la Résistance intérieure, suite.

Communistes, socialistes ne furent pas les seuls à s’investir dans la résistance. Il y eu les antifascistes, les gens de droite dure, les démocrates chrétiens, des Juifs, et aussi des femmes qui ont payé de leur vie leur engagement.

Moins nombreuses que les hommes les femmes ont joué un rôle tout aussi important bien que ne représentant que 15 à 20 % dont 15 % de déportées politiques, parmi elles,

Danielle Casanova militante communiste morte en déportation à Auschwistz, Lise London militante communiste capitaine arrêtée par la police livrée aux Allemands et déportée à Ravensbrück, Marie-Claude Vaillant-Couturier femme politique, Charlotte Delbo femme de lettres, Germaine Tillion ethnologue, Touty Hiltermann à sauvé un nombre important de pilotes ce qui lui a valu d’être décorée de la Présidential Medal of Freedom par le Président des États-Unis, Geneviève de Gaulle-Anthonioz nièce de Charles de Gaulle arrêtée et emprisonnée à Fresnes puis déportée à Ravensbrück, Yvonne Pagniez écrivain journaliste, Anise Postel-Vinay arrêtée pour faits de résistance déportée à Ravensbrück, Jacqueline d’Alincourt témoignage d’une résistante déportée à Ravensbrück.

Elles sont le plus souvent cantonnées à des rôles subalternes. Lucie Aubrac, résistante emblématique, cofondatrice de Libération-Sud, n’a en fait jamais eu de rôle défini dans la hiérarchie du mouvement. Hélène Viannay, la plume de son mari Philippe Viannay, le fondateur du mouvement Défense de la France, n’écrivant jamais d’article pour le journal clandestin du même nom, pas plus que les autres compagnes des chefs de DF, alors qu’elles assistent à toutes les réunions de rédaction. En revanche, Suzanne Buisson, cofondatrice du Comité d’action socialiste, CAS, en est la trésorière jusqu’à son arrestation. Une seule femme Marie-Madeleine Fourcade qui est l’une des femmes chef de réseau Alliance, faisait croire aux Britanniques que le vrai chef d’Alliance était un homme ! Aucune n’est chef d’un mouvement, d’un maquis ou d’un Comité de Libération, ni commissaire de la République ou ministre à la libération. Par contre, l’Organisation civile et militaire a une section féminine, présidée par Marie-Hélène Lefaucheux, qui est également membre du comité parisien de Libération et fut à la libération députée puis sénateur.

Touty Hiltermann joua un rôle décisif dans la fondation et le fonctionnement du mouvement Dutch-Paris. Germaine Tillion devint chef du réseau de Résistance de 1941 à 1942, plus tard homologué sous le nom de groupe du musée de l’Homme. Hélène Studler religieuse et résistante monta son réseau d’évasions. Des milliers de prisonniers, de réfractaires lui durent leur «liberté». Elle organisa l’évasion de François Mitterrand, de Boris Holban militant communiste fondateur du réseau des FTP-MOI en mars 1942 ainsi que celle du général Giraud le 17 avril 1942.

Seule une minorité très restreinte prit part à la lutte armée. Alors que les résistantes furent des figures emblématiques et nombreuses dans les mouvements de partisans en Italie, en Grèce, en Yougoslavie et en URSS occupées, elles furent peu nombreuses dans les maquis de France, non soumise au STO et n’eurent pas besoin de le fuir. Certaines prirent les armes, telle Germaine Lemaire qui abattit un sous-officier Allemand le 17 juin 1940, jour où Philippe Pétain appela à cesser le combat et annonça son intention de demander l’armistice.

Il faut aussi mentionner que d’innombrables combattants de l’ombre vécurent toute la guerre en couple, et que leur résistance fut impossible et invivable sans la présence de leur compagne à leur côté, Cécile et Henri Rol-Tanguy , Raymond et Lucie Aubrac, Paulette et Maurice Kriegel-Valrimont militant communiste, Hélène et Philippe Viannay, Marie-Hélène Lefaucheux et Pierre Lefaucheux, Clara et Daniel Mayer, Antoinette Feuerwerker et David Feuerwerker rabbin et professeur d’histoire juive. Ils formèrent des couples indissociables. Nombreuses furent les résistantes qui se marièrent et qui eurent des enfants en pleine clandestinité, sans interrompre pour autant leur combat. Certaines sauvèrent la vie à leur mari, Lucie Aubrac, Marie-Hélène Lefaucheux. D’autres partagèrent leur sort jusqu’à la torture, à la déportation et à la mort. Le célèbre convoi du 24 janvier 1943 emporta à Auschwitz des résistantes Françaises non-juives et en majorité communistes, parmi lesquelles de nombreuses veuves de fusillés, ainsi Maï Politzer, épouse de Georges Politzer, ou encore Hélène Solomon, fille du physicien Paul Langevin et femme de l’écrivain Jacques Solomon.

Les résistants de droite dure, voire d’extrême droite.

Avant guerre sous le terme d’extrême-droite des Ligues, la grande figure de la droite dure fut sans conteste Charles Maurras académicien fondateur de l’Action française disciple de Maurice Barrès, accusateur à tords de Roger Salengro et ayant provoqué sa mort, collaborateur à la Concorde, antidreyfusard, antisémite d’État, monarchiste xénophobe, et antiparlementaire.

Inspirateur de la politique du régime de Pétain, il se fit l’apologiste du gouvernement de 1940. Il continua à «dénoncer les Juifs» en se félicitant par exemple de l’abolition du décret Crémieux, voir la suite 47 article 239. Maurras reçu la francisque, qu’il arbora encore en 1945. Le 28 janvier 1945, la cour de justice de Lyon déclara Charles Maurras coupable de haute trahison et d’intelligence avec l’ennemi et le condamna à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale. De cette dernière condamnation, article 21 de l’ordonnance du 26 décembre 1944, découla son exclusion automatique de l’Académie française, l’ordonnance prévit l’exclusion de l’Institut. Conformément à la loi l’Académie déclara vacant le siège de Maurras lors de la séance du 1er février 1945 mais, selon la décision du secrétaire perpétuel provisoire Georges Duhamel, il ne procéda pas au vote de radiation. L’Académie décida de ne procéder à l’élection du remplaçant qu’après le décès du titulaire. Maurras commenta sa condamnation par une exclamation célèbre, «C’est la revanche de Dreyfus !» Gracié par le président Vincent Auriol Maurras est transféré à la clinique Saint-Grégoire de Saint-Symphorien-lès-Tours où il mourut le 16 novembre 1952.

Ces milieux d’extrême-droite accueillirent très favorablement le régime de Pétain. Mais leur nationalisme poussa également certains de ses membres à s’engager dans la lutte contre l’occupant, en même temps que d’autres s’engagèrent dans des mouvements collaborationnistes ou peuplèrent l’entourage de Pétain. Ainsi la Ligue la plus importante les Croix-de-feu du colonel de La Rocque, la seule aussi à refuser l’antisémitisme, bien plus modérée, et surtout formée d’anciens combattants, rompit avec Pétain et fonda le réseau Klan spécialisé dans le renseignement, lié au réseau Alibi lui-même lié à l’Intelligence service Britannique. Georges Loustaunau-Lacau et Marie-Madeleine Fourcade qui lui succédèrent après son arrestation en 1941 et d’anciens Cagoulards, fondèrent le réseau Alliance, tandis que le colonel Groussard, issu des services secrets de Pétain, fonda le «réseau Gilbert». Certains membres de l’Action française s’engagèrent dans la Résistance pour les mêmes raisons, comme Daniel Cordier , devenu le secrétaire de Jean Moulin, ou comme le colonel Rémy. Il faut citer encore Pierre de Bénouville qui devint l’un des dirigeants de Combat, aux côtés d’Henri Frenay, ou Jacques Renouvin royaliste héros de la résistance mort en déportation, il fonda les groupes-francs du mouvement.

Parfois, le contact clandestin avec d’autres milieux et d’autres philosophies politiques fit changer certains de ces hommes. Beaucoup renoncèrent progressivement à leurs préjugés antisémites ou à leur haine de la «démocrassouille», ou tout simplement à leurs opinions traditionalistes et conservatrices. Bénouville et Marie-Madeleine Fourcade devinrent députés gaullistes après la guerre, François Mitterrand passa à gauche, Henri Frenay évolua vers un socialisme humaniste et européen, le jeune Daniel Cordier, dont la famille fut maurassienne depuis trois générations, abandonna ses opinions après avoir connu le républicain Jean Moulin.

Jean-Pierre Azéma forgea le terme «vichysto-résistant» pour qualifier ceux qui, après avoir cru dans le régime de Pétain, plus souvent par rapport à lui que dans la Révolution nationale, s’en détachèrent «sans esprit de retour» et rejoignirent la Résistance. Cette catégorie ne recouvra pas exactement la droite dure et l’extrême droite. L’ancien cagoulard Claude Hettier de Boislambert compagnon de la libération rejoignit de Gaulle dès l’été 1940, Maurice Ripoche fondateur de Ceux de la Libération, défendit, initialement, un régime très semblable à celui de Pétain, mais, plaçant la libération du territoire au-dessus de tout, n’entra pas dans l’administration pétainiste, et ouvrit dès 1941 le mouvement à des hommes de gauche. À l’inverse, tous les résistants passés dans la collaboration ne renièrent pas leurs idées, comme Gabriel Jeantet ou Jacques Le Roy Ladurie.

Les chrétiens et les antifascistes.

En France la majorité de la population est catholique, les résistants sont donc le reflet de cette population et on les retrouva dans presque tous les mouvements cités. D’un autre coté l’épiscopat, le clergé et la majorité des milieux catholiques représentèrent un des meilleurs soutiens à Pétain et même condamnèrent officiellement la résistance armée dans une déclaration épiscopale du 17 février 1944,

«Nous condamnons l’appel à la violence et actes de terrorisme, qui déchirent aujourd’hui le pays, provoquent l’assassinat des personnes et le pillage des demeures», cité par Michèle Cointet historienne, article Chrétiens, dans le Dictionnaire historique de la France sous l’occupation, sous la direction de Michèle et Jean-Paul Cointet, Tallandier, 2000, p. 159».

D’un autre côté, certaines mouvances de la Résistance furent motivées par un fort ancrage catholique, comme par exemple Liberté, fondée par François de Menthon juriste qui fut l’une des composantes du mouvement Combat, les Cahiers du Témoignage chrétien fondés par le père Pierre Chaillet ou les Jeunes chrétiens combattants, fondés par Gilbert Dru responsable de la JEC, 1920-1944, et Maurice-René Simonnet. Ces militants considérèrent que leur foi chrétienne leur imposait d’agir aux côtés de la Résistance. Les mouvements chrétiens virent se regrouper des catholiques et des protestants et contribuèrent à renforcer les tendances à l’œcuménisme.

Les antifascistes à l’opposé de l’extrême droite sur l’échiquier politique et nombreux chez les universitaires, jouèrent un rôle important dans la fondation du mouvement Libération-Sud : Emmanuel d’Astier de La Vigerie, principal dirigeant du mouvement fut journaliste. Jean Cavaillès, philosophe et mathématicien de l’université de Strasbourg, rencontra d’Astier et Lucie Aubrac à Clermont-Ferrand où l’université fut repliée. Les intellectuels antifascistes furent également nombreux autour de Jean Cassou et Boris Vildé fusillé au Mont Valérien dans ce qu’on a appela le réseau du musée de l’Homme, dont le premier bulletin Résistance fut diffusé dès décembre 1940. C’est dans cette mouvance que l’on put classer des francs-maçons comme Pierre Brossolette et François Verdier assassiné par la gestapo. Des militants du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes figurèrent parmi les premiers résistants, comme Paul Rivet.

La suite 62 portera sur la résistance juive et la résistance extérieure.

Les références peuvent être consultées sur mon blog au Monde.fr