20 décembre 2013 : la fin de Presseurop ?

Le site d’informations générales Presseurop, l’un des plus « localisés » en diverses langues pratiquées dans l’Union européenne, lance une pétition. En cause, le non-renouvellement de son financement par l’UE. La direction générale de l’a Communication, chapeauté directement par Viviane Reding, semble avoir d’autres priorités.  

Étonnant. Le parlement européen a voté une augmentation du budget de « Bruxelles », en prenant notamment en compte que la Commission nécessitait de communiquer davantage. Sur quoi au juste ?
Sur la pénalisation des clients des prostituées qu’à présent chaque pays est censé réclamer pour contrer l’affluence de prostituées françaises ou venant de France sur son territoire ?
Un puissant lobby revendique le droit exclusif de communiquer sur le sujet de la prostitution à juguler en taxant, puis emprisonnant, les « violeurs-prostitueurs » (soit, non pas les proxénètes, mais les clients), et cela mobilise bien sûr des moyens…

Ce n’est sans doute pas la seule raison – qu’il faut savoir garder – de la suppression du financement du site Presseurop (.eu), qui diffuse en dix langues (du tchèque au roumain, en passant par le néerlandais, le polonais, le portugais, et bien sûr des langues plus usitées en Europe, dont le français), et risque de se mettre en drapeau le 20 décembre prochain.

La rédaction, sur Change.org, a lancé une pétition adressée à la Commission européenne. Le texte (en anglais) a été approuvé déjà par près de 12 000 signataires (et dépassera sans doute le plein souhaité : 15 000). 

Presseurop avait été lancé en 2009 et outre la diffusion des nouvelles et actualités les plus importantes (voire les plus insolites) le site a donné déjà la parole à plus de 1&nbsps700 experts, intellectuels ou sachants, femmes et hommes provenant de l’ensemble des pays de l’Union européenne. Dans un rapport du cabinet Deloitte, diffusé le 13 novembre 2012, et intitulé Interim Evaluation of Presseurop, toutes les personnes sollicitées se félicitaient de l’existence du site. Et encore faut-il remarquer que l’enquête n’a porté que sur l’Allemagne, la France, la Hongrie, l’Italie et la Pologne. La Roumanie, par exemple, aurait-elle été prise en compte, que les éloges et appréciations pouvaient être plus enthousiastes. Ce n’est pas que la Roumanie ne dispose pas d’une presse de qualité, mais il semble que Presseurop était encore plus vivement apprécié (à mon humble avis) dans ce pays que dans d’autres.

D’ailleurs, c’est grâce à Mircea Vasilescu, d’Adevarul (.ro), que j’ai été alerté. Certes, le site ne dépasse guère les 600 000 visiteurs mensuels (alors que, peut-être, ceux de Nabila ou de Miley Cyrus ont, font ou feront beaucoup mieux, dont acte). Mais il suffit de consulter les commentaires pour constater leur qualité et partant, celle de leurs auteur·e·s (un système de traduction des commentaires permet de le vérifier).

Mircea Vasilescu remémore que des millions et des millions de brochures sont imprimées par la Commission (eh, toutes ne sont pas superflues ; notamment, celles du Bureau de la traduction, en particulier le Guide de rédaction interinstitutionnel, sont – très – souvent précieuses, voire indispensables). Mais que dire des « milliers de séminaires », conférences, colloques, &c., dont ceux financés pour le simple profit des participant·e·s (par ex., entre autres, celle, du 30 septembre dernier, ayant permis à Najat Vallaud-Belkacem de préparer les esprits pour faire passer la loi de pénalisation des clients de la prostitution : la reine Mathilde de Belgique, la commissaire européenne Cecilia Malmström, et une floppée d’expertes de ce haut niveau étaient de la partie et du buffet dînatoire).

Oui, parfois, la Commission jette de l’argent par les fenêtres. Effectivement, les partis populistes en font de tonitruants thèmes de campagne. Les mêmes d’ailleurs, s’empressent d’aller siéger à Strasbourg, et tout comme l’ultra-libéral Alain Madelin (en tant que maire, notamment) pompent un maximum de fonds et subventions européennes.
C’est peut-être en prévision d’un afflux de parlementaires européens nationalistes et populistes qu’il a été décidé de couler Presseurop. Car le site, fort bien fait, aux contenus forts pertinents, n’a pas vraiment grand’ chose pour leur plaire. D’ailleurs, Martin Schultz a estimé que « à six mois d’un scrutin que les partis hostiles aux valeurs européennes se promettent de dévoyer, la disparition d’un média paneuropéen est une très mauvaise nouvelle ». 

Les médias européens, qui rognent sur tout et notamment sur les correspondances à l’étranger, apprécient aussi fortement Presseurop.  Mais, comme par hasard ?, en suivant le mot-clef (ou dièse) #SavePE, on constate que ce sont plutôt des journalistes que des patron·ne·s de presse, ou des animatrices ou speakers (on nomme ceux-là des redchefs d’antenne, on se demande pourquoi) qui se manifestent.

Martin Schultz, président du Parlement européen, a quand même considéré que « le rôle de Presseurop est essentiel ». La section du Parti socialiste français à Berlin semble tout à fait de cet avis. Mediapart en profite pour placer son sujet « Medias européens : le maquis des financements publics ». C’est vrai que ce n’est pas hors-sujet. Cela étant, un hommage rendu aux consœurs et confrères de Presseurop eut été mieux venu.

EuropaNova et d’autres organisations ont signé la pétition et une page Facebook a été lancée.

Selon le site Sauvons l’Europe (sauvonsleurope.eu), la Commission aurait souhaité ajouter ses propres contenus à ceux de Presseurop. Par ailleurs, des organes de presse auraient estimé que le site leur faisait de l’ombre, les concurrençait en étant subventionné. Presseurop est piloté par un consortium de titres, dont Courrier international (et Courrier internacional, Forum et Internazionale). 

Visitez le site si vous ne le connaissiez pas déjà (la plupart de celles et ceux écrivant assidument pour Come4News sont des familiers de Presseurop). Vous trouvez, traduits (ou non pour ceux du Figaro ou de La Tribune, du Soir, par exemple), des articles de Die Welt, du Financial Times, d’Eleftherotypia, de La Stampa, du Tageszeitung, &c. Certains sont donc critiques à l’endroit de la Commission ou des institutions européennes.

Le blogue-notes associé au site donne plus souvent la parole à la rédaction (et aux traductrices et traducteurs des articles sélectionnés). Parfois, des correspondant·e·s de titres européens en divers autres pays européens s’y expriment (par ex., Chloé Emmanouilidis, une Franco-Grecque, qui collabore à CyprusNews). Katja Petrovic (journaliste allemande au patronyme mitteleuropéen, disons ainsi) y commentait la rentrée politique en France. La rédaction est forte d’une dizaine de journalistes, qui ont toutes ou tous une forte expérience internationale (parfois extra-européenne).

Comme dans Courrier international, les caricatures ou cartoons figurent toujours en bonne place (celui de Pierre Kroll sur l’Ukraine et l’Europe pour Le Soir me semble significatif : Presseurop serait très certainement immensément apprécié en Ukraine où une partie de la presse est soumise aux autorités, certes parfois antagonistes). C’est l’occasion de saisir comment le veto français (bien compréhensible) contre l’abandon progressif des sessions parlementaires à Strasbourg peut être perçu hors de France. 

Mais Presseurop est aussi fait par ses lectrices et lecteurs.
Certains suggèrent des articles parus dans d’autres titres de la presse européenne. Ou des contributions parues sur des blogues.
Ces suggestions ou recommandations figurent en bonne place sur la page d’accueil du site.

Pour soutenir Presseurop, signez bien sûr la pétition, mais abonnez-vous aussi à son bulletin de liaison (ou newsletter, en fançais ou en la langue de votre choix).
Augmenter la fréquentation du site est aussi un bon moyen de faire fléchir la Commission européenne.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

4 réflexions sur « 20 décembre 2013 : la fin de Presseurop ? »

  1. Presseurop est un agrégateur de la presse européenne et de ce fait [u]extrêmement intéressant[/u] sauf que les commentaires sont parfois supprimés par certains intervenants dont l’orientation politique ne fait aucun doute. Dès lors que la charte du site est respectés (injures, dénigrement, mise en cause nominale à l’instar de notre propre site) la libre opinion politique de chacun doit être abstraite de toute censure, non ?
    rappel : [url]http://www.presseurop.eu/fr[/url]

  2. Intervention de Martin Schulz président du parlement européen :
    “Le rôle de Presseurop est essentiel”
    [url]http://www.presseurop.eu/fr/content/blog/4390701-martin-schulz-le-role-de-presseurop-est-essentiel[/url]

  3. A la fourrière, les chiens perdus sans collier, et qu’on n’en parle plus… après castration, s’entend…

    ça s’éduque tout petit, ces bêtes-là; après, c’est trop tard.

  4. Histoire de change de sujet – enfin, peut-être pas…

    [url]http://www.20minutes.fr/sciences/1262717-20131212-bretagne-va-t-elle-droit-vers-lapocalypse[/url]

    [url]http://www.lepoint.fr/monde/jerusalem-lutte-contre-une-tempete-de-neige-historique-13-12-2013-1768825_24.php[/url]

    C’est les nouveaux wargames.

Les commentaires sont fermés.