les juifs en France pendant le régime de 1940, suite,

En octobre 1940, le Conseil des ministres de Pétain promulgue le premier statut des Juifs, «voir Lois contre les Juifs et les étrangers pendant le régime de 1940». Le premier statut des juifs loi du 3 octobre 1940, préparé par Raphaël Alibert, dans son article premier défini comme juif toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif. L’accès à toutes les fonctions publiques article 3, autres que celles de l’article 2 qui porte sur les fonctions publiques et mandats, sont autorisées sous condition,

a – Être titulaire de la Carte de combattant 1914-1918 ou l’avoir été cité au cours de la campagne 1914-1918 ;
b – Avoir été cité, à l’ordre du jour au cours de la campagne 1939- 1940 ;
c – Être décoré de la légion d’honneur à titre militaire ou de la Médaille militaire. L’article 5 défini que les juifs pourront sans réserve exercer des professions commerciales et industrielles. L’article 7 précise que les juifs visés aux articles 2 et 3 cesseront leurs activités dans les deux mois qui suivront la promulgation de cette loi.

La loi du 4 octobre 1940, promulguée simultanément avec le second statut des Juifs, autorise l’internement immédiats des Juifs étrangers dans des camps spéciaux, ou se voir assignés à une résidence forcée. Le second statut des juifs du 2 juin 1941 qui remplace la loi du 3 octobre 1940 oblige à l’immatriculation des entreprises juives et dans son article 4 exclut les Juifs de toute profession commerciale, industrielle ou artisanale, ou une profession libre, être titulaire d’une charge d’officier public ou ministériel, ou être investis de fonctions dévolues à des auxiliaires de justice, que dans les limites et les conditions qui seront fixées par décrets en conseil d’État.

La loi du 4 octobre 1940 modifiée par Pétain, bien que portant le nom de «loi» il s’agit en fait d’un acte de l’exécutif puisque le Parlement n’était plus en fonction depuis le 11 juillet 1940, permet l’internement immédiat des Juifs Français et étrangers, alors que la loi initiale autorisait l’internement immédiat que des juifs étrangers. Conçue et mise en application par le régime de 1940, elle suit la proclamation du premier statut des Juifs du 3 octobre. Cette loi numérotée 29 est publiée au Journal officiel de l’État Français du 18 octobre 1940 page 5324. L’exclusion légale des Juifs et la privation de tous leurs droits représente une étape essentielle avant leur extermination, comme l’a montré par exemple Hannah Arendt dans Les Origines du totalitarisme.

Cette loi du 4 octobre, modifiée par Pétain, qui finalement serait celle qui a été appliquée et qui porte sur les ressortissants Français et étrangers de race juive, prévoit de les enfermer dans des camps d’internement au sud du pays où ils seront rejoints par des convois de Juifs déportés par les Allemands depuis des régions que le IIIème Reich considère comme définitivement annexées, comme l’Alsace, la Lorraine et même, pour certaines, de Belgique.

Il faut remarquer que cette profusion de lois antijuives promulguées en si peu de temps ne fait que montrer l’embarras du gouvernement de 1940 concernant sa politique antijuive et rendre confus leur application. Il est évident que Pétain était antisémite comme l’étaient nombre de catholiques de cette époque. Cet esprit Français antisémite conjugué avec la politique aryenne nazie peut permettre de comprendre la persécution Française contre les juifs.

D’autres catégories de la population font l’objet de mesures de suspicion ou de proscription comme les francs-maçons et les communistes, ces derniers depuis que le PCF a pris le parti de soutenir le Pacte germano-soviétique et qu’il a été interdit par le gouvernement Daladier.

Les lois régissant le statut des Juifs étaient copiées sur les lois ou ordonnances nazies qu’elles égalaient en dureté pour leurs victimes. Ces lois d’exception ont été mises en place dès l’avènement du nouveau régime dirigé par Pétain avant même que les Allemands n’en expriment la demande express, ainsi, la loi sur les dénaturalisations a été est mise en place un mois à peine après la proclamation du régime de 1940. Dès juillet 1940, le ministre de la Justice Alibert crée une commission de révision des 500.000 naturalisations prononcées depuis 1927. Le retrait de la nationalité Française concernera 15.154 personnes dont 7.000 Juifs environ, 37% des juifs qui avaient été naturalisés entre 1927 et 1940 ont été dénaturalisés. 57% des dénaturalisations ont concerné les juifs.

Le 3 octobre 2010, l’avocat Serge Klarsfeld a présenté un document original de cinq pages établissant un statut des juifs en octobre 1940 annoté par Philippe Pétain. Ces notes durcissent le projet d’origine excluant les Juifs des métiers de la justice, de l’enseignement et supprime leur éligibilité aux élections. Le texte final vise tous les juifs, Français ou étrangers, alors que le projet initial excluait «les descendants de juifs nés Français ou naturalisés avant 1860», le maréchal Pétain en rayant cette mention, il élargi ainsi considérablement la portée de cette loi. La version promulguée au Journal Officiel le 18 octobre 1940 comporte tous les ajouts du document annoté. Ce document vient confirmer le témoignage de l’ancien ministre des Affaires étrangères du régime de 1940, Paul Baudouin, qui écrivait dans un livre publié en 1946 que lors du conseil des ministres du 1er octobre 1940, le gouvernement avait étudié «pendant deux heures le statut des Israélites. C’est le maréchal qui se montre le plus sévère. Il insiste en particulier pour que la justice et l’enseignement ne contiennent aucun Juif».

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Pages 1 et 2 textes du statut des juifs annotés de la main de Pétain référence Wikipédia

En fait, les corrections du texte des documents présentés ci dessus n’ont rien d’évident, d’autant que la première page porte écrit en rouge dans le coin supérieur la mention projet. Pour Serge Klarsfeld «La découverte de ce projet est fondamentale. Il s’agit d’un document établissant le rôle déterminant de Pétain dans la rédaction de ce statut et dans le sens le plus agressif, révélant ainsi le profond antisémitisme» du chef du gouvernement de 1940. Son fils, Arno Klarsfeld, assure qu’il ne fait «aucun doute» que l’écriture retrouvée sur le document est celle de Philippe Pétain après des comparaisons avec celle d’autres textes manuscrits signés du maréchal. «Le principal argument des défenseurs de Pétain était de dire qu’il avait protégé les juifs Français. Cet argument tombe», constate Serge Klarsfeld, précisant que le texte a été remis par un donateur anonyme au Mémorial de la Shoah.

En fait, il y aurait plusieurs feuilles, la cinquième feuille du projet, rapporte l’avocat Serge Klarsfeld, indique le lieu de sa rédaction et la fonction de ses rédacteurs, «Fait à Vichy, par le maréchal de France, chef de l’État», le vice-président du Conseil et huit autres ministres. Il n’y a ni date, ni noms, ni signature. Le projet de loi a été débattu lors du conseil des ministres du 1er octobre 1940, puis adopté le 3 octobre. Sa version promulguée au Journal officiel, le 18 octobre 1940, comporte tous les ajouts du maréchal Pétain, y compris «les motifs» justifiant les mesures.

Le régime collaborationniste se met ainsi au service de la politique de l’Allemagne nazie et les Juifs, enfants compris, sont recherchés, arrêtés par la police et la gendarmerie Française, acheminés dans les trains vers des camps de concentration Français, puis vers des camps de concentration et de regroupement comme Drancy avant d’être déportés par les nazis dans des camps d’extermination situés en Allemagne et en Pologne.

Le 7 octobre 1940, l’abrogation du décret Crémieux prive 100 000 Juifs d’Algérie de la citoyenneté Française. Un Commissariat général aux questions juives est créé en mars 1941, sous la direction de Xavier Vallat. Sa mission est de veiller à l’application de la législation antijuive. Le deuxième statut des Juifs de juin 1941 est encore un peu plus restrictif, il allonge la liste des professions d’où sont exclus les Juifs et établit un numerus clausus limitant la proportion de Juifs à 3 % dans l’université et 2 % dans les professions libérales. Ce statut autorise les préfets à pratiquer l’internement administratif de Juifs de nationalité Française. Enfin, en juillet 1941, les Juifs doivent céder leurs droits sur les entreprises à des «Aryens». Les Allemands avaient appliqué cette mesure en zone occupée depuis octobre 1940.

Quant aux Juifs étrangers, venus des pays de l’Est suite aux menaces et persécutions nazies d’avant guerre, ils sont considérés comme des indésirables en France. À partir du 4 octobre 1940, les préfets peuvent interner les étrangers de «race juive» dans des camps spéciaux ou les assigner à résidence. En février 1941, 40 000 Juifs étrangers croupissent dans une série de camps, Les Milles, Gurs , Rivesaltes, Drancy, etc….. En juillet 1940, alors que la «solution finale» n’était pas encore à l’ordre du jour, les Allemands avaient expulsé 20 000 Juifs d’Alsace et de Lorraine vers la zone non occupée. Plus tard, à partir de 1942, lorsque des pressions commencent à s’exercer pour pouvoir mettre en œuvre la «solution finale», le gouvernement de Pétain sut toujours se montrer conciliant pour livrer aux Allemands des Juifs étrangers. La collaboration entre les polices Allemandes et Françaises est renforcée par ce qu’on appelle les accords Bousquet-Oberg, voir la suite 45. Les Allemands peuvent compter sur la police Française pour rafler les Juifs étrangers, du moins jusqu’à la fin 1942. En novembre 1941, sous la pression Allemande, Xavier Vallat crée l’Union générale des israélites de France, UGIF, qui doit intégrer toutes les organisations sociales juives.

Le camp de Drancy avec le Fort de Romainville, ont été les sites d’internements. Drancy était un camp de transit clé de la Shoah tandis que Romainville plutôt un camp de résistants communistes et de juifs avec celui de Compiègne en France, voir la référence, Le fort de Romainville un camp Allemand en France 1940-1944 Drancy située au nord-est de Paris, aujourd’hui en Seine-Saint-Denis, a été pendant trois ans le principal lieu de départ de la France vers les camps d’extermination nazis, pour la majorité des convois vers Auschwitz. Neuf Juifs déportés de France sur dix passèrent par le camp de Drancy pendant la période de 1940.

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Les routes de la déportation de la Shoah, référence Wikipédia

Vue générale du camp de Drancy

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Référence Mémoires juives et éducation.

La première rafle collective à Paris eu lieu le 14 mai 1941 elle concernait les Juifs Polonais, Tchécoslovaques et Autrichiens, âgés de 18 à 40 ans. Ils étaient convoqués par la police parisienne, en application de la loi Française du 4 octobre 1940 qui autorisait l’internement d’office des Juifs étrangers. Ils ont reçu une lettre de ce type, sur papier vert,

«Préfecture de police Paris le 10 mai 1941

M. …

est invité à se présenter, en personne, accompagné d’un membre de sa famille ou d’un ami, le 14 mai 1941, à 7 heures du matin, à…(était indiqué l’un des cinq centres, caserne, hangar ou gymnase), pour examen de sa situation. Prière de se munir de pièces d’identité. La personne qui ne se présenterait pas aux jours et heures fixés s’exposerait aux sanctions les plus sévères.

Le commissaire de police».

Tous les Juifs qui se sont présentés seront déportés en juin 1942 vers Auschwitz. 3.747 personnes, dont 3.430 Polonais, 123 apatrides et 157 Tchécoslovaques furent ainsi internés. L’accompagnateur des personnes convoquées était chargé de se rendre au domicile de la personne arrêtée pour en rapporter une valise avec des effets personnels. Les personnes qui n’avaient pas répondu sur les 6.494 convocations avaient soit déménagé, ou avaient décidé de ne pas se présenter.

La deuxième grande rafle a lieu dans le XIème arrondissement le 20 août 1941. Officiellement, c’est un «rassemblement». Il ne s’agit plus de convocations comme en mai 1941. Le quartier est bouclé à 5 heures 30 par 2 400 policiers Français, en collaboration avec la Feldgendarmerie allemande. Les stations de métro sont fermées. 2 894 hommes juifs de 18 à 50 ans, étrangers et Français, sont arrêtés à leur domicile, par un policier en tenue et un autre en civil, ou dans la rue. Ils sont envoyés à Drancy, qui vient d’être ouvert, à Pithiviers et à Beaune-la-Rolande. Le 21 août, les opérations s’étendent aux Xème, XVIIIème, XIXème et XXème arrondissements. Le 22 août, elles ont lieu dans les IIIème, IVème et de nouveau dans les Xème, XIème, XVIIIème, XIXème et XXème. Le 23 août dans les Ier, Vème, VIème, IXème, XIIIème et XVIIème. Elles se poursuivent le 24 août.

1 338 arrestations supplémentaires sont réalisées. Au total, du 20 au 25 août, 4 232 Juifs, étrangers et Français, 1500, sont ainsi arrêtés. Selon les listes données, le nombre d’arrestations devait s’élever à 5 784. À Paris, les arrestations dans les rues sont quotidiennes, les contrôles sont multiples et il suffit d’être en infraction avec les ordonnances Allemandes ou les lois Françaises pour être arrêté. À partir du 1er juin 1942, le port de l’étoile jaune est obligatoire pour tous les Juifs de plus de 6 ans, elle doit être cousue visiblement sur les vêtements du côté gauche de la poitrine.

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Modèle utilisé en France document, Wikipédia.

La suite 48 sera sur la solution finale.

Références,

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http://fr.wikipedia.org/wiki/Rapha%C3%ABl_Alibert
http://fr.wikisource.org/wiki/Loi_du_3_octobre_1940_portant_statut_des_Juifs
http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/autres_lois_antisemites.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_du_4_octobre_1940_sur_%C2%AB_les_ressortissants_%C3%A9trangers_de_race_juive_%C2%BB
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Hannah_Arendt
http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Origines_du_totalitarisme
http://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_de_Gurs
http://www.unlivredusouvenir.fr/natulralisation-pendant-la-guerre.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_germano-sovi%C3%A9tique
http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/autres_lois_antisemites.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Xavier_Vallat
http://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_des_Milles
http://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_de_Gurs
http://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_de_Rivesaltes
http://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_de_Drancy
http://fr.wikipedia.org/wiki/Collaboration_polici%C3%A8re_sous_le_r%C3%A9gime_de_Vichy
http://fr.wikipedia.org/wiki/Union_g%C3%A9n%C3%A9rale_des_isra%C3%A9lites_de_France
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fort_de_Romainville
http://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_de_Royallieu
http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/drancy.htm
http://www.unlivredusouvenir.fr/rafles-paris.html.
http://www.fondationresistance.org/documents/dossier_them/Doc00049.pdf