Phoenix

Réalisateur : Christian Perzold

Date de sortie : 28 janvier 2015

Pays : Allemagne

Genre : Drame historique

Durée : 98 minutes

Budget : N.C

Casting : Nina Hoss (Nelly Lenz), Ronald Zehrfeld (Johnny Lenz), Nina Kunzendorf (Lene Winter)

Le festival Télérama a pour but de faire découvrir ou redécouvrir en salle, dans un délai très limité, des chefs d’œuvre de l’année qui vient de s’écouler. Une nouvelle occasion de s’émerveiller, de s’émouvoir, d’être chaviré, remué, saisi par ces merveilles cinématographiques en tout point de vue. Une sélection de films intelligents, dérangeants, divertissants, pour cinéphiles amateurs mais pas que. Tout cela est également pour le grand public, comme une main tendue qu’il faut saisir pour voir autre chose que des blockbusters explosifs et pas très fins. Phoenix fait partie de cet élite, de cet écrémage savamment organisé. 

La guerre a bien fait des malheurs mais Nelly a survécu aux camps de concentration. Dorénavant son but est de retrouver son mari Johannes. Dévisagée par les atrocités commises par les nazis, elle doit subir une opération chirurgicale afin d’avoir une tête potable et reprendre une vie normale. C’est alors sous un tout nouveau profil et sous un nouveau nom, Anna, qu’elle parvient à mettre la main sur son époux, celui-ci a troqué son costume de musicien pour un tablier de serveur au Phoenix, bar miteux où les américains victorieux profitent des joies des bas fonds de Berlin.

Ce qui ressort de ce film c’est un envoûtement long et pénétrant à l’image de cette chanson « Speak Low » berçant la narration plusieurs fois de ses notes. Une vieille chanson d’une autre époque racontant un amour impossible entre un pygmalion et sa muse. Le rythme est lent mais loin d’être un défaut, c’est une véritable force. Il nous envoûte comme un serpent resserrant progressivement son étreinte. Le titre est divinement bien trouvé car il résume à lui seul l’essence du film, celui de la renaissance. Durant cette heure et demie, on suit Nelly, incarnée par une Nina Hoss exceptionnelle, dans sa reconstruction et sa résurrection. Elle, sortie des camps de la mort, sans âme, sans identité, qui subit une chirurgie esthétique miraculeuse et parvient à retrouver un semblant de vie. Sa métamorphose est complète, d’une femme recouverte de bandages, marchant comme une prisonnière hagarde et naïve, elle devient une belle femme flamboyante pleine d’assurance et d’entrain. Une transformation sublimée par la scène finale où le phénix prend son envol, déployant ses ailes de feu, subjuguant les personnes autour de lui.

Phoenix est un véritable jeu de dupes et une étrange histoire d’amour. D’un côté une relation décimée par la guerre, celle de Johannes et de Nelly séparés de force par des militaires froids et hostiles, et de l’autre, une idylle naissante entre le même homme et Anna, la même femme dans une enveloppe différente. Les deux forment un couple de convenance, Johannes est trouble, voit-il en Anna juste un moyen de toucher l’héritage de Nelly ou bien ressente-t-il quelque chose pour elle ? Mais peu importe, cette fraude est pour Anna l’occasion de redevenir Nelly et de se rapprocher de l’homme qu’elle a aimé. Ce Johannes incarné par un Ronald Zehrfeld fantastique, une gueule d’ange sur un corps de rugbyman. Personnage mystérieux, au comportement ambigu, a-t-il vraiment trahi sa femme en la vendant aux nazis pour sauver sa peau comme un lâche et a-t-il vraiment aimée ?

Ce récit est une réflexion sur le retour à la vie normale après une expérience mortelle, destructrice bouleversant la vie à jamais. Une reprise du quotidien marquée par le pardon et faire semblant de rien, que cette sauvagerie n’a été qu’une parenthèse, un cauchemar dont il faut se réveiller. Le réalisateur aime parler de l’histoire allemande, il l’avait si bien fait avec l’Allemagne de l’Est dans Barbara, film réunissant déjà ce casting efficace. Dans Phoenix, il s’agit de l’après guerre, d’une Allemagne en ruines qu’il faut reconstruire. Cette ruine a une connotation forte car elle résume à elle seule la relation entre Nelly et son « Johnny », avec cette scène où leur maison n’est plus qu’un trou béant entre deux immeubles détruits. Phoenix est un film à voir et à revoir.

Une réflexion sur « Phoenix »

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