l’Opération Torch.


 

Un peu d’histoire qui rappelle l’engagement des Américains et des Japonais.

La défaite brutale de la France, laissant l’Angleterre seule face à l’Europe envahie, rappelle aux Américains que le conflit peut aussi les concerner, même s’il ne les touche pas encore. La campagne électorale en vue des élections présidentielles de novembre 1940 voit s’affronter deux opinions, pour et contre le soutien aux Anglais. Roosevelt obtient un troisième mandat et cède cinquante destroyers à la Royal Navy en échange de bases Britanniques dans l’Atlantique. A partir de la fin 1940, Roosevelt s’engage de plus en plus ouvertement aux côtés de Churchill et des démocraties alliées. Le 29 décembre 1940, il propose que les États-Unis deviennent «le grand arsenal de la démocratie», puis il fait adopter par le Congrès la loi prêt-bail, qui permet aux Anglais de s’approvisionner à crédit en Amérique. La marine Américaine s’engage auprès de la marine Britannique dans la défense des convois qui traversent l’Atlantique, et lorsque l’URSS est envahie par les armées Allemandes, le bénéfice de la loi prêt-bail lui est facilement étendu, voir la suite 28 .

charte_atlant.1297177832.jpgLe Premier ministre du Royaume-Uni, Churchill, le Président des États-Unis, Roosevelt, à la signature de la Charte de l’Atlantique . Avec le Prince de Galles. Photo Nations unies.

La Charte de l’Atlantique, publiée le 14 août 1941, après la rencontre au sommet entre Winston Churchill et Franklin Roosevelt au large de Terre-Neuve, consacre évidemment la volonté du président Américain de rentrer en guerre contre l’Axe. Cependant, c’est du Japon que viendra la déclaration de guerre qui poussera les États-Unis à devenir un des trois grands alliés et le principal fournisseur de guerre de la coalition. L’adhésion de Tokyo au pacte tripartite du 27 septembre 1940, aux côtés de l’Allemagne et de l’Italie, suivie de l’occupation de l’Indochine française au cours de l’été 1941, poussent Roosevelt à accorder des crédits à la Chine de Tchiang Kaï-Chek, en lutte contre les armées Nipponnes, et à étendre l’embargo sur les matières premières à destination du Japon.

Du 22 au 26 septembre 1940 l’armée Japonaise qui voulait transiter par le Tonkin pour prendre position de trois aérodromes lance ses 25.000 soldats contre nos forces qui ne pourront pas s’opposer à cette invasion ne disposant que de 5.000 hommes. Le gouvernement Japonais profite de la défaite de la France en Europe en juin 1940 pour adresser un ultimatum. Trois divisions de l’Armée du Guandong font pression sur la frontière Tonkinoise, et la menace paraît suffisamment évidente au gouverneur Catroux pour qu’il ordonne de lui-même, le 16 juin, l’interdiction du trafic d’essence vers Kunming, Jacques Dalloz, La guerre d’Indochine, Seuil 1987.

Mécontent de l’initiative de Catroux, Pétain le limoge et le remplace par l’amiral Decoux, proche de l’amiral Darlan. La passation des pouvoirs a lieu le 22 juillet, Catroux profitera de l’escale à Singapour pour rejoindre la France libre. Mais, entretemps, Catroux a du engager des discussions avec une mission militaire Japonaise, arrivée à Hanoï, quant au droit de passage de l’Armée japonaise sur le territoire Indochinois. Les empiètements sur la souveraineté Française se multiplient, et le 30 août, Pétain signe un accord de principe avec les Japonais, reconnaissant la position privilégiée et les intérêts du Japon en Extrême-Orient.

Une convention militaire doit ensuite régler les modalités d’application de l’accord, mais tarde à être signée. L’amiral Decoux cherche à gagner du temps, mais le 19 septembre, le Japon lance un ultimatum, exigeant la signature de la convention, et menace d’entrer en force en Indochine le 22 à minuit si sa demande n’est pas satisfaite. In extremis, un accord est conclu, prévoyant de mettre trois aérodromes à disposition des Japonais, et d’autoriser un maximum de 25 000 soldats de l’Armée impériale à transiter par le Tonkin. Le Japon passe outre, et pendant quatre jours de combats sanglants jusqu’au 26 septembre envahit la province de Lang Song brisant ainsi sa position stratégique de verrou de la Chine, mais malgré cela, les Japonais s’engagent à respecter la souveraineté Française permettant la reprise du contrôle de la province, le 5 octobre nos prisonniers sont libérés.

En 1937 le Japon attaque l’ensemble du territoire Chinois, c’est le début de 8 années de guerre jusqu’en 1945. Le gouvernement de Tchang Kaï-Chek se retire à Chongqing et les Japonais s’emparent de Péking et de Shangaï. C’est l’action de Soon Meiling femme de Tchang Kaï-Chek aux Etats-Unis en 1943 qui persuade les Américains d’accorder un soutien important à la Chine. En février 1943, elle est pendant dix jours l’hôte du couple Roosevelt et plaide sa cause le 18 devant le Congrès.

Les négociations Nippo-américaines continuent malgré la montée en puissance des partisans de l’expansionnisme et de la «Grande Asie» dans les sphères gouvernementales Japonaises. Les conseillers de Roosevelt supposent longtemps que l’attaque Japonaise sera centrée sur les Philippines, tandis que la marine nipponne a reçu, dès le début novembre, l’ordre d’attaquer les îles Hawaii. Le 7 décembre 1941, l’attaque sur Pearl Harbor, alors que les porte-avions Japonais ont réussi à traverser le Pacifique sans être détectés, constitue donc une surprise pour l’État-major Américain et pour le président.

Les pertes Américaines furent importantes 2.403 morts et 1.178 blessés. Quatre navires de ligne, trois croiseurs, trois destroyers et 188 avions furent détruits. Trois porte-avions du Pacifique alors absents échappèrent au massacre. En moins de vingt-quatre heures, le Japon attaqua également les États-Unis aux Philippines et ouvre les hostilités avec le Royaume-Uni, en envahissant Hong-Kong et en débarquant en Malaisie.

Les Américains ressentirent cette journée comme une catastrophe, ce qui les obligea à entrer dans le conflit mondial, bien que leur armée d’un peu plus d’un million d’hommes ne soit pas préparée à la guerre. Avec la mobilisation des énergies, c’est la mobilisation de l’économie qui devient vite prioritaire. L’appareil économique, remis en ordre sous le New Deal, est prêt à fonctionner, tandis que la main d’œuvre et les ressources sont abondantes. De gigantesques programmes permettent d’assurer aux États-Unis et aux Alliés une supériorité matérielle écrasante à partir de 1943,

Le mois de novembre 1942 est l’engagement Américain en Europe, il représenta un tournant dans la Seconde Guerre mondiale, qui marqua le moment où, pour la première fois depuis les accords de Munich, 1938, Hitler a perdu l’initiative à l’Ouest. Pour la France de Pétain, il s’agissait d’une rupture qui n’a pas échappé aux contemporains. En perdant à la fois sa souveraineté sur une partie de la France et sur l’Empire, la situation spécifique qui permettait de justifier la politique de neutralité et de collaboration s’effondre.

L’Opération Torch ou le débarquement allié en Afrique du Nord.

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La réflexion.

Dans le cadre de cette Opération Torch, les Américains et les Anglais débarquent le 8 novembre 1942 sur les côtes d’Afrique du Nord, en Algérie et au Maroc au plus fort de la domination Allemande. Les îles Britanniques ont évité l’invasion Allemande au cours la bataille d’Angleterre, mais Hitler, avec ses forces de l’Est, n’en est pas moins aux portes de Stalingrad, aussi l’Union soviétique se trouve-t-elle dans une position plus que délicate et au bord de la rupture. Si les Alliés veulent conserver une chance de gagner cette guerre, il leur est impératif et urgent d’ouvrir un second front afin de soulager l’URSS.

Le choix de l’Afrique du Nord n’allait pas de soi, le président Roosevelt et le général George Marshall avaient d’abord donné leur préférence à un débarquement sur les côtes de la Manche, Eisenhower avait d’ailleurs déjà obtenu la responsabilité du commandement pour une attaque côté ouest. Mais de son côté, Churchill n’avait pas oublié les intérêts Britanniques en Afrique, où le canal de Suez restait à la portée de l’ennemi. Et surtout, il estimait que débarquer sur le continent Européen aurait représenté de gros risques, à la fois compte tenu de la qualité des défenses Allemandes, et parce qu’il jugeait les effectifs alliés disponibles au Royaume-Uni encore insuffisants pour réussir une opération de grande ampleur, il lui paraissait donc préférable de s’orienter vers une offensive moins directe, en Afrique. Si les Alliés réussissaient à y repousser les troupes de l’Afrikakorps de Rommel, l’Afrique du Nord permettrait ensuite de disposer d’une plate-forme pour un projet plus ambitieux qui concernerait l’Europe méridionale. Les pourparlers durèrent quatre jours et aboutirent à un accord désignant l’Afrique du Nord comme objectif immédiat des Alliés. Le général Marschall confia à Eisenhower ce nouveau commandement et le projet fut baptisé «Opération Torch», le Flambeau.

Les négociations avec pétainistes.

Le 5 septembre 1942, les négociateurs alliés s’accordent pour désigner Casablanca, Oran et Alger, comme cibles principales du débarquement allié en Afrique du Nord. Mais l’opération avait aussi été préparée de longue date sur place. Restait l’attitude des autorités militaires de Pétain en Afrique du Nord vis-à-vis d’une éventuelle intervention Américaine. Le président Roosevelt, influencé par certains Français des États-Unis, tels que l’ancien diplomate Alexis Léger, plus connu sous nom de plume Saint-John Perse, et l’avocat René de Chambrun, gendre de Pierre Laval, soupçonnait à de Gaulle des tendances dictatoriales tandis que, sur la foi des informations de son ambassadeur, l’amiral Leahy, ami du maréchal, il imaginait les dirigeants du régime comme susceptibles de reprendre la guerre contre l’Allemagne à la première occasion. Le consul Robert Murphy, représentant personnel du président Roosevelt en Afrique du Nord, partageait les vues de Leahy, bien que ses démarches sur place auprès des dirigeants du régime de 1940, et principalement des généraux Maxime Weygand, puis Alphonse Juin, ce dernier s’en tenant à l’expectative, n’avaient pas eu de succès.

Robert Murphy avait été renforcé de 12 vice-consuls des États-Unis, envoyés en Afrique du Nord pour contrôler l’emploi de l’aide économique Américaine, et qui, issus de milieux non diplomatiques, ne partageaient pas tous les idées de leur supérieur. Aussi plusieurs d’entre eux avaient-ils établi de nombreux contacts, non seulement avec les autorités locales du gouvernement de Pétain, mais aussi avec la Résistance.

Négociation avec la résistance en Afrique du Nord.

Les diplomates Américains et l’OSS, le Service Secret Américain, précurseur de la CIA, avaient du côté de la Résistance, mieux qu’une adhésion, une stimulation. En effet, à Oran et à Alger, s’étaient constitués, dès octobre 1940, deux groupements de résistants Français favorables à la cause alliée. Ils s’étaient rassemblés et avaient été organisés, par deux cousins, Roger Carcassonne à Oran et José Aboulker, à Alger sur la base d’un secret et d’un cloisonnement rigoureux. Un an plus tard, d’autres résistants venus de métropole s’étaient joints à eux, parmi lesquels un lieutenant du Deuxième Bureau, Henri d’Astier de la Vigerie, voir les articles 58 sur la Résistance intérieure. Celui-ci, après avoir établi des liens avec Carcassonne à Oran, était venu s’installer à Alger comme cadre des Chantiers de jeunesse, et y avait rencontré Aboulker. Les deux jeunes dirigeants initiaux s’étaient implicitement placés sous la direction d’Henri d’Astier. Celui-ci avait ensuite étendu la conjuration au Maroc, auprès de certains dirigeants civils ou militaires, comme le général Béthouart .

À Alger aussi, il avait obtenu le concours de quelques officiers supérieurs, comme le lieutenant-colonel Germain Jousse, major de garnison, et le colonel Baril, alors en disgrâce pour avoir adressé à ses supérieurs un rapport prévoyant la victoire alliée. Il avait aussi obtenu l’adhésion d’un industriel arrivé à Alger en novembre 1941, Jacques Lemaigre Dubreuil, directeur des Huiles Lesieur, en relation étroites avec le trust Unilever, qui désirait jouer la carte Américaine.

À la suite de longs mois de négociations entre les chefs de la Résistance et les représentants Américains, il fut décidé que, lors du débarquement allié, les principales personnalités et points stratégiques d’Afrique du Nord devraient être neutralisés pendant plusieurs heures, afin de permettre aux Alliés d’effectuer leur intervention sans heurts. On espérait qu’une fois le débarquement opéré, l’armée d’Afrique se joindrait aux Alliés et se mettrait à leurs côtés dans la guerre. Il fut aussi décidé que le débarquement s’effectuerait sans intervention des Français libres, car la participation du général de Gaulle à l’opération n’aurait pu que braquer davantage encore les généraux de Pétain dans leur hostilité.

Un autre facteur était le peu de sympathie de Roosevelt pour de Gaulle, due à la libération de Saint-Pierre-et-Miquelon effectuée par les Forces Navales Françaises Libres, FNFL, de l’amiral Muselier le 24 décembre 1941, sans l’accord des États-Unis. Quant à Robert Murphy, il continuait de juger possible le ralliement des pétainistes à la cause alliée, malgré leurs déclarations et leurs actes concrets de collaboration en Afrique du Nord même. Il n’en fallait pas moins un général acceptable pour prendre la responsabilité de l’entrée en guerre du côté Français. C’est alors que Lemaigre-Dubreuil avança le nom du général Giraud, évadé d’Allemagne, dont il avait été l’aide de camp en 1940. Mais il n’informa pas les autres résistants que Giraud était aussi un admirateur de Pétain et du régime de la Révolution nationale. Ainsi obtint-il leur accord sans difficultés. Giraud avait également la faveur des Américains, qui le préféraient à de Gaulle dont le jugement et les méthodes étaient considérées peu fiables par Roosevelt.

Giraud, contacté par un envoyé Américain et par Lemaigre-Dubreuil, accepta de participer à l’opération, mais exigea dans un premier temps qu’elle ait lieu simultanément en France, et qu’il en exerça personnellement le commandement en chef. En attendant, il désigna, pour le représenter auprès des conjurés, le général Charles Mast, chef d’état-major du corps d’armée d’Alger.

Les accords eurent lieu entre les États-Unis et la Résistance française au cours d’une réunion clandestine tenue à Cherchell, dans la nuit du 23 au 24 octobre 1942, sur la côte, non loin d’Alger, dans la villa Teyssier, par Robert Murphy, le général Clark, adjoint d’Eisenhower venu secrètement en sous-marin rencontrer divers représentants militaires et civils de la Résistance, dont le colonel Jousse, le général Charles Mast, et Bernard Karsenty, adjoint de José Aboulker, Jean Rigault et Henri d’Astier de La Vigerie. Outre leur partie militaire, les accords de Cherchell incluaient des dispositions très favorables à la France, qui devait être traitée en alliée après le débarquement.

Le débarquement Allié en Afrique du nord le 8 novembre 1942, la fameuse conférence de Cherchell, ou se développa l’organisation du débarquement en Afrique du Nord, à lire absolument.

Grâce à l’action des résistants locaux, qui, en accord avec les consuls Américains, occupèrent les points stratégiques d’Alger, y neutralisèrent pendant plusieurs heures les officiers généraux pétainistes, à commencer par Juin et Darlan. Les Alliés purent ainsi débarquer sans opposition, encercler la ville et obtenir dans la journée sa capitulation avec son port intact. Par contre, à Oran, et surtout au Maroc, le général Noguès, résident général et le vice-amiral Michelier, fidèles à Pétain, opposèrent une résistance qui se solda par 1.346 morts Français et 2.000 blessés d’une part et 479 morts Américains et 720 blessés.

Il s’ensuivit une situation politique complexe à Alger où les Américains traiteront avec Darlan qui s’y trouvait par hasard prenant ainsi le pouvoir en Afrique au nom du maréchal Pétain. Darlan qui applique la politique de Pétain mainteint les déportés politiques dans les camps de concentration d’Afrique du Nord. L’amiral Darlan qui est abattu le 24 décembre 1942 par Fernand Bonnier de La Chapelle, est remplacé par Giraud. Giraud qui applique également la politique de Pétain fait arrêter 27 chefs de la résistance. Il faudra attendre le 30 mai 1943 pour que de Gaulle s’installe à Alger, mais sur la pointe des pieds, et plusieurs mois encore pour que, après avoir évincé Giraud en octobre 1943, il parvienne enfin à rétablir la législation républicaine.

Pour, Pétain l’opération a une double conséquence, d’une part, la perte complète de l’Empire, car après que l’AEF, Afrique Équatoriale Française, soit passée dans le camp de la France libre dès août 1940, puis la Syrie et le Liban, après l’intervention des Britanniques, c’est non seulement l’Afrique du Nord qui échappe au contrôle pétainiste, mais aussi l’AOF Afrique Occidentale Française, qui se rallie à Darlan le 23 novembre. Le 30 novembre, la Réunion se rallie à la France combattante. D’autre part, l’invasion par la Wehrmacht de la zone libre met fin au statut très particulier de la France occupée. L’armée d’armistice, qui a combattu les Alliés au Maroc n’intervient pas et livre ainsi cette zone aux forces de l’Axe sans tirer un coup de feu. Laval créé alors la Milice, dirigée par Darnand, pour remplacer l’armée dissoute et réprimer les dissidents. Quant à la flotte de Toulon, elle se saborde in extremis le 27 novembre 1942, contre la demande de Laval, après s’être laissée encercler par les Allemands et avoir refusé de rejoindre les Alliés, malgré l’ordre donné dès le 11 novembre, par Darlan, au vice-amiral de Laborde, commandant les forces maritimes de haute mer à Toulon, de se rallier à lui.

La suite 56 portera sur les Français sous l’occupation Allemande.

Les références consultées sont présentées sur mon blog au Monde.fr