les mutineries.

A lire Mutineries de 1917 ,

«Les héros se révoltent»

De l’Union Nationale des Anciens Combattants et victimes de guerre.

Support Wikipedia L’échec, le 16 avril 1917 de la percée décisive tentée par le général Nivelle au Chemin des Dames, suite 5, entraîne une crise grave et complexe au sein de l’armée Française. Les soldats refusent de se faire tuer dans des offensives qui n’aboutissent qu’à des résultats nuls ou insuffisants ne conduisant qu’a des pertes. Brusquement, dès le 17 avril, apparaissent et se multiplient des actes collectifs d’indiscipline, les combattants refusent de remonter en ligne pour attaquer. Mais ils acceptent encore de se défendre, de ne pas laisser s’ouvrir le front, «Quand on les voit attaquer, on tire dedans… ». A lire absolument le choc de l’offensive de Nivelle au Chemin des Dames.

L’impuissance de l’infanterie, quelque soit le courage à rompre un front fortifié soutenu par la puissance du matériel, a conduit à une immobilité décourageante du front. Une caricature traduit bien cette impression. Une estafette arrive et annonce à un État-major une nouvelle qui ne souffre aucun retard, «la victoire est encore plus importante que celle déjà annoncée. Le gain de terrain de 2 mètres 50 est à augmenter de 3 centimètres !» Or, après l’épuisante année 1916, Verdun et la Somme, le général Nivelle avait mobilisé pour son offensive ce qui restait d’espérances. Son échec entraîna soudain un découragement, qui est à l’origine de la crise à laquelle un mécontentement ancien a donné une plus large assise. Car la crise a uni deux courants de nature différente dont les effets se conjuguèrent sans se mêler, et s’additionnèrent sans se confondre. Pour l’enrayer, il fallait faire disparaître le mécontentement, avoir des égards pour les combattants, et surtout, redonner l’espoir de la victoire. Comment le faire renaître ?

L’offensive du 16 avril n’avait-elle pas été placée sous le commandement de Nivelle et de Mangin, dont la réputation d’offensif n’était plus à faire, et dont les noms seuls présageaient la percée et la victoire. Or, ils ont échoué, le front n’a pas été rompu. Cependant, à Londres le 15 janvier 1917, Nivelle avait assuré, «nous romprons le front quand nous voudrons !» Et le 8 avril, Mangin dans ses instructions ordonnait que l’exploitation «… sera entamée aussitôt après la rupture, vers H+8» . Alors, quand et avec qui le front sera-t-il percé ?

De surcroît, la situation est sombre pour les Alliés en ce printemps de 1917. La première révolution Russe, le 15 mars, Nicolas II abdique, cela signifie que le poids du front Russe sur les armées Allemandes pèsera de moins en moins, et que même le second front peu disparaître. La guerre sous-marine à outrance était apparue d’emblée comme une menace majeure, le tonnage coulé en 1917 représentera 47% des pertes de la guerre. L’entrée en guerre des États-Unis semblait compenser ces menaces. Mais quand pourra se faire sentir, sur le front occidental, le poids de leurs forces armées qui sont à créer et à transporter ?

p-tain_1917.1291389730.jpgIl faut donc enrayer rapidement la crise d’indiscipline qui affaiblit la principale force terrestre de la coalition alliée, et qu’il faut dissimuler à l’ennemi. Seul, un tiers des unités n’ont pas connu de mouvements collectifs de désobéissance. Le général Nivelle n’a plus l’autorité nécessaire pour commander en chef, et d’ailleurs, il n’a pas compris les raisons de la crise. Il faut se tourner vers le général Pétain qui est nommé le 15 mai, général en chef. Sa nomination est trop tardive pour éviter la crise, mais elle crée les conditions d’un retour à l’obéissance et d’une guérison profonde de l’armée. Au début du conflit, il s’était confié à Henry Bordeaux et lui avait dit, «Ne souhaitez pas que mon heure vienne. On ne m’appelle que dans les catastrophes !»

petain_1928.1291477938.jpgPhilippe Pétain 1917.

La réussite rapide et complète du général Pétain l’a placé dans la situation du général Joffre après la Marne, il est devenu irremplaçable. Il peut dès lors, non pas continuer la guerre, mais en faire une autre qui conduit à la victoire. Ses mesures contre le mécontentement sont connues. La préparation de l’offensive d’avril avait entraîné une diminution du pourcentage des permissions de 13 % en général, et on était tombé au lancement de l’opération à 2%. Le général Pétain, non seulement en revint aux anciennes normes, mais il les augmenta audacieusement. Il décida de rattraper les retards et de porter les pourcentages jusqu’à 40, voire 50% pour les unités retirées de la bataille.

retour.1291389966.jpgIl permit que les combattants puissent surveiller les tours de permissions et protester contre d’éventuelles anomalies. Il donna la priorité aux trains de permissionnaires pour éviter que les permissions soient amputées par des attentes inacceptables dans les gares. Il décida également que les unités placées en repos ne le seraient plus dans des zones trop proches du front, et il veilla à la régularité du ravitaillement en vivres tout en luttant contre l’ivresse. Enfin, il surveilla l’application de ses ordres par de nombreuses visites aux unités contribuant à la restauration de la confiance dans le Haut Commandement. Très rapidement le mécontentement disparut, les soldats appréciaient «le grand repos système Pétain» et l’amélioration des permissions, dès septembre, elles donnaient satisfaction à 83% des combattants et à 88% en novembre.

Le moral était surveillé de près. Ainsi, loin de «fermer» l’armée, il l’a largement «ouverte». Il n’a pas cru à la thèse du complot pacifiste de l’intérieur qui conduisait ses grands subordonnés à souhaiter l’isolement de l’armée. Ses trois commandants de Groupes d’Armées avaient pourtant pris cette position. En particulier le général Franchet d’Esperey qui lui écrivait le 4 juin, «La situation est nette. C’est une organisation générale venant de Paris sous l’instigation des Allemands tendant à livrer la France à l’ennemi». Le général Pétain a, au contraire, jugé que la crise avait une origine militaire et qu’il fallait changer la manière de faire la guerre.

Dès le 19 mai 1917, il lançait la Directive N°1 qui abandonnait l’idée d’une rupture du front pour le moment, et qui orientait la guerre vers une usure de l’ennemi avec le minimum de pertes, grâce à des offensives à objectifs limités montées avec le maximum de moyens matériels, artillerie, aviation et chars. C’était aller au-devant des demandes des combattants et retrouver l’entente profonde entre le général en chef et l’Armée. Dès que cette nouvelle orientation stratégique et tactique de la guerre s’est traduite sur le terrain, les mutineries cessèrent. Le général Pétain voulait donner un rôle à l’aviation. Dès la bataille de Verdun, il avait estimé qu’elle pouvait permettre le retour à une guerre de mouvement, et qu’elle jouait un grand rôle dans le moral devenu à ses yeux un facteur essentiel de la lutte. Il avait imaginé, dès Verdun, une tactique analogue, tout du moins, avec les moyens dont il disposait, à celle des Stukas en 1940 et compris qu’au moment où l’infanterie perdait une partie de son rôle tactique, elle venait d’acquérir un rôle stratégique nouveau et capital. Si les fantassins refusent d’attaquer, la guerre est perdue. À lire absolument les rapports du gouvernement et du Haut Commandement en France en 1917 .

tanks.1291390813.jpgIl a cru aux chars dès le 20 juin 1917, il a demandé que soit lancée la fabrication de 1 500 chars pour le printemps de 1918 et, lors de la bataille de La Malmaison en octobre 1917, il leur fait jouer un rôle important. Enfin, il n’attaque jamais sans une concentration très forte de l’artillerie. La guerre de 1914-1917 est finie. Celle de 1918, qui annonce la Seconde Guerre mondiale, commence. L’importance des changements apparait en pleine lumière lors de l’offensive de La Malmaison le 23 octobre, la veille de Caporetto. Le général Pétain osa relancer l’Armée française à l’assaut dans la zone des mutineries et de l’échec d’avril du général Nivelle. Et, cette fois, le Chemin des Dames tomba avec des faibles pertes: 16 000 hommes, dont moins de 2 300 tués, au lieu des 100 000 d’avril 1917.

Cette victoire illustrait la nouvelle conduite de la guerre, rendit confiance dans le Haut-Commandement et recréa l’espérance de la victoire. Dès lors, les mutineries étaient entrées dans l’histoire. Le général Pétain par son analyse exacte des origines de la crise et par les solutions qu’il lui avait données avait ouvert la route de la victoire de 1918. Il avait mis fin à une forme de guerre qui avait failli ouvrir la route de la défaite. Comme l’a écrit le général de Gaulle, « … quand il fallut choisir entre la ruine et la raison, Pétain s’est trouvé promu». Ainsi, la crise n’a pas gagné l’Armée en profondeur. Sur les 250 cas de mutineries, une centaine n’ont touché que moins de 50 combattants.

Rien n’est plus révélateur que les 2 000 hommes de la 41ème D.I. entourant le général Bulot que les soldats accusaient d’être un buveur de sang. Le général Mignot, commandant la division, mit fin à la manifestation en promettant de ne pas faire remonter la division à l’assaut. Et le mouvement n’atteignit pas la seconde brigade, celle du général Ollertis, qui ménageait le sang de ses hommes. Au total, ce n’est pas la répression sur laquelle ont courru tant de légendes, il n’y eut que 49 exécutions sur les 554 condamnations à mort, Raymond Poincaré ayant largement usé de son droit de grâce qui a mis fin aux mutineries. Ce sont les décisions du général Pétain qui ont permis de surmonter et d’éradiquer la crise. En 1917, le général Pétain a illustré le mot de Napoléon, «A la guerre, un homme est tout».

Du Doyen Guy Pedroncini, Sorbonne, Président du Souvenir de Verdun.

À lire absolument Pour en finir avec le «moral» des combattants par André Loez, extraits de Combats, hommage à Jules Maurin sous la direction de Jean-François Muracciole et Frédéric Rousseau, Michel Edouard Editeur 2010 .

Lire absolument 1914-1918 une guerre de tranchées.

Lire absolument les Français pendant la première guerre mondiale.

La suite 7 sera la victoire de la Malmaison.