Après l'ovni psychédélique "Piper at the gates of dawn", du en grande partie au génie schizophrène de l'énigmatique Syd Barrett, c'est un Pink Floyd en phase de transition qui se présente avec ce second opus "Saucerful of secrets".
Un Pink Floyd dans la tourmente et le doute. Syd Barrett, leader incontesté et songwriter principal a, à coups de drogues dures, sombré dans une schizophrénie sans fin et se révèle rapidement non seulement incapable de tenir son rang sur scène. Pire, les séances de répétition deviennent quasiment impossible, ce dernier oubliant littéralement de s'y présenter.
C'est dans ce contexte que l'enregistrement de l'album s'est fait, en grande partie sans Barrett.
Afin de faire face à ce quasi renoncement, le groupe a fait appel à un jeune guitariste qui deviendra l'un des éléments clés de la formation par la suite : David Gilmour
On ne retrouve Syd que sur une chanson, mais pas des moindres : Jugband Blues. Titre qui retranscrit fort bien l'état dans lequel il s'était retrouvé. Ce charme emprunt d'une naïveté propre au 1er album, dont les mélodies barrées laissent entrevoir un esprit devenu incontrôlé.
Hélas, le reste de l'album se révèle assez inégal, bien que tout commence pour le mieux avec "Let there be more light", dont on sent les influences de Syd Barrett.
Cette influence, on la ressent sur la majeure partie de l'opus, comme avec "Remember a day" ou l'excellent "Corporal Clegg", composé par Waters, mais qu'on aurait volontier imaginé sorti de l'esprit étriqué de Barrett.
Sans doute, Roger, David, Rick et Nick ont misé sur une certaine continuité de "Piper at the gates of dawn", sans trop chercher à s'aventurer dans quelque chose d'autre. Ou bien ne s'estimaient t-il pas encore prêt à forger leur propre personnalité artistique. Difficile à dire.
"Set the control for the heart of the sun" est un autre ovni musical, qui s'appuie sur la répétition d'un motif mélodique pour le moins intriguant, accompagné de percussions et de l'orgue hammond de Rick Wright et la voix nonchalante de Waters, qui murmure presque son texte.
Le titre éponyme ressemble plus à une plage d'ambiance qu'à un véritable morceau, et admettons que l'essai n'est pas convaincant.
Pas grandement convaincant non plus le progressif "See saw".
Au bout du compte, "Saucerful of secrets" brille par son inégalité. On sent un groupe qui se cherche, et qui tente de poser les bases d'un son et d'un style pas encore vraiment choisi.
Par ailleurs, on entend peu la guitare de David Gilmour, qui essayait davantage de sonner comme son prédécesseur, que d'apporter sa touche personnelle.
Pourtant, à partir de l'album suivant, Pink Floyd se sera totalement défait de l'emprise de Syd Barrett et aura défini son propre genre.
Le groupe deviendra ce que l'on sait, et Syd Barrett se fera de plus en plus discret, pour ne pas dire invisible, tandis que Waters et Gilmour prendront les rennes, dans une atmosphère qui deviendra rapidement électrique entre les 2 musiciens.
Gloire au génie de Barrett, et a celui de Rick, qui vient de rejoindre la voie stratosphère…