute suffi, mais du fait d’un commentateur mal « modéré », c’est la publication qui est visée.

Seconde volée de boulets, Philippe Belin évoque « des malversations » dans la gestion municipale sur Plein Feu. Aussitôt, le député UMP Damien Melot demande au parquet l’ouverture d’une enquête préliminaire et le fait savoir haut et fort dans la presse locale. Rétropédalage de Philippe Belin, qui évoque un « lapsus de saisie » (une coquille) et indique qu’il ne visait que le financement et l’achat d’exemplaires du livre Alstom à Belfort, dont un adjoint, Robert Belot, a assuré la direction éditoriale.

Troisième tir de batterie (Haxo ?), le maire, Étienne Buzbach, ne se contente pas du rectificatif, plutôt mesuré car valant rétractation, mais, à son tour, porte plainte pour diffamation.

Affaire de cornecul

Alstom à Belfort, 130 ans d’aventure industrielle, a été imprimé en Chine pour « 20 000 euros pas plus », estime Philippe Belin, fort de son expérience d’éditeur. Un même coût aurait été imputé si l’ouvrage avait été imprimé dans l’Union européenne, par exemple en Roumanie et Bulgarie, et là, c’est moi qui l’estime (en qualité identique). Mais passons…  R. Belot et Pierre Lamard, codirecteurs d’ouvrage, auraient pu lancer une souscription.

Cela aurait peut-être permis de revenir autrement sur « la grève du centenaire », déclenchée par le fait que l’ensemble du personnel non cadre dirigeant s’était vu, à l’occasion du centenaire d’Alstom, doté d’un quasi-hideux décapsuleur maison (fabriqué dans les ateliers de la société). N’oublions pas que la grève fut longue et dure (avec baisser de rideaux des commerçants et explosion non fortuite de la motrice d’un TGV en attente d’être livré à la SNCF). Mais glissons.

Il n’y a ni malversation, ni abus de bien social : la Ville acquiert mille exemplaires, et la société ainsi que son comité d’entreprise 1 200, l’UTBM (l’université technologique) en prend 300.

Le bouquin, de plus de 370 pages, d’un format et d’un poids en rapport (2,3 Kg), est commercialisé par ailleurs à près de 66 euros (près de 63 chez Decitre,  via Amazon et consorts). Un prix qui n’est guère dissuasif pour les collectionneurs de livres sur les trains, ni pour les bibliothèques spécialisées en histoire industrielle. Et puis, il y a d’autres amateurs (tenez, par exemple, la justice suisse a condamné Alstom Network Schweiz à verser 31 millions d’euros, le groupe ne versant qu’un million de francs suisses et renonçant à une procédure d’appel).

Mais bon, Philippe Belin estime (estimation basse, à mon humble avis) les bénéfices à 80 000 euros (hors précommandes supra). « C’est l’éditeur qui a tout pris ? On est très généreux à Belfort envers les éditeurs », conclut Plein Feu. Ce qui n’est guère répréhensible.

Mais politiquement, c’est une « çonnerie », comme la dénommerait Le Canard enchaîné.

Anasthasie, anesthésie…

Les ciseaux de Dame Anast(h)asie, si l’affaire avait de fâcheuses suites judiciaires, vont-elles replonger Belfort sous anesthésie ? Que nenni ! Comtois, rends-toi ! Plutôt la (mauvaise ou bonne) foi…

Christophe Grudler, qui vise la mairie pour une formation centriste (on verra laquelle le moment venu), a évoqué « une chape de plomb », et l’adjoint aux Finances Bruno Kern en appelle au cessez le feu en plein : tentative de médiation qui n’a pas fait fléchir le maire et néanmoins ami…

On attend à présent l’entrée de Christian Proust en lice. Quand, pour ravir la mairie à son ex-camarade, on lance une association « Oser le débat », il faut se faire reconnaître dans celui-là, non ?

Ce qui devrait se solder par une bataille de boules de neige sur la Place d’armes va sans doute amplifier le sentiment des Belfortaines et Belfortains selon lequel tout est bon pour raviver de vieilles querelles. Aux élections cantonales, Alain Dreyfus-Schmidt, fils du regretté Michel qui, avec le non moins regretté Raymond Forni, s’était maintes fois opposé à Jean-Pierre Chevènement (et pas qu’en coulisses, car à Belfort, il faut donner de la voix, prendre tout le Territoire à témoin), avait créé une association au nom éloquent : Revenons à gauche 90. Ambition, regrouper « la vraie gauche ». Fin mai 2007, il se retrouve exclu du PS. On le retrouve donc au PRG.

Il s’est rallié Ghani Niame, ancien du PCF. Bah, on avait bien vu des communistes, et même des centristes, rallier Jean-Pierre Chevènement et la majorité municipale d’avant la désertion du maire, passé du MRC au PS. Mais, là, côté Christian Proust, on le suppute prêt à faciliter les manœuvres du Modem, voire de l’UMP… Ambiance.

Culture du cœur… et du portefeuille et maroquin

Ce qui est farce, c’est de lire par exemple : « la presse locale, frileuse tel Marseillais au Gröenland », de la part d’un anonyme commentateur de Plein Feu. On peut la comprendre : elle aussi, par le passé, a connu quelques procès (dont certains mérités, à mon humble avis, lorsque L’Est Républicain avait détaché un bretteur, Jacques Richard, pour se jeter dans la mêlée).

Du coup, Philippe Belin et Plein Feu relèvent le gant.

Le maire porte plainte ? « On y va, je suis prêt, nous sommes prêts. La justice tranchera. Et nous allons gagner tous ensemble », réplique Plein Feu.

Diantre ! Mediapart aurait-il fait d’autres émules que Factuel.info « journal en ligne participatif sans pub en Franche-Comté », de Daniel Bordur et Roland Vasic, qui aura bien besoin de Michèle Tatu (ex du Pays de F.-C., spécialiste du cinéma, pour se lancer sur ce théâtre d’opérations multiples.

Pendant que gauche (vraie, fausse, contrefaite, fausse-vraie, vraie-fausse, tonique ou Canada Dry, c’est selon…) et droite se canardent, avec de faibles divisions et de fortes dissensions (pire que les Touaregs au Sahel), Cultures du Cœur, association bisontine (et régionale) culturelle soucieuse des « précaires et des plus démunis » baisse le rideau définitivement.

L’initiative consistait à distribuer des invendus de places de spectacles à des sans le sou. Les collectivités ont cessé de soutenir. Pour le spectacle des déchirements belfortains, avec Plein Feu, ils sont gratis aux premières loges. Comédiens et tragédiens se surpassent…

Débats ou rumeurs ?

Plein feu passera-t-il la rampe de ces plaintes en justice ? Le risque, pour les plaignants,  mais aussi d’autres, est que la, les rumeurs l’emportent sur les débats.
Si c’est leur choix, ils risquent de s’en brûler encore plus fort les doigts.

Il fait souvent frisquet à Belfort, mais Belfortaines et Belfortains sont plutôt du genre Méridionaux au soleil de la Corse, au moins en tout cas pour s’invectiver. Si Plein feu s’éteint, les braises risquent d’être davantage incandescentes. Celles et ceux qui pensent faire tirer les marronniers (de la Place d’armes) du feu risquent davantage que des escarbilles si la chape de plomb (du kiosque à ritournelles grinçantes) se mettait à fondre en crépitant.

Sur un site, on s’explique ; contre la rumeur, on ne peut souvent rien. Et même, parfois, la rampe, la barre d’un tribunal, n’y peut plus rien : elle devient gril. À Belfort, point d’hippodrome, mais des drones (enfin, un escadron d’opérateurs de vol de ce nom), et des plus furtifs. Dont l’emploi, surtout ceux de la section Boomerang, est malaisé.