Philippe Pétain, Maréchal de France ses années noires de 1940 à 1944, suite 54,

le Mur de l’Atlantique.

Qui ne connait pas les blockhaus et les bunkers qui jonchent encore nos plages de l’Atlantique à la mer du Nord. Ce mur voulait faire de nous une prison et comme toute forteresse il fut pris comme le fut notre ligne Maginot par l’arrière faisant des bunkers des tombes humaines. La philosophie que l’on peut tirer de ce mur est que, quelques soient les moyens militaires pour se prémunir contre toute invasion, les hommes trouveront toujours une faille pour contourner l’obstacle à leur conquête. La ligne Maginot fut contournée par les Ardennes et la Flandre et ce mur construit avec des milliers de forteresses «imprenables de front» fut pris par des hommes avec des grenades lancées dans leurs meurtrières tuant leurs occupants. Construit en béton armé selon les blockhaus de la ligne Siegfried édifiée en Allemagne, Hitler y mettait toute sa confiance comme si l’on pouvait sur une si grande distance de la frontière hispano-française aux cotes Néerlandaises se protéger d’une quelconque invasion par mer. Il suffisait simplement de débarquer pour le rendre vulnérable par des brèches entre les blockhaus permettant ainsi de les prendre par l’arrière, dès lors un soldat avec une simple grenade mettait hors d’usage ces forteresses. Munies de canons de gros calibres elles avaient pour but de détruire les navires au large avant qu’ils n’atteignent la cote ou des péniches garnies d’hommes pouvaient débarquer à l’abri du feu de ces canons. Seuls les mines et les obstacles de barbelés plantés sur le sable ainsi que les postes de mitrailleuses pouvaient empêcher les Alliés de prendre les falaises. Ils furent détruits et réduits au silence par les bombardements et par les parachutages d’hommes sur l’arrière. Ces blockhaus et bunkers de fortes épaisseurs allant jusqu’à plusieurs mètres furent construits aux angles et formes arrondies pour que les balles ou obus glissent à l’impact.

Il y avait avec ces blockhaus la construction de bases sous-marines comme la base de Lorient encore en service aujourd’hui. Forteresse héritée du IIIème Reich capable de résister aux bombes de l’époque voire même d’aujourd’hui.

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La base sous-marine de Lorient Photo ECPAd, document Chemins de mémoire

15.000 ouvriers construisirent successivement entre février 1941 et janvier 1943 trois vastes blocs bétonnés aux dimensions impressionnantes, 130 m de côté et 18,5 m de haut pour les blocs Kéroman I, et Kéroman II, avec des toits de 3,5 m d’épaisseur, 170 m de long et 122 m de large pour le bloc Kéroman III avec une épaisseur de toit de 7,5 m. Au total, la base sous-marine de Kéroman pouvait abriter plus de vingt-cinq submersibles grâce à des installations donnant directement sur la mer, ou permettant de hisser les sous-marins les plus imposants dans des alvéoles protégées grâce à un slipway, plan incliné pour tirer à sec les bâtiments. La présence de cette base réputée indestructible a valu à Lorient d’être soumise à d’intenses bombardements de l’aviation alliée, qui transforma la ville en vaste champ de ruines.

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Slipway, document Wikipédia

Il y eu aussi l’importante base de la Rochelle qui débuta en avril 1941 à l’extrémité Est du bassin à flots du port de La Pallice, aujourd’hui Grand port maritime de La Rochelle, qui nécessita l’emploi de 2.143 travailleurs, 632 ouvriers, 1.172 manœuvres auxquels s’ajoutèrent 290 ouvriers et 49 manœuvres de l’organisation Todt, pour la plupart des travailleurs forcés du STO. Les conditions de travail étaient particulièrement pénibles, les travaux se poursuivaient jour et nuit pour s’achever en 1943. Le bunker, qui occupe une surface de 3,5 hectares, mesure 192,25 mètres de long, pour 165 mètres de large et 19 mètres de hauteur. Ses murs font entre 2 et 3,5 mètres d’épaisseur, et sa toiture est composée de 2 dalles en béton fortement armé de 3,50 m d’épaisseur chacune, séparée entre elle par une chambre d’éclatement appelée Fangrost, qui joue un rôle anti-déflagration. L’ensemble représente un volume de 425.000 m3 de béton armé. Il est constitué de 10 alvéoles protégés par des portes blindées. Une écluse, fortifiée sur les mêmes principes que la base elle-même, a été également construite parallèlement à celle existante afin de protéger les bâtiments des bombardements pendant leur éclusage pour accéder au bassin à flots. De nombreux blockhaus sont dispersés sur le site, centrale électrique, réserves de carburant et de munition, ou de défense. Longtemps occupée par la Marine nationale et une unité du génie, la base est aujourd’hui à l’abandon à l’exception du quai d’honneur, entre les alvéoles 7 et 8, qui accueille quelques navires.

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Base sous-marine de La Rochelle, document Wikipédia.

Vue d’une chambre d’explosion de type Fangrost

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Document, Région de Bretagne, Pays de la Loire

456px-atlantikwall.1297072676.gifDocument Wikipédia .

Ce Mur fut une œuvre gigantesque construite par l’organisation Told maître d’œuvre qui était un groupe de génie civil et militaire de l’Allemagne nazie. Elle portait le nom de son fondateur et dirigeant jusqu’à sa mort en 1942, Fritz Todt, ingénieur et figure nazie importante, il était le mandataire général pour la régulation de l’industrie du bâtiment.

C’est dans ce cadre que Todt est nommé Ministre en charge de l’Armement et des Munitions, Reichminister für Bewaffnung und Munition, du projet la construction du mur de l’Atlantique. A ce projet venait s’ajouter la fortification des îles Anglo-normandes, occupées par les armées Allemandes du 30 juin 1940 au 8 mai 1945. L’historien Rémy Dusquesnes fut le premier en France à étudier la dimension économique de ce chantier colossal. Un budget de plusieurs milliards de Reichmarks aurait permit d’installer 15.000 blockhaus sur une façade de 4.400 kilomètres. C’est le programme le plus impressionnant depuis l’Empire Romain, de Jérôme Prieur, Le Mur de l’Atlantique éditions Denoël 2010.

La construction d’un tel projet a provoqué l’explosion de demandes de main d’œuvre de sorte que conjointement au STO, une importante main d’œuvre Française sera utilisée à sa construction. En mai, Fritz Todt meurt dans un crash aérien le 8 février 1942, peu après une rencontre avec Hitler dans son QG de Prusse orientale, construit un an plus tôt par cette organisation. Todt avait acquis la conviction que l’Allemagne ne pouvait plus gagner la guerre, et se considérait suffisamment indispensable pour pouvoir faire part de ses doutes à Hitler.

Il en résulta certaines questions sur sa mort, notamment si elle n’était pas un assassinat dissimulé, mais rien ne fut jamais prouvé. Todt fut remplacé par Albert Speer comme Ministre en charge de l’Armement et des Munitions, à qui revenait également de facto la direction de l’organisation Todt. Malgré la mort de son chef, l’organisation continua d’exister comme entreprise d’ingénierie et se vit assigner de nombreuses nouvelles missions. Au début de l’année 1943, en plus de la poursuite de son travail sur le mur de l’Atlantique, elle se voit confier la construction des plateformes de lancement pour les missiles V1 et V2. Durant l’été de la même année, elle reçoit la tâche de construire les bases devant accueillir les canons V3. On lui confie, dans le cadre de l’effort défensif du Troisième Reich, la construction d’installations anti-aériennes et la remise en état des bâtiments endommagés par les bombardements des villes Allemandes. Pour finir, elle aura pour tâche de construire des raffineries souterraines et des usines d’armement, c’est le Projet Riese .

Au départ, les travailleurs furent volontaires, les Allemands avaient besoin d’une main-d’œuvre spécialisée, ils étaient deux à trois fois mieux payés que les ouvriers travaillant dans ce secteur, grâce notamment à des primes de séparation, de logement ou de bombardement pour les ouvriers travaillant dans ces ports sans cesse bombardés et ils bénéficiaient d’une protection sociale supplémentaire. Ces conditions jetèrent les bases de la politique salariales de l’organisation Todt en France. Les mêmes conditions salariales s’appliquèrent à tous les ouvriers Français et étrangers qu’ils fussent employés dans des entreprises Allemandes ou Françaises à l’exception des Belges et Néerlandais qui avaient été recrutés sous des conditions plus favorables dans leur pays, référence Fabian Lemmes Travailler dans les entreprises sous l’occupation. Ensuite, des milliers de travailleurs forcés, prisonniers de guerre comme les tirailleurs Sénégalais, 10.000 Juifs, jeunes Français voulant échapper au STO en Allemagne, républicains Espagnols réfugiés en France et utilisés surtout pour les bases sous-marines, furent réquisitionnés pour construire ce mur le long des côtes. Deux cent grandes entreprises Allemandes sous-traitant en partie à 15.000 entreprises Françaises, du BTP et cimenteries principalement, et 1.000 à 1.500 grosses et moyennes entreprises, collaborèrent à la réalisation de ce «Mur».

Ainsi, la société Sainrapt et Brice, dirigée par Pierre-Louis Brice fut un modèle de collaboration économique, elle fit l’objet d’un procès retentissant de l’épuration économique. Mais la majorité des entreprises ne furent condamnées qu’à payer les impôts et taxes sur les bénéfices, souvent très importants, réalisés pendant l’occupation. De même, la société des grands travaux de France, dirigée par Jean Gosselin qui versa en août 1944 1.400.000 à la résistance après avoir financé le PPF de Doriot pendant l’occupation, il fut condamné à la Libération à deux ans de prison et à la confiscation de ses biens, ou encore Campenon Bernard Construction, Lafarge. Voir l’excellente référence L’Industrie Française des travaux publics 1940-1945 par Dominique Barjot.

Mur de l’Atlantique ou mur du silence, les archives de l’organisation Told ont donné lieu à des destructions intentionnelles. Avant de se replier, les unités de l’organisation avaient reçu l’ordre des les faire disparaitre plutôt que de courir le risque qu’elles soient récupérées. Quelques pièces se trouvent aujourd’hui aux archives Fédérales à Berlin mais la source principale est manquante en particulier le commanditaire du Mur tiré de la référence le Mur de l’Atlantique de Jêrome Prieur.

Il en serait de même pour les entreprises Françaises supprimant des documents importants, toutefois la déclaration dans les archives départementales des accidents du travail des ouvriers permettent par recoupement de décrire l’histoire du Mur, par la collecte pièces par pièces.

Quelques chiffres, le mur de l’Atlantique ou Atlantikwall, déployé par les Allemands du printemps 1942 au printemps 1944 mesurait 4 400 km de long environ.

* 15.000 ouvrages y étaient prévus, échelonnés le long des côtes qui se décomposent en :

-4.000 ouvrages dits principaux.
-1.000 casemates pour canons antichars
-10.000 casemates diverses

En avril 1943

* 3.670 ouvrages étaient bâtis et
* 2.530 en cours de construction.

En juillet 1943

* 8.000 installations permanentes étaient terminées

En juin 1944 en Normandie,
le mur était très inégalement terminé. Le long des 500 km côtes on pouvait compter :

* 1.643 ouvrages bétonnés terminés.
* 79 en voie d’achèvement
* 289 en cours de construction

Ce qui correspondait, en moyenne, à 4 ouvrages au kilomètre linéaire.

* La construction du Mur a mobilisé 291.000 travailleurs forcés (nombre maximum au printemps 1943), les soldats Allemands du génie civil (correspondant à 10% de cet effectif) servant de cadre.

* Il a nécessite 13 millions de m3 de béton pour construire du Danemark à Bidassoa
-12.000 ouvrages tels que forteresses, bases sous-marines, blockhaus, bunkers, cuves à canons…
-200.000 obstacles hérissaient les plages normandes tels que les hérissons, tétraèdres, asperges de Rommel, champs de mines…
-300.000 soldats
-4.000 pièces d’artillerie.

La construction du mur de l’Atlantique

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Document Wikipédia

Le mur de l’Atlantique.

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Pour complément on peut consulter le livre de Jérôme Prieur «Le mur de l’Atlantique» Éditions Denoël 2010.

La suite 55 portera sur l’Opération Torch.

Pour les références se reporter à mon blog au Monde.fr

3 réflexions sur « Philippe Pétain, Maréchal de France ses années noires de 1940 à 1944, suite 54, »

  1. Bonjour,
    Pour illustrer votre article, vous utilisez notamment une photo de l’ECPAD qui est correctement créditée, je vous en félicite mais sauf erreur de ma part, vous n’avez pas demandé d’autorisation pour cette utilisation.
    Vous pourriez au moins mettre un lien vers le site Internet de l’ECPAD (http://www.ecpad.fr) au risque de voir le service veille de l’ECPAD vous demander des comptes (suppression de la photo ou facturation pour utilisation sans demande préalable).
    Je reste à votre disposition pour toute information complémentaire.

  2. [b]ECPAD[/b] bonjour,

    J’ai cité la référence du document ou la photo a été prise. Ce document ne donne pas de conditions à son utilisation.

    En outre, je cite l’ECAP, de plus je n’ai aucune coordonnées pour le joindre. En outre, je montre dans cet article une période de notre histoire qui doit intéresser tout le monde.

    De plus, les références des documents consultés sont citées sur mon blog, il n’est pas possible de les publier sur ce site sans risquer que le texte déborde de son cadre, c’est d’ailleurs mentionné.

    Regardez mon blog et vous me direz ensuite si vous connaissez un journaliste qui donne autant que moi les références qu’il consulte ?

    En outre, ce travail est fait bénévolement, je ne gagne qu’un euro par article et bonté du site.

    Si vous souhaitez que je supprime la photo ce n’est pas moi que cela gène, mais les lecteurs.

    Si vous publiez cette photo je pense que c’est pour qu’elle soit vue et dans ce cas je contribue à ce désir, sans cela, il ne faut pas la publier mais la garder pour vous.

    Je ne comprends même pas votre intervention, vous devriez être satisfait qu’elle soit intégrée à cet article.

    Maintenant je n’attends que votre ordre ainsi que vous références afin de les publier à la place de la photo.

    Bien à vous,

    Anido

  3. [img]http://images.allocine.fr/r_160_214/b_1_cfd7e1/medias/nmedia/18/67/81/12/19129661.jpg[/img]
    [b]Le Mur de l’Atlantique
    [u]Date de sortie cinéma[/u] : 14 octobre 1970
    [u]Réalisé par[/u] Marcel Camus
    [u]Avec[/u] Bourvil, Peter McEnery, Sophie Desmarets…
    Long-métrage français . [u]Genre[/u] : Comédie , Guerre
    [u]Durée[/u] : 01h40min [u]Année de production[/u] : 1970
    [u]Synopsis[/u] : [i]1944. Léon Duchemin tient un restaurant avec sa sœur. Ses clients sont allemands, résistants et trafiquants. Le pauvre devient malgré lui résistant quand un pilote de la R.A.F. abattu trouve refuge chez lui et quand il dérobe aux services d’Hitler les plans de ses missiles V1.[/i]
    [url]http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=51435.html[/url]
    [/b]

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