Amalgame et insultes dans sa chronique sur France Inter.

 

Dans sa chronique matinale hebdomadaire sur France Inter du 20 février dernier, qui nous avait échappé, Philippe Val, le patron de (ce qu’il reste de) Charlie Hebdo, abordait le thème du négationnisme. Après des considérations générales sur l’état d’esprit de ceux qui nient les génocides et sur le fait que "la négation des crimes de masse est aujourd’hui tendance" (ah bon ?), il cite le déni de la shoah (mentionnant l’évêque Williamson et Faurisson "montant triomphalement sur la scène du Zénith", à l’invitation du triste Dieudonné), des livres qui contestent le génocides des Tutsis, "les dizaines de millions de morts de la révolution culturelle chinoise passés sous silence" et les Khmers et les Arméniens, "obligés de se battre pour prouver qu’on les a bien massacrés". Passe encore à la limite, jusque-là, même si on se demande bien qui conteste l’existence des victimes des communismes chinois et khmer et quel livre nie le génocide des Tutsis, craignant en l’occurrence qu’il ne songe à celui de Pierre Péan – cible à la mode des néo-cons depuis son attaque de Kouchner -, alors que ce dernier ne nie évidemment pas le génocide mais accuse Paul Kagamé, l’actuel chef de l’Etat rwandais, d’être également un génocidaire (de Hutus, lui). Ce qu’il est assurément. Mais comme Val ne nomme pas Péan, accordons-lui le bénéfice du doute. Reste de sérieux dans sa liste, qu’il précise pourtant non-exhaustive, la négation des génocides dont furent victimes les juifs et les Arméniens – ignoble révisionnisme s’il faut le préciser. Mais il fallait à Val une longue énumération, pour montrer à quel point le négationnisme était "tendance" (son postulat de départ), embarquant du coup avec lui la révolution culturelle de Mao et les crimes de Pol Pot, pour faire nombre, avant d’en arriver au dérapage final : "Il parait que les thèses consistant à nier la réalité des attentats du 11 septembre convainquent à peu près 10% de la population française ce qui, sauf leur respect, fait quand même un sacré paquet de sales cons." Suit pour conclure le réquisitoire d’Internet, habituel chez Val, qui l’accuse d’être l’ "égout idéal par où s’écoule cette pourriture".

Alors d’abord, ce n’est pas la réalité des attentats qui est niée mais la version officielle qu’en a donnée l’administration Bush. La phrase de Val est scandaleusement mensongère, et c’est du reste ce qui lui permet de faire zerol’abject amalgame entre la négation de l’holocauste et la contestation des thèses à dormir debout qu’on nous a servies à propos du World trade center. A ce sujet est sorti récemment le film italien Zero, enquête sur le 11 septembre, du réalisateur Franco Fracassi, journaliste et documentariste, avec la participation du député européen Guilietto Chiesa, du prix Nobel de littérature Dario Fo et du dramaturge américain Gore Vidal. Qu’en dit la presse de la péninsule ? « Zéro car il démarre du néant qu’a constitué l’explication officielle proposée par le gouvernement américain sur la tragédie du 11 Septembre… » : La Stampa ; « Un ensemble de contradictions, de lacunes et d’omissions d’une gravité impressionnante. Confirmant que la version officielle prend de plus en plus l’eau de toute part » : Il Corriere della Sera ; « Une enquête journalistique rigoureusement menée » : Il Quotidiano della Sera ; « La méthode d’argumentation est redoutablement bien pensée. D’une grande lucidité et détermination, les idées sont développées de manière très claire » : Mario Sesto, directeur de la partie "hors compétition" du Festival international du film de Rome 2007 ; « Un film à voir ! Pendant deux heures, les voix du prix Nobel Dario Fo, et celles de Lella Costa, Moni Ovadia et Gore Vidal relient images et témoignages, attaquant la version officielle et la réduisant à une mauvaise plaisanterie… » : La Repubblica (2e quotidien italien) ; « La tragédie du 11 Septembre est un sujet toujours brûlant. Zéro, Enquête sur le 11 Septembre aide à faire preuve de bon sens vis-à-vis de ce thème » : journal télévisé de la RAI 1 ; « La bombe, à la Festa del Cinema (le Festival de cinéma de Rome), s’intitule Zéro. Un documentaire incendiaire. Un rythme à couper le souffle. La leçon du documentaire américain est retenue : il est possible de divertir et d’informer dans un même élan dramatique… Les personnes interviewées sont des ingénieurs, pilotes, hommes politiques et ex-agents américains sincèrement patriotes, qui n’ont pas du tout le look d’extrémistes de gauche favorables à ben Laden » : Il Messaggero.

pvY aurait-il ainsi "un sacré paquet de sales cons" dans la presse italienne ? On voit bien qu’il règne en France sur ce sujet tabou une omerta assourdissante. Mais Val est-il vraiment obligé d’insulter 10% de la population française, sur une radio publique financée par leurs impôts, non pas dans l’emportement d’une discussion mais dans une chronique écrite, pensée sciemment ? Et finalement, qui est le plus un "sale con", celui qui remet légitimement en doute l’abracadabrante version officielle ou celui qui l’avale toute crue, se permettant en outre d’excommunier ses contradicteurs, avec toute sa morgue et son mépris, en les comparant aux négationnistes de génocides ? Tout bien pesé, Val est vraiment "un sacré paquet de sales cons" à lui tout seul.

 

PS : L’illustration représentant Val en uniforme est le dessin réalisé par Plantu en réaction au licenciement de Siné pour antisémitisme, affaire dont l’épilogue fut la relaxe du caricaturiste poursuivi à ce titre par la Licra.